Coronavirus : après la réserve sanitaire, le gouvernement veut mobiliser une réserve sociale de 40.000 étudiants
Christelle Dubos a annoncé la mobilisation des étudiants en travail social volontaires pour prêter main forte aux établissements sociaux et médicosociaux en période épidémique. La mobilisation peut concerner les 40 000 étudiants en travail social qui ne sont pas actuellement en stage.
Dans un communiqué du 24 mars, Christelle Dubos, la secrétaire d'État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, annonce "la constitution d'une réserve sociale avec la mobilisation des étudiants en travail social volontaires pour prêter main-forte aux établissements sociaux et médicosociaux en période épidémique". Cet appel vise les 40.000 étudiants en travail social qui ne sont pas actuellement en stage et qui peuvent se porter volontaires pour intervenir en Ehpad, établissements pour personnes handicapées (enfants et adultes), établissements d'hébergement (CHRS, CHU et accueils de jour), établissements de la protection de l'enfance, établissements d'accueil du jeune enfant (crèches réquisitionnées et micro-crèches).
Changement de doctrine
Cette annonce traduit un changement de position du ministère face à l'évolution rapide de l'épidémie. Dans un premier temps, au lendemain de l'annonce de la fermeture de tous les établissements d'enseignement par Emmanuel Macron, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) avait confirmé la fermeture des centres de formation en travail social, mais aussi demandé l'arrêt immédiat de tous les stages en cours.
Une annonce qui avait alors suscité une vive réaction de l'Unaforis (Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale). Celle-ci faisait valoir que les stagiaires étaient indispensables, alors qu'une partie des personnels permanents avec enfants étaient empêchée de travailler. L'argument a vite été entendu et, tout en confirmant que les stages peuvent "être suspendus si la structure d'accueil du stagiaire l'estime pertinent dans le contexte actuel", la DGCS a indiqué que "le stage peut se poursuivre en cas d'accord entre la structure d'accueil, le stagiaire et l'établissement de formation". Une évolution relayée, dès le 18 mars, par Adrien Taquet, le secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance (voir notre article ci-dessous du 19 mars 2020).
Organiser un mouvement spontané
Entretemps, des étudiants non stagiaires se sont mobilisés spontanément pour renforcer les équipes. Dans un communiqué du 23 mars, l'Unaforis indique ainsi qu'"en une semaine, de nombreux étudiants en travail social se sont déjà portés volontaires sur tout le territoire. La mise en relation avec les employeurs demandeurs, tant sur des postes éducatifs, que pour des tâches du quotidien, se met en place un peu partout sur le territoire national métropolitain et ultramarin, à partir des centres de formation". L'Unaforis précise qu'elle entend faire en sorte que "ces participations volontaires de nos étudiants, à l'instar des stages de terrain, puissent être capitalisées et valorisées dans le cadre de leur cursus de formation, malmené par la conjoncture, et qu'elles soient prises en compte dans l'octroi des diplômes qui les clôtureront, dans les mois qui viennent". Elle demande également au gouvernement que "des moyens soient attribués aux structures d'accueil pour qu'elles puissent indemniser / rémunérer et protéger le volontariat ainsi mis à leur disposition".
L'annonce de Christelle Dubos vient ainsi concrétiser et conforter ce mouvement. La secrétaire d'État précise d'ailleurs que "cette réserve sociale est d'ores et déjà en cours de constitution et a vocation à contribuer activement au maintien de l'action sociale et médicosociale". Elle indique également que "les préfectures, avec l'appui des commissaires à la lutte contre la pauvreté, font remonter les besoins des établissements et permettront de faire le lien avec les centres de formation".
Un collectif d'étudiants réclame de vrais CDD
Les étudiants en travail social qui, pendant la crise épidémique, se porteraient volontaires pour "prêter main-forte" dans des foyers pour enfants ou des centres d'hébergement, doivent être embauchés en CDD, et surtout pas bénévoles, a plaidé ce mercredi 25 mars un collectif représentant les étudiants concernés. "On accepte de participer à l'effort pour aider les structures en difficulté, mais il faut que ce soit dans le cadre d'un CDD", a souligné auprès de l'AFP Marjorie Leandri, membre du comité de mobilisation des étudiantes et étudiants en travail social. "Ce volontariat étudiant ne doit pas précariser davantage encore les étudiants en formation", ni "être synonyme de bénévolat ou de stage, mais de CDD permettant une réelle rémunération", a commenté dans un communiqué le collectif des étudiants en travail social, pour qui "il serait indécent de profiter de la crise actuelle pour faire des étudiants une main-d'oeuvre gratuite afin de pallier le manque structurel de moyens humains et financiers dans le social". Selon Marjorie Leandri, les stages effectués par les étudiants dans le cadre de leur formation sont habituellement indemnisés à hauteur d'un tiers du Smic. La plupart des étudiants ont d'ailleurs vu leur stage interrompu par la mise en place du confinement.
"On nous demande à présent de venir aider, éventuellement en stage : c'est un peu paradoxal", a-t-elle souligné. Contacté par l'AFP, le cabinet de Christelle Dubos, a assuré que "la mobilisation des étudiants volontaires se ferait strictement dans le cadre légal, en CDD ou en stage". Les étudiants s'inquiètent par ailleurs des assurances des pouvoirs publics selon lesquelles une participation volontaire à la "réserve sociale" serait "prise en compte dans le parcours de formation" : une telle mesure créerait une "inégalité de fait" entre ceux qui peuvent y participer et les autres, selon le comité. Ne pas prendre en compte le volontariat serait une "injustice", a répondu le cabinet de la secrétaire d'État. Pour autant, le gouvernement "comprend très bien" que certains ne pourront ou voudront pas s'engager, et "veillera à ce qu'il n'y ait aucune discrimination".
Avec AFP