Couverture numérique : 2019, année du léopard, 2020, année de la panthère ?
L'année 2019 aura été marquée par une accélération de la couverture numérique, dans le domaine du fixe comme du mobile. Malgré des chiffres records, les trous de couverture restent encore nombreux. Après l'année du léopard, souvent cité en référence à ses taches, 2020 sera-t-elle l'année de la panthère ? Noire évidemment.
L'année 2019 est celle de tous les records dans le domaine des télécoms. Jamais les investissements n'ont été aussi élevés et le montant de 9,9 milliards d'euros atteints en 2018 devrait vraisemblablement être dépassé en 2019. Alors même qu'on évoquait en 2018 des freins liés aux problèmes de main-d'œuvre et d'approvisionnement en fibre, l'accélération s'est confirmée grâce à la mobilisation de l'ensemble de la filière et des territoires.
Fixe ou mobile : des records atteints en 2019
Dans le domaine de la fibre, les taux de croissance sont à deux chiffres, dans les zones sous responsabilité des opérateurs comme dans celles pilotées par les collectivités. Selon les derniers chiffres de l'Arcep (troisième trimestre), 4,2 millions de locaux supplémentaires ont été rendus raccordables, en hausse de 34% sur une année glissante. Sur le temps d'un seul trimestre, 700.000 locaux ont été rendus éligibles dans les zones AMII et 350 000 dans les zones peu denses : un record. Au total 22,4 millions de logements ou d'entreprises peuvent bénéficier de la fibre. Cette accélération est également sensible dans le domaine de la 4G. Selon les chiffres de la Fédération française des télécoms, sur les 81.000 sites mobiles dénombrés en France, plus de 67.000 émettaient en 4G au 30 juin 2019, dont 11 000 liés au New deal mobile lancé en décembre 2018. En outre, près de 1 200 sites ont fait l'objet d'un arrêté ministériel au titre de la couverture ciblée, dans des communes identifiées par les élus locaux comme prioritaires. Des chiffres dont on aurait tort de ne pas se réjouir tant le THD fixe ou mobile sont perçus comme des services essentiel par les Français. Le "léopard" invoqué par le gouvernement en 2018 au titre de l'accélération était donc bien au rendez-vous… mais le félin à la peau tachetée devra se transformer en 2020 en panthère noire pour pleinement satisfaire les territoires. Car dans le fixe comme dans le mobile, la couverture tient toujours de la "peau de léopard", y compris dans les zones réputées couvertes.
Finir les travaux et boucher les trous
En matière de fibre, l'Avicca relevait ainsi que moins de la moitié des zones très denses – autrement dit les grandes agglomérations "privilégiées" - étaient couvertes à plus de 95% par la fibre. Un chiffre qui tombe à 438 pour les zones AMII (3335 communes concernées). Ce problème de la "complétude des déploiements" a été soulevé par la députée Christine Hennion dans son rapport sur le volet télécoms de la loi de finances pour 2020. Car si les travaux sont en cours sur de nombreux territoires, certaines communes ont vu arriver les pelleteuses voici 5 ans pour poser des armoires de rue, mais depuis, plus rien. Les riverains, souvent situés dans des zones pavillonnaires disposant d'un mauvais ADSL, ne sont toujours pas raccordés à la fibre. Comme la complétude fait partie des obligations des opérateurs qu'ils pilotent, en septembre 2019, l'Arcep a mis en demeure Orange, SFR et Free sur le respect de complétude pour 481 points de mutualisation, représentant pas moins de 230 000 locaux. Autre problème, lié aux statistiques utilisées pour suivre les déploiements. L'Arcep affiche sans sourciller des taux de couverture pouvant atteindre 120% sur certaines communes… tout simplement parce que le référentiel Insee utilisé date de 2013 alors que le nombre de locaux a augmenté depuis. L'Avicca déplore par ailleurs des fichiers IPE (fichiers d'informations préalables enrichies) tronqués. Transmis par les opérateurs d'infrastructures, ces fichiers sont aujourd'hui expurgés du nombre de logements/entreprises figurant derrière une même adresse, ce qui fausse les calculs sur la population couverte.
En matière de mobile, l'histoire est plus celle de la panthère noire mutant en panthère des neiges… Plus les collectivités s'équipent d'outils de mesure – application de crowdsourcing, drive tests – plus elles trouvent de trous de couverture : les beaux aplats colorés des cartes des opérateurs (simulées) s'éclaircissent de mois en mois ! Et les départements ont bien du mal à expliquer à leur population qu'au lieu des trois à quatre sites new deal par an, il en faudrait le double ou le triple… d'autant plus que lorsqu'un site est identifié, il faudra attendre un à deux ans pour voir arriver le service.
Réaffirmer l'ambition de la fibre partout et pour tous
Autre sujet en suspens, celui du financement et de l'ambition numérique gouvernementale. En matière de fibre, la réduction des financements publics induite par le nouveau cahier des charges du guichet THD (notre article) semble indiquer deux choses : inciter les collectivités à refaire des Amel (recourir au privé) quitte à renoncer à la propriété des réseaux ou privilégier des solutions "alternatives" pour les quelques 3 millions de foyers exclus de la fibre. Or ce que souhaitent les élus, au nom de "l'intérêt général et de cohésion sociale et territoriale", c'est la fibre pour tous comme le rappelle un communiqué cosigné mi-décembre par les principales associations d'élus . Sachant que la fibre est également la condition indispensable au déploiement du THD mobile. Sur le mobile, la question du financement n'est pas totalement résolue non plus. Car en plus de leurs investissements dans la construction d'antennes pour le New deal mobile, les quatre opérateurs mobiles vont devoir mettre la main à la poche pour les licences 5G. Autant dire que les félins tachetés pourraient continuer de prospérer.