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Congrès des maires : les élus d'outre-mer dénoncent un État trop parisien

Les maires d'outre-mer se sont réunis le 15 novembre 2021 en amont du Congrès des maires 2021. Toujours englués dans la crise du Covid, ils dénoncent une gestion parisienne, loin de leurs réalités. Mêmes reproches pour le plan de relance et sa logique d'appels à projets.

Comme chaque année, le rassemblement des maires d'outre-mer s'est tenu une journée avant l'ouverture officielle du 103e Congrès des maires et des présidents d'intercommunalités de France organisé par l'Association des maires de France (AMF), le 15 novembre 2021. Sans surprise, la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales sont au coeur des préoccupations des élus ultramarins dont les territoires ont été et sont particulièrement éprouvés. "Nous avons été tous frappés par la crise sanitaire qui a été d'une ampleur inédite, nous avons été pris de court, chacun s'est organisé comme il a pu dans l'urgence, c'est un phénomène qui a choqué avec un nombre de décès important en peu de temps", a ainsi posé Madi Madi Souf, maire de Pamandzi et président de l'association des maires de Mayotte. Les territoires d'outre-mer, comme Mayotte mais aussi la Guadeloupe ou la Martinique, ont été fortement touchés par l'épidémie. La campagne de vaccination n'y a pas aussi bien fonctionné qu'en métropole, pour preuve : l'échec de la mission de médiation au CHU de Martinique annoncé par le ministre des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, le jour-même. Comme en Martinique, en Guyane l'état d'urgence sanitaire est prolongé jusqu'au 31 décembre 2021. François Ringuet, président de l'association des maires de Guyane, fait état d'un taux de vaccination autour de 30% seulement. "On est très loin des 70% demandés", a-t-il affirmé. "Cette crise ne s'arrête pas à son aspect sanitaire, a insisté Jocelyn Sapotille, président de l'association des maires de Guadeloupe. Son corollaire c'est la crise économique et la crise sociétale très forte, avec une société divisée, éclatée sur le vaccin et des conflits sociaux très forts sur le pass sanitaire. Mais comment fait-on une fois qu'on a dit ça, comment on avance et quelle place donne-t-on aux élus de proximité, aux maires pour mettre en place des politiques publiques qui relèvent de la compétence de l'État ?" Car selon les élus, c'est là que le bât blesse.

"Ça a péché"

"Ça a péché, a poursuivi Jocelyn Sapotille. La problématique de la vaccination nous a montré que quand les choses sont décidées à 8.000 kilomètres, sans tenir compte de la culture, de l'histoire, de la sociologie des territoires, et sans impliquer directement les élus de proximité, cela donne un résultat qui est aujourd'hui très mauvais." Pour ces élus, il faut changer de paradigme et passer à une phase de partenariat qui va bien plus loin que la simple information des élus. Un comité de pilotage réunissant région, département, association des maires a ainsi été mis en oeuvre en Guadeloupe, permettant de mettre en place la vaccination à domicile et des centres éphémères de vaccination. "La crise a révélé que l'échelon de proximité est fondamental, c'est l'échelon qui a été en première ligne", a insisté Maina Sage, députée de la Polynésie française. "Les élus locaux, nous ne pouvons être seulement des sous-traitants mais nous pouvons avoir nos propres initiatives", a abondé Philippe Laurent, secrétaire général de l'AMF. Ce dernier en a profité pour rappeler le montant de la "dette Covid" des collectivités. "Les calculs que nous avons faits montrent que pour l'ensemble des collectivités, communes et intercommunalités, il y a un manque à gagner de 5 à 6 milliards d'euros sur les trois ans de 2020 à 2022, du fait des conséquences fiscales, des dépenses supplémentaires liées notamment à la vaccination, il y en aura d'ailleurs davantage dans les outre-mer, a précisé Philippe Laurent, c'est un des sujets de désaccord avec l'État". Une dette que l'AMF demande à l'État de reprendre à sa charge.

"L'esprit géométrique contre l'esprit de finesse"

Les élus des outre-mer se montrent aussi sceptiques sur le plan de relance qui leur consacre 1,5 milliard d'euros (sur les 100 au total). "Il faut entrer dans le cadre des appels à projets et respecter un calendrier serré, a insisté Serge Hoareau, président des maires de la Réunion. Nous avons du mal à mobiliser tous ces moyens qui sont à notre disposition." L'ingénierie, comme en métropole, est un des freins majeurs. "On ne peut pas demander aux collectivités d'être réactives dans le cadre des appels à projets si la question de l'ingénierie n'est pas abordée", a expliqué Justin Pamphile, président de l'association des maires de la Martinique. Sans compter que le plan de relance ne répond pas forcément aux besoins des collectivités d'outre-mer. "Quand on applique au carré quelque chose sur un substrat qui est totalement divers, ce n'est pas adapté, c'est l'esprit géométrique quand il faudrait faire preuve d'esprit de finesse !", a commenté André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF.