Congrès des maires – L'enthousiasme modéré des maires pour l'intelligence artificielle
Devant les maires, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, a vanté les mérites de l'intelligence artificielle (IA) pour rendre les services publics plus efficients et a annoncé un plan IA sur 3 ans. Du côté des communes, les édiles montrent autant d'enthousiasme que de réserve envers l'IA.
La salle était comble lors du point info du Congrès des maires 2024 consacré à l'intelligence artificielle (IA), jeudi 21 novembre. Une session que l'AMF avait voulu pédagogique pour un sujet qui suscite autant d'intérêt que d'inquiétude dans les territoires. Le test de l'IA par près de la moitié des collectivités révélé par Data Publica (notre article du 13 novembre) doit être tempéré. Car tester ne veut pas dire adopter et les collectivités les plus en pointe font surtout valoir les préalables au déploiement de l'IA.
Un plan IA triennal pour les services publics
Devant les élus, le ministre de la Fonction publique a vanté "l'opportunité" que représente l'IA pour "rendre les services publics plus efficients", exemples à l'appui. L'IA a réduit le temps de préparation des entretiens de compétences de 1h30 à 10 minutes à France Travail. Sur la plateforme Service public+, le délai de traitement des demandes des usagers est passé de 14 jours à 3 jours. Les conseillers France services constatent aussi un gain de temps avec Albert, l'IA de l'État. Fort de ces premiers succès, le ministre a annoncé un plan triennal pour intégrer l'IA dans les services publics. Piloté par la direction interministérielle du numérique (Dinum), ce plan aidera les collectivités à "généraliser" ce qui marche localement.
De nombreux préalables au déploiement
Le témoignage des collectivités qui ont sauté le pas montre cependant que les bénéfices de l'IA exigent de nombreux prérequis. À Suresnes, les agents du guichet unique municipal sont par exemple accompagnés par une IA, un chatbot (en ligne) / callbot (téléphone) les suppléant lorsque la mairie est fermée. "Elle nous permet d'améliorer le service aux usagers sans remplacer les agents", souligne son maire Guillaume Boudy. La solution a cependant dû être nourrie des bases de connaissances maison (site internet, questions-réponses…) pour communiquer des informations fiables, l'un des prérequis identifiés par les maires au déploiement de l'IA. Même constat au Sicoval où l'on insiste sur la définition préalable d'une stratégie politique. "Pour ne pas subir l'IA, nous avons défini une méthode", fait valoir Jacques Oberti, ex-président du Sicoval devenu député. En pratique, la collectivité a pris le temps de consulter les instances syndicales et de former 1.400 agents avant de tester plusieurs solutions. Et si les gains constatés sont parfois significatifs – à l'image de l'eau économisée, équivalente à celle de 950 ménages, grâce à la détection de fuites par l'IA – ils ne se traduisent pas nécessairement en euros sonnants et trébuchants. Les économies budgétaires du reste, le consultant Jacques Priol "n'en voit pas" dans les 250 projets IA de collectivités que son observatoire Data Publica a passés au crible (voir notre article).
Sécuriser l'IA
Patrick Molinoz, vice-président de Bourgogne-Franche-Comté (lire son interview) a, pour sa part, insisté sur "la nécessité de mutualiser car tout seul on n'y arrivera pas" face à un domaine qui va "très, voire trop vite". Sur son territoire, l'Agence régionale du numérique et de l'intelligence artificielle (Arnia) est à la manœuvre pour accompagner le déploiement de l'IA dans des communes de toutes tailles. Mais l'élu bourguignon demande à l'État de faire sa part car "l'IA souveraine n'est pas qu'un simple slogan". Et derrière l'impératif de maîtrise des données, se profilent les enjeux de cybersécurité chers à l'élu. "Aujourd'hui l'étude Data Publica nous dit que les usagers font confiance aux collectivités pour gérer leurs données, mais il va nous falloir la garder cette confiance." En filigrane, avant de se lancer à corps perdu dans l'IA, les collectivités sont invitées à renforcer leur cybersécurité. Le vice-président de l'AMF a du reste profité de la présence d'un membre du gouvernement pour demander un relèvement du seuil de population dans le projet de loi NIS 2 (aujourd'hui 30.000 habitants) afin d'épargner les petits EPCI.
Lancement de MonAideCyberEn matière de cybersécurité, on signalera le lancement officiel de MonAideCyber au Salon des maires, un service gratuit de l'Anssi. MonAideCyber met en relation les petites organisations, dont les communes, avec un "Aidant Cyber" (gendarmes, CSIRT, association…). Cet aidant réalise avec l'entité un diagnostic cyber gratuit de premier niveau d'environ 1h30 et l'aiguille vers les dispositifs d'aide complémentaires de son territoire. Le diagnostic aboutit à définir six mesures de sécurité prioritaires à mener dans les six prochains mois. Le dispositif compte déjà 1.475 diagnostics réalisés et 1.476 aidants référencés, avec un taux de mise en œuvre des recommandations de 30% après trois mois. |