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Environnement - Connecter la Teom à la taxe d'habitation : une fausse bonne idée pour le gouvernement

La taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom) est payée conjointement à la taxe sur le foncier bâti, une assiette pour le moins perfectible. La taxe d'habitation ne serait-elle pas meilleure ? La question s'était posée au moment du Grenelle. Pour le gouvernement, la réponse est clairement non. Il l'explique dans un rapport.

La Teom ne "comporte pas d'incitation forte pour améliorer la prévention et le tri par l'usager". De plus, "elle n'intègre pas sauf exceptions le principe du pollueur-payeur". Tel est le constat cinglant que la Cour des comptes a récemment émis à l'égard de la principale source de financement du service public d'élimination des déchets – une taxe de 5,2 milliards d'euros en 2007, acquittée par 85% des Français (sur le rapport de la Cour, lire ci-contre notre article du 13 septembre 2011). Ce constat révèle combien, en matière de déchets, on est encore loin de l'objectif du Grenelle de l'environnement de passer à une tarification fondée sur les quantités produites.
Mais faut-il s'étonner de ces critiques quand on sait que le montant de la Teom ne dépend pas, justement, de la quantité des déchets produits, mais des valeurs locatives cadastrales affectées au logement d'habitation ? En effet, elle est payée conjointement à la taxe foncière sur les propriétés bâties acquittée par les propriétaires, une imposition qui n'a strictement rien à voir avec la production des déchets ménagers. Cette assiette est d'autant moins pertinente que les valeurs locatives n'ont pas été révisées depuis plus de 40 ans. La situation conduit à ce que les logements sociaux dégradés soient davantage taxés que des logements anciens entièrement rénovés.
Le remède ne consisterait-il pas à remplacer l'assiette de la Teom, actuellement fondée sur le foncier bâti, par la taxe d'habitation ? L'idée semble astucieuse, car cette dernière est directement payée par la personne occupant un logement à la date du 1er janvier. Aussi, les propriétaires bailleurs auront moins de tracasseries. Ils n'auront plus à récupérer la Teom sur le locataire, comme l'a fait remarquer encore récemment Charles de Courson, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012. Le député avait déposé un amendement préconisant d'aller dans ce sens, mais il n'a pas convaincu ses pairs. Un autre avantage de la taxe d'habitation, c'est qu'elle prend en compte la taille de la famille, un critère qui est a priori plus pertinent que la seule valeur cadastrale, dans l'optique d'instaurer une prise en compte des volumes de déchets produits.

Aucun effet sur les comportements

Ce ne sont là que d'apparentes qualités. L'assiette taxe d'habitation est, en fait, une fausse bonne idée, si l'on suit l'analyse qu'en fait un rapport (en téléchargement ci-contre) que le gouvernement a récemment transmis au Parlement, conformément à l'article 46 de la loi Grenelle I du 3 août 2009. Tout simplement parce que la taxe d'habitation repose, comme la taxe foncière, sur les valeurs locatives. Et qu'en outre, de nombreux contribuables sont exonérés de taxe d'habitation : les professionnels (commerçants, artisans, professions libérales), les propriétaires de logements vacants (pendant une période de 5 ans), de même que 5 millions de ménages modestes. Résultat : les ménages redevables de la taxe d'habitation auraient à supporter le coût de la gestion des déchets des personnes exonérées de taxe (un coût estimé entre 500 et 900 millions d'euros pour les 5 millions de ménages modestes). La taxe d'habitation n'est donc pas une assiette plus équitable que la taxe foncière. Elle n'est pas non plus davantage incitative. En effet, la taille de la famille "n'est pas une assiette incitant à des changements de comportements ou à une responsabilisation accrue de l'usager". Si l'on veut changer les comportements en matière de déchets, il est donc indispensable de prendre en compte le volume ou le poids des déchets produits, ou encore la fréquence de sortie des bacs, conclut le rapport. C'est l'orientation qu'ont justement prise les députés, le 15 novembre dernier, en mettant en place le cadre législatif de la "Teom incitative" (lire ci-contre notre article du 17 novembre 2011).