Congrès des maires – Fonction publique : les employeurs territoriaux interpellent le ministre

La présence de Guillaume Kasbarian au forum "fonction publique" organisé ce 20 novembre, dans le cadre du congrès de l'Association des maires de France, a permis aux élus locaux de lui transmettre de nombreux messages. A commencer par celui du souhait d'un dialogue rapproché. Le ministre a confirmé la mise en route de plusieurs sujets de discussion, dont un sur la refonte des grilles indiciaires des agents publics.

Telle une grande famille, les représentants de la coordination des employeurs territoriaux (CET) – la structure informelle qui porte la voix de l'ensemble des associations d'élus locaux et des institutions de la fonction publique territoriale sur les sujets concernant l'emploi public local – étaient tous réunis ce 20 novembre, lors d'un forum du congrès annuel de l'Association des maires de France (AMF) consacré à l'actualité de la fonction publique. L'occasion pour eux de faire entendre leurs doléances au ministre, Guillaume Kasbarian, venu les rejoindre pour une prise de contact très attendue. Et trop tardive, du goût des élus locaux.

Ceux-ci avaient réussi à tisser d'étroites relations avec le précédent ministre, Stanislas Guerini, se concrétisant notamment par des rendez-vous réguliers. Mais avec l'arrivée d'un nouveau locataire rue de Grenelle, tout est à refaire. "C’est par voie de presse" que les élus locaux "ont découvert les premières annonces du ministre de la Fonction publique", se sont indignés ces derniers, très courroucés, dans un communiqué commun publié à l'issue du débat au parc des expositions de Paris. "Sans prendre la peine, au préalable, de rencontrer le deuxième employeur public de France que sont les 38.000 maires et présidents, (…) le ministre a proposé unilatéralement un agenda social pour la fonction publique, créant ainsi un précédent", ont-ils aussi déploré. En pointant par ailleurs, comme l'a fait Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF, la décision prise unilatéralement par le ministre de ne pas ouvrir de discussions sur une hausse du point d'indice, qui sert à calculer la rémunération des agents publics. Et ce alors que les employeurs territoriaux, notamment, font face à d'importantes difficultés de recrutement et de fidélisation des personnels. 

Arrêts maladie moins indemnisés : "les agents vont se retourner vers nous"

"Il faut travailler de manière collaborative", a revendiqué la maire de Lampertheim, qui animait le forum avec Yohann Nédélec, adjoint au maire de Brest et président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Les élus locaux doivent être "reconnus à la hauteur de leurs rôle et responsabilités d’employeurs publics" et pouvoir "prendre pleinement part aux décisions qui les concernent", développe le communiqué de la CET.

Sur le fond, les premières décisions qui ont été prises par le gouvernement, essentiellement sous le prisme des économies, interrogent et mécontentent les élus locaux. La réduction à 90% de l'indemnisation des arrêts maladie des agents au-delà des trois jours de carence va entraîner de lourdes pertes salariales ("200 euros de baisse") pour les agents de catégorie C, qui représentent les trois quarts des effectifs territoriaux, a par exemple dénoncé Thomas Fromentin, vice-président Ressources humaines d'Intercommunalités de France. Cela ne sera pas sans conséquences financières pour les collectivités, selon lui : "Ces agents vont se retourner vers nous pour que ce soit compensé dans le cadre de la prévoyance. La solidarité nationale fera quelques économies et les collectivités territoriales seront obligées de payer par ailleurs". 

La hausse des cotisations retraites des employeurs locaux passe également très mal chez les élus locaux et son étalement sur quatre ans - au lieu de trois - concédé par le gouvernement, ne calme pas leur inquiétude. La ville de Saint-Maurice (Val-de-Marne, 14.600 habitants) devrait faire face à terme à une dépense annuelle supplémentaire de 600.000 euros, soit l'équivalent du coût de 15 agents, ou encore de plus de 60% de son autofinancement, indiquait avant le forum son maire, Igor Semo, vice-président de l'Association des petites villes de France (APVF).

Prévoyance dans la FPT : vers un texte de loi

Les élus locaux demandent une "remise à plat du système dans sa globalité" et appellent à la mise en œuvre, en parallèle, du fonds de prévention de l'usure professionnelle, qui avait fait l'objet de travaux dans la foulée de la réforme des retraites de 2023. Face au vieillissement de leurs agents, il leur paraît également indispensable de mettre en œuvre l'accord sur la prévoyance des agents, qui avait été signé en juillet 2023 avec les organisations syndicales (voir notre article). Or, certaines des mesures de l'accord ne peuvent être prises que par la loi.

Sur ce dernier sujet, le ministre de la Fonction publique a donné satisfaction à ses interlocuteurs.  Il a déclaré souhaiter que la "transcription législative" de l'accord "arrive le plus vite possible" et soit préparée "avec" les élus locaux. Concrètement, une proposition de loi pourrait être portée sur le sujet par des sénateurs, avec le soutien du gouvernement. Mais ce dernier n'exclut pas de déposer un projet de loi.

Le ministre a par ailleurs décliné les chantiers qu'il comptait mettre à l'ordre du jour de "l'agenda social" de la fonction publique, cette feuille de route qui doit servir de fil rouge aux discussions dans les mois à venir entre le gouvernement, les employeurs publics et les organisations syndicales. Si la lutte contre l'absentéisme y trouvera une place - ce qui ne surprendra guère -, des sujets liés à l'attractivité doivent aussi y figurer. Comme le logement des agents publics et la refonte des grilles indiciaires. Alors que l'écart entre les salaires des agents des catégories B et C rétrécissent comme peau de chagrin, il faut "donner un peu de dynamisme aux carrières" et "un peu de perspectives d'évolutions", a considéré Guillaume Kasbarian. Qui, comme son prédécesseur, Stanislas Guerini, veut également mettre la rémunération au mérite au menu du dialogue social. Il s'agira d'"aborder la question de la latitude qu'on peut vous donner, afin de valoriser ceux qui s'engagent et prennent des responsabilités", a-t-il dit. 

"Les poids lourds que l'on ne sait pas gérer"

Le ministre compte aussi – là encore comme le précédent titulaire du portefeuille – entamer des discussions sur le licenciement pour "insuffisance grave dans le service", car cette question-là, "vous ne savez pas la gérer" et "il ne faut pas la mettre sous le tapis", a-t-il lancé aux employeurs territoriaux. En insistant sur le fait qu'il visait une "extrême minorité des agents", puisque "l'écrasante majorité des agents qui bossent dans vos communes sont admirables". Quelques minutes auparavant, une élue d'une commune rurale venait de se plaindre des salariés – "un ou deux" – qui "de manière récurrente" sont absents ou "n'ont pas du tout envie de travailler". "Ce sont des poids lourds que l'on ne sait pas gérer" et, à cause d'eux, "on essaie de trouver le contrat de sorte à ne pas s'engager, parce qu'on a peur", a-t-elle témoigné. 

Par ailleurs, alors que les élus locaux l'interpellaient sur la nécessité que certains personnels, comme les infirmières, ne soient pas obligés de passer des épreuves de concours pour entrer dans la fonction publique territoriale, Guillaume Kasbarian leur a répondu qu'il avait le sujet "dans le viseur". 

"Il faut défendre le statut [NDLR : de la fonction publique], car il y a un enjeu d'intérêt général derrière", mais il faut que le statut puisse évoluer", a plaidé Thomas Fromentin. D'autres élus locaux l'ont rejoint, en réclamant "des simplifications", qui "ne doivent pas être à la Elon Musk", avait précisé, avant le forum, Vincent Le Meaux, premier vice-président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG).

Les représentants de la coordination des employeurs territoriaux poursuivront leurs échanges avec le ministre lors d'une réunion commune le 11 décembre.