Territoires ruraux - Courteline à la campagne
Attendu pour la mi-décembre 2011, le rapport sur les normes en milieu rural commandé par Nicolas Sarkozy au député Pierre Morel-A-L'Huissier a enfin été rendu public le 10 avril. Ce rapport sur la "simplification des normes pour le développement des territoires ruraux" a été élaboré par la mission "ruralité" qui, outre le député de la Lozère, comprend trois autres députés UMP : Etienne Blanc, Daniel Fasquelle et Yannick Favennec.
Le monde rural représente aujourd'hui 11,1 millions de Français, soit 18% de la population, et recouvre 80% du territoire national, rappellent les députés, mais il est corseté par 9.000 lois et 400.000 normes toujours plus complexes, une administration qui contrôle plus qu'elle n'accompagne, des services instructeurs qui "diluent la parole de l'Etat"... Bref, il est "asphyxié". Avec les documents d'urbanisme, les normes environnementales figurent au "palmarès des difficultés recensées par le monde rural". "Paradoxalement, dans le monde rural d’aujourd’hui, le principe d’égalité devant la loi, pierre angulaire de notre édifice juridique, tend peu à peu à devenir un facteur d’inégalité voire non équitable pour des citoyens - ou des collectivités", dénoncent les députés. Afin d'assouplir ce que le président des maires ruraux Vanik Berberian appelle les "normes ruralicides", le rapport reprend l'idée force de la proposition de loi d'Eric Doligé enterrée par le Sénat le 8 février dernier, à savoir le principe de proportionnalité des normes. Mais il l'étend à l'ensemble des secteurs et pas seulement aux collectivités comme l'envisageait le sénateur, et l'associe à la subsidiarité. Sans remettre en cause l'unicité de la règle sur tout le territoire, la proportionnalité permettrait une "marge locale d’appréciation, limitée et encadrée". Quant à la subsidiarité, qui donne la possibilité aux collectivités de prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon, elle figure dans la Constitution mais n'est quasiment jamais appliquée... Ce pouvoir d'adaptation de la norme aux réalités locales serait confié aux préfets de département.
Modifier la Datar en profondeur
Parallèlement, les députés de la "droite rurale" appellent le législateur à poursuivre son travail de simplification et imaginent la création d'une "Commission nationale de simplification". Rattachée au Premier ministre, elle intégrerait les travaux du commissaire à la simplification et ceux de la Commission consultative d'évaluation des normes. Afin de régler les difficultés apparaissant entre l'Etat et les collectivités, ils suggèrent aussi d'instaurer un poste de coordonnateur "ruralité" auprès des préfets et la création d'une commission locale de médiation. Une commission départementale de conciliation réglerait, elle, les litiges entre Etat et usagers.
Plus largement, les députés réclament une nouvelle conception de l'aménagement du territoire. Celui-ci ferait l'objet d'un ministère de plein exercice ou d'une délégation interministérielle spécifiquement dédiée à l'aménagement du territoire. La Datar serait appelée à être modifiée en profondeur. Elle comprendrait une direction opérationnelle chargée notamment du pilotage de l’utilisation des crédits européens, une direction de la prospective, une direction de l’aménagement des territoires urbains et périurbains et une direction de la ruralité. Le directeur de cette dernière structure occuperait par ailleurs les fonctions de "commissaire national à la ruralité"...
A côté de cela, l'administration devrait s'adapter et passer d'une culture du contrôle à une culture de l'accompagnement. En cas de réponse négative, elle aurait à proposer une alternative. Le rapport exige également un assouplissement de la RGPP dans les domaines de la sécurité, de la santé et de l'école.
Renforcement des ZRR
Les députés proposent en même temps un arsenal de mesures pour relancer le développement des territoires ruraux, notamment un renforcement des services au public avec une généralisation des relais services publics (RSP). Ils passeraient ainsi de 230 à 2.500. Ils proposent de rendre la Charte des services publics en milieu rural opposable, avec une concertation et un moratoire de deux ans pour toute fermeture de service public. L'attractivité économique des territoires ruraux n'est pas oubliée. Elle passerait par un renforcement du très haut débit, la création d'une conférence départementale du développement économique et le renforcement des zones de revitalisation rurale (ZRR). Leur régime plus attractif en ferait de véritables "zones franches rurales", sur le modèle des ZFU (zones franches urbaines) mais leur zonage serait plus resserré. Alors qu'en 2011, le dispositif des ZRR a été étendu aux reprises et transmissions, les députés proposent de rendre éligible toute entreprise nouvellement créée à la suite d’une cession d’activité.
Bien que la lettre de mission du président de la République demandait que les propositions ne fassent l'objet d'aucune modification législative, le rapport se termine par deux propositions de loi : l'une sur la mise en oeuvre du principe de proportionnalité et l'autre portant sur un "plan d'actions en faveur des territoires ruraux". En définitive, la mission qui entend sortir les territoires ruraux de leur "carcan administratif" propose la création d'une dizaine de commissions, médiations et autre conférence pour y parvenir...