Congrès des maires – ZAN : des élus toujours méfiants malgré les dernières adaptations du dispositif

Organisé en deux séances ce 22 novembre, un point info du Congrès des maires visant à décrypter les modalités d'application de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) a fait salle comble. Mais face à la complexité du dispositif, les élus continuent à afficher leur perplexité alors qu'ils vont devoir le décliner dans leurs documents de planification.

Au moment de passer aux travaux pratiques, les élus peinent encore à appréhender le zéro artificialisation nette (ZAN) et l'ont une nouvelle fois exprimé au cours des deux séances du point info consacré au décryptage du dispositif ce 22 novembre au Congrès des maires. "Le ZAN, l’acronyme qui nous fait tous peur", a introduit Constance de Pélichy, maire de La Ferté-Saint-Aubin (Loiret) et vice-présidente de la communauté de communes des Portes de Sologne, donnant d'emblée le ton. Malgré la loi du 20 juillet 2023 qui apporte des adaptations à sa mise en œuvre, tenant compte des remontées de terrain, le ZAN continue de faire figure d'épouvantail ou de casse-tête, au choix, alors que les échéances sont bien connues : nécessité de diviser par deux la consommation d'espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf) sur la période 2021-2031 par rapport à la décennie précédente, avant l'atteinte du ZAN à horizon 2050.

Rappel des évolutions législatives

Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l'aménagement durable à la DGALN/DHUP du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires s'est livré à un exercice de pédagogie à la fois sur les dispositions inscrites dans la loi Climat et Résilience de 2021 et sur les nouvelles mesures prévues par celle du 20 juillet 2023, en commençant par rappeler les enjeux. "Sur la décennie précédente, nous avons consommé 24.000 hectares d'Enaf chaque année, soit près de cinq terrains de football par heure. Tous les territoires sont concernés, y compris les zones très peu denses." "Partagé au niveau international, l'objectif ZAN est apparu en France avec le plan Biodiversité de 2018 repris par la convention citoyenne sur le climat pour être finalement encadré par les lois de 2021 et 2023", a-t-il rappelé, l'objectif étant de "définir un nouveau modèle d'aménagement durable des territoires et de mobiliser le déjà là pour continuer à utiliser l'espace".

La loi Climat a fixé des objectifs quantitatifs en termes de maîtrise de l'étalement urbain et posé quelques principes essentiels : la consommation d'Enaf s'entend comme la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés tandis que l'artificialisation des sols implique une atteinte à leurs fonctions écologiques mais aussi agronomiques.

La loi du 20 juillet dernier a apporté "certains correctifs comme la valorisation des efforts de renaturation dès la première décennie 2021-2031, permettant de défalquer ces surfaces de ce qui a été urbanisé", a souligné Jean-Baptiste Butlen. Elle a aussi défini un nouveau calendrier pour l'intégration des objectifs du ZAN dans les documents de planification et d'urbanisme : 22 novembre 2024 pour l'intégration des objectifs et de la trajectoire ZAN dans les Sraddet et autres schémas régionaux ; 22 février 2027 pour la compatibilité des Scot aux objectifs régionaux ; 22 février 2028 pour celle des PLU, PLUi, cartes communales aux objectifs régionaux. Le texte d'origine sénatoriale instaure aussi une garantie rurale ou surface minimale d'un hectare pouvant être consommée pour chaque commune dotée d'un document d'urbanisme avant août 2026, dès lors qu'il est au moins prescrit. Les spécificités des communes littorales (érosion côtière, obligation de recomposition spatiale) sont également prises en compte. En outre, comme promis par Élisabeth Borne lors du précédent Congrès des maires, un compté à part est instauré pour les projets d'envergure européenne et nationale, qui font l'objet d'une mutualisation à travers un forfait de 12.500 hectares. L'arrêté établissant la liste des grands projets d’intérêt national comptés à part devrait être mis en consultation avant la fin de l’année, a annoncé Jean-Baptiste Butlen. Autres nouveautés introduites par la loi du 20 juillet dernier : l'extension du droit de préemption urbain aux projets de renaturation et de renouvellement urbain ou encore le sursis à statuer temporaire pour permettre aux élus de décaler jusqu'en 2028 les décisions d'autorisation d'urbanisme lorsque des projets fortement consommateurs d'espace sont en cours.

Dispositifs d'accompagnement

L'État propose aussi des "outils et des accompagnements" aux élus a rappelé Annabelle Ferry, directrice Territoires et ville du Cerema. Plusieurs centres de ressources sont à leur disposition : le portail de l’artificialisation, "datafoncier", le site des outils de l’aménagement, Cartofriches, Urbanvitaliz, Urbansimul qui permet la visualisation de l’ensemble des données foncières à l'échelle de la parcelle," Zéro logement vacant", ou encore l’application "Muse", qui permet de prendre en compte la multifonctionnalité des sols dans les documents d'urbanisme. Les 51 agences d'urbanisme peuvent aussi épauler les élus dans la mise en œuvre du ZAN, est venue témoigner Karine Hurel, déléguée générale de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (Fnau). "Nous pouvons proposer des stratégies de densification en identifiant le foncier invisible : les dents creuses, le microfoncier, les entrées de ville ou encore les espaces péri-urbains… Il y a plein de pistes à explorer, c'est un travail de dentelle."

"France à deux vitesses"

Mais ces différents intervenants ont peiné à convaincre des élus sur le qui-vive, voire franchement hostiles. Les maires de communes rurales, notamment, reprochent au dispositif de ne toujours pas prendre en compte leurs spécificités et les aspirations des habitants. "Vous nous parlez de construction de pavillons raisonnée mais ce n’est pas ce que les gens viennent chercher chez nous. On nous prend pour des zones que l’on viendra visiter" à l’avenir, a lancé un maire de l'Ariège. "Les élus ont le sentiment d’une France à deux vitesses : une France urbaine qui dispose d’une ingénierie suffisante et une France rurale qui ne l'a pas. Cette inquiétude, l’exécutif doit l’entendre", a poursuivi Guillaume Guérin, président de la communauté urbaine de Limoges et vice-président de l’AMF pour laquelle il multiplie les rencontres avec les associations départementales d’élus. Il reconnaît "la prise en compte par l’exécutif" des remontées de terrain effectuées par l’AMF et l'adaptation des textes législatifs, de même qu'une "évolution sémantique salutaire" : "Si on avait évoqué, dès le début, la sobriété foncière plutôt que le ZAN, on aurait évité de brusquer un certain nombre d’élus", estime-t-il. Aujourd’hui, "ce que demandent les maires, c’est de l’ingénierie. Les intercommunalités et les communes ont le sentiment d’être très éloignées de ce qui se passe en ce moment à la région", avec la définition dans les Sraddet des objectifs de consommation de foncier pour ces échelons.

Besoin de précisions

Interpellé sur la prise en compte du bâti agricole dans les décomptes de l’artificialisation, sur les sanctions prévues en cas de non-inscription dans les documents d’urbanisme des objectifs ZAN ou encore sur l’articulation de la lutte contre l’artificialisation et les exigences de production de logements HLM dans le cadre de la loi SRU, Jean-Baptiste Butlen a dû repréciser le contenu des textes législatifs et réglementaires. Ainsi, jusqu’en 2031, c’est bien la consommation d’Enaf qui est prise en compte. Le bâti agricole n’est donc, jusqu’à cette date, pas pris en compte dans la mesure de l’artificialisation.

Reconnaissant le goût des Français pour l’habitat pavillonnaire, le sous-directeur de l'aménagement durable du ministère estime que ce qui est remis en cause, c'est un mode de construction pavillonnaire "trop consommateur" avec des jardins de taille plus importante que ne le souhaitent en réalité leurs acquéreurs. Quant aux sanctions prévues par la loi, il renvoie à l’article 194 de la loi Climat et Résilience. Si le Sraddet ne définit pas avant le 22 novembre 2024 la territorialisation des objectifs, "tout l’exercice de modulation et de régulation est annulé et le -50% s’applique aux Scot, aux PLUi et aux PLU. Si le Scot n’intègre pas cette réduction au 22 février 2027 les ouvertures à urbanisation sont suspendues et il n’y a plus de possibilité de délivrer des autorisations d’urbanisme en cas de non-définition dans le PLU à compter du 22 février 2028", a-t-il expliqué Jean-Baptiste Butlen. "Si les collectivités n’atteignent pas les objectifs de réduction fixés, lors de la prochaine révision de leurs documents d’urbanisme, elles devront démontrer, au moment du contrôle de la légalité, qu’elles sont plus sobres sur la période suivante que lors de la précédente pour rattraper leur retard", a-t-il ajouté.

Le sous-directeur à l’aménagement durable a également rappelé que les décrets attendus sur la nomenclature des sols artificialisés, la commission de conciliation à l’échelle régionale, la territorialisation des objectifs dans les Sraddet et les panneaux photovoltaïques étaient en cours de publication. Un travail est également en cours avec le conseil des prélèvements obligatoires pour revoir la taxation des logements vacants et des dents creuses.

 

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