Congrès des maires – Inflation, dépenses de personnels… les finances des villes intermédiaires accusent le coup
Au premier jour de leur congrès annuel, les responsables de l'Association des maires de France se sont inquiétés de la persistance d'une croissance élevée de leurs charges de fonctionnement en 2023, notamment sous l'effet de l'inflation. Selon plusieurs études inédites, qui ont été présentées à la presse, les communes de 5.000 à 100.000 habitants sont particulièrement à la peine.
"Les maires viennent avec une forme d'angoisse notamment sur les sujets financiers et fiscaux", observait ce 21 novembre, à l'ouverture du 105e congrès des maires de France, Antoine Homé, maire de Wittenheim et vice-président de l'Association des maires de France (AMF).
Pour cause : portées par l'inflation et des charges de personnel en hausse d'environ 4%, les dépenses de fonctionnement des communes et de leurs intercommunalités restent vives. Elles devraient croître "de plus de 5%" en 2023, selon une étude de l'AMF, fondée notamment sur les comptes de gestion au 30 septembre dernier.
Recettes bien orientées
Toutefois, les communes et leurs groupements à fiscalité propre devraient pouvoir faire face à ces charges nouvelles, grâce à des recettes de fonctionnement en croissance de "plus de 6%" sur cette année. Un dynamisme lié pour l'essentiel à celui des recettes de fiscalité directe, et ce malgré la réduction de leur périmètre ces dernières années en raison de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales. Avec la revalorisation forfaitaire alignée sur l'indice des prix à la consommation harmonisé (+7,1%) et, dans une bien moindre mesure, du fait de l'augmentation des taux de fiscalité, les recettes de fiscalité progressent de "plus de 6%" en 2023. De son côté, la TVA accordée aux intercommunalités en compensation de la taxe d'habitation sur les résidences principales supprimée en 2021, connaîtrait une hausse de 3,7%.
Au total, les marges de manœuvre du bloc communal se consolideraient en moyenne, cette année, selon l'étude. Mais les disparités entre territoires sont grandes. Ainsi, selon une autre étude, réalisée par l'observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), 40% des ensembles intercommunaux (c'est-à-dire les ensembles constitués des communes et de leur intercommunalité) présentaient une réduction de leur épargne nette - celle qui est constituée après le remboursement du capital - en 2022. Pourtant, l'épargne nette du bloc communal a augmenté, l'an dernier, de près de 2% en euros constants.
Les villes moyennes à la peine
A l'échelle des seules communes, ce sont surtout celles de moins de 5.000 habitants et celles de plus de 100.000 habitants qui ont enregistré une progression de leurs marges de manœuvre, avant remboursement du capital. "Près des deux tiers" des communes appartenant aux strates intermédiaires ont enregistré en 2022 un recul de leur épargne brute, le taux moyen d'évolution d'épargne brute de ces communes étant de ce fait négatif.
Pour autant, après deux années positives (+4,1% en euros constants, selon l'OFGL) l'investissement du bloc communal poursuivrait sa croissance en 2023 (+5% en euros constants par rapport à 2022, selon l'AMF). Au total, "sur les trois premières années de la mandature actuelle (2020-2022)", les investissements communaux et intercommunaux sont, à prix comparables, supérieurs de près de 5% à ceux du cycle précédent (2014-2016), soit l'équivalent de 5,7 milliards d'euros en plus sur trois ans", indique l'OFGL.
Cependant, l'investissement pourrait atteindre en fin de mandat un montant cumulé inférieur à celui de la période 2014-2020, redoute André Laignel, premier vice-président de l'AMF. Et ce, alors que le mandat précédent avait été marqué par les baisses de dotations, lesquelles avaient affecté l'investissement local. "Le paysage de l'investissement public est relativement préoccupant", abonde Antoine Homé, qui s'inquiète notamment de la remontée des taux d'intérêt enregistrée en 2022. Un phénomène qui freine l'emprunt des collectivités locales. A fin septembre, ce dernier diminuait "de plus de 10%", selon l'AMF.
DGF : il faudrait "au moins 250 millions d'euros de plus" en 2024
Pour poursuivre leurs efforts en matière d'investissement et maintenir les services publics locaux répondant aux besoins de leurs habitants, les maires réclament plus de moyens. "Il faudra un jour qu'on ait un Grenelle des recettes", lance Antoine Homé. A plus court terme, l'AMF demande l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation. Une perspective que le gouvernement a écartée au printemps, lors de l'examen à l'Assemblée nationale d'une proposition de loi communiste. Alors, "a minima", les maires demandent un abondement supplémentaire de "250 millions d'euros" de la DGF en 2024, venant s'ajouter aux 220 millions d'euros déjà inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024. Ils soulignent que la revalorisation forfaitaire des bases de fiscalité locale - qui devrait atteindre au moins 4,5% l'an prochain - bénéficiera davantage aux communes disposant de bases foncières élevées. Pour l'AMF, une revalorisation de la DGF permettrait, à l'inverse, de soulager un peu les communes populaires. Sans ce coup de pouce, les "inégalités" territoriales vont être accrues, s'inquiète Philippe Laurent, vice-président de l'association.
"Les perspectives pour 2024 sont effrayantes", renchérit André Laignel, qui s'alarme d'un "étouffement" financier des communes et d'"une dégradation des services publics locaux". Une petite éclaircie semble toutefois poindre, puisque l'indice des prix des dépenses communales marquerait "un léger ralentissement" au 30 septembre 2023, selon la Banque postale. A cette date, la hausse des prix enregistrée par les communes serait de 6% sur un an, alors que la progression atteignait 7,7% sur un an au 30 juin 2023. L'évolution des prix du "panier du maire" resterait toutefois supérieure à celle de l'inflation hors tabac mesurée par l'Insee (+5,5%).