Archives

Congrès des maires - Tourisme : "L'État en mode ski nautique" ? 

"Comment structurer une offre touristique locale après le désengagement de l'État ?" Les intervenants du forum organisé lors du 102e Congrès des maires, mercredi 20 novembre, esquissent des réponses, réclamant un repositionnement de l'État sur le tourisme en France. 

"On veut un État investisseur, stratège, bâtisseur !" a réclamé Émilie Bonnivard, députée de la Savoie, rapporteure spéciale du budget tourisme, qui participait à un forum sur ce thème mercredi 20 novembre 2019, à l’occasion du 102e Congrès des maires, porte de Versailles à Paris. "L’ennui, c’est que l’État est en mode ski nautique ; il se laisse tirer par les collectivités territoriales", poursuit l'intervenante, estimant que son rôle est trop souvent "réduit à la promotion du tourisme à l’étranger". Un tourisme par ailleurs très florissant. Au cours de l'année 2018, la France a accueilli 89,4 millions de visiteurs étrangers et ambitionne d'atteindre les 100 millions d'ici à 2020. "Est-ce que ces chiffres aveuglent l’État ?", s’interroge-t-on dans l’assemblée.

Lors des débats, le rôle de la Caisse des Dépôts en matière d’investissement touristique a été rappelé. Acteur historique du financement du tourisme en France, notamment en matière de tourisme local, la Caisse des Dépôts est principalement investisseur ou prêteur mais aussi opérateur et, plus marginalement, prestataire de services. Via Atout France et la Caisse des Dépôts, le tourisme représente 15 milliards d’investissement par an.

Concernant l’engagement de l’État en matière de tourisme, Émilie Bonnivard estime que "pour une offre cohérente, l’État doit jouer son rôle aux côtés des collectivités" et "doit dégager des marges d’investissements". Un point de vue que ne partage pas Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais (Indre-et-Loire), rapporteur de la commission tourisme de l’Association des maires de France (AMF), également intervenant mercredi 20 novembre. "Je ne suis pas sûr que l’État soit le mieux placé pour assurer la promotion de nos territoires. C’est aux collectivités de le faire !", tranche-t-il, ajoutant qu’il ne faut pas reproduire la même erreur que dans le secteur de l’industrie automobile. Jean-Jacques Faucher, maire de Brioude, présent dans la salle, témoigne : "Il faut des opérateurs touristiques, une logique économique. Et c’est à nous, collectivités territoriales, de créer les conditions de l’attractivité", assure-t-il, décrivant l’emblématique basilique de sa ville ou l’hôtel du Doyenné, un ancien hôtel particulier devenu centre d’exposition abritant Miró, Chagall. 

"Un véritable ministre du Tourisme"

Parmi les revendications, revient celle d’un "véritable ministre du Tourisme". Le tourisme représente 8% du PIB en France et "il est complètement sorti du ministère de l’Économie !", s’étouffe-t-on dans les rangs. De fait, c’est Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, qui est le ministre de tutelle. Autre préoccupation majeure, celle de l’hébergement et d’un certain "délitement de la qualité des offres sur le territoire national, hors Paris et les grandes stations touristiques", d’après la député savoyarde qui déplore "l’absence de réponse de la part de l’État". "Sur cette question de l’hôtellerie familiale, deux ou trois étoiles, est-ce que vous avez un interlocuteur au sein du gouvernement ?", interroge le modérateur. Il semblerait que non, avec une certaine convergence des points de vue sur la question. Par ailleurs, malgré le versement de la taxe de séjour (lire notre article) aux communes par Airnbnb, les intervenants expriment leur inquiétude concernant la "toute petite hôtellerie" en France. La mise aux normes et au goût du jour, pour des séjours souvent courts, est coûteuse. "Nous perdons des offres. Le rôle de l’État, c’est de se positionner là où il y a des fragilités", estime Émilie Bonnivard. 

Pierre-Alain Roiron rebondit sur la question des séjours souvent courts : "Si l’on souhaite faire venir en France des gens du monde entier, il faut éviter les séjours trop courts. Il n’y a plus de trains de nuit, la question de la mobilité aussi est à étudier." Corine Maironi-Gonthier, maire d’Aime-la-Plagne (Savoie), enfonce le clou : "On a un problème de mobilité et avec les transports en France. La SNCF met en vente ses trajets seulement trois mois à l'avance. Il faut que ça change, c’est un sujet !", souligne-t-elle. Idem concernant le train de nuit qui desservait Chambéry et qui a été supprimé, "ça ne va pas dans le bon sens !"