Congrès des maires – Difficultés de mise en oeuvre du ZAN : Catherine Vautrin à l'écoute des élus
La séance plénière d'ouverture du 106e Congrès des maires et des présidents d'intercommunalités de France ce 19 novembre était consacrée à un bilan à mi-parcours de la mise en œuvre de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) et des évolutions à prévoir en termes de méthode pour que les spécificités des territoires soient respectées. Tout en restant ferme sur la nécessité d'encourager la sobriété foncière, la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, s'est dite ouverte à la réflexion, "sur la forme comme sur le fond", alors qu'une proposition de loi sénatoriale déposée ce 7 novembre prévoit des assouplissements ciblés visant à "donner de l’air aux collectivités".
Une fois de plus, le ZAN (zéro artificialisation nette) a fait salle comble au Congrès des maires et des présidents d'intercommunalités de France. L'an dernier, un point info organisé en deux séances, tant le public était nombreux, y avait été consacré (lire notre article). Ce 19 novembre, le ZAN était au cœur des débats de la séance plénière d'ouverture du 106e Congrès, porte de Versailles, en présence de la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin. Avec toujours autant d'interrogations et de témoignages d'élus, au moment où la mise en œuvre de l'objectif ZAN, revue depuis la loi du 20 juillet 2023 et les décrets du 27 novembre 2023, entre dans sa phase opérationnelle pour le bloc communal, avec la nécessité de faire évoluer les schémas et documents d'urbanisme pour les mettre en compatibilité avec les Sraddet (schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), modifiés au 22 novembre 2024.
Une méthode qui ne passe pas
Manque d'ingénierie, de transparence dans la méthode, difficulté à anticiper les évolutions des zonages de constructibilité, les stratégies foncières à mettre en place pour répondre aux besoins de développement et d'accès des habitants à un logement … : les griefs sont toujours aussi nombreux, malgré les correctifs apportés. La loi Climat et Résilience, qui a posé les principes fondateurs du ZAN, a été qualifiée par un maire de Dordogne, vivement applaudi par l'assistance, de "loi mortifère pour les territoires ruraux".
Si l'objectif de sobriété foncière est aujourd'hui largement partagé, après des années de forte consommation – entre 2009 et 2022, 24.000 hectares d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) ont été consommés chaque année en France, a rappelé Catherine Vautrin -, la méthode, elle, ne passe pas. Pour Françoise Rossignol, maire de Dainville (Pas-de-Calais) et première vice-présidente de la Fédération nationale des Scot, on a manqué l'atterrissage auprès des maires. "La loi ne s'inscrit pas dans un modèle économique alors que le ZAN entraîne un renchérissement des terres et que l'on se heurte aux difficultés de financement de la réhabilitation des friches, estime-t-elle. La garantie communale préserve le droit de chaque commune à avoir un projet, ce qui est légitime, mais un hectare partout, c'est la négation de la politique d'aménagement du territoire. La question de la qualité des sols, de leur valeur écologique serait aussi à inclure dans la loi."
Laurence Rouède, vice-présidente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, constate que le ZAN est venu perturber le travail de concertation sur la sobriété foncière que sa région avait mené dans le cadre de la loi Notr. "On y avait travaillé quatre ans, entre 2016 et 2020, et le Sraddet à peine approuvé, le ZAN est arrivé et nous a dit d'aller plus vite et plus fort. On ne peut pas modifier les objectifs du Sraddet à chaque fois qu'il y a une loi !" Sans compter, selon elle, que l'on a avec le ZAN "beaucoup d'impensés", qu'il s'agisse de la prise en compte des projets industriels, du recul du trait de côte, de la production de logements sociaux ou des énergies renouvelables. "Les régions et les territoires ne sont pas identiques, laissez-nous travailler en bonne intelligence !, a-t-elle plaidé. Il faut fixer des objectifs correspondant à notre identité régionale et ne pas opposer les territoires entre eux".
Redonner du pouvoir et des moyens aux élus locaux
C'est la raison pour laquelle de nombreux élus défendent un modèle fondé sur une nouvelle approche. Les sénateurs sont à pied d'œuvre depuis plusieurs mois dans la cadre d'un "travail transcommissions et transpartisan", a rappelé le sénateur du Nord Guilain Cambier, co-auteur avec son homologue du Vaucluse Jean-Baptiste Blanc d'un récent rapport qui a donné lieu à une proposition de loi déposée le 7 novembre. "Les élus se sont approprié l'objectif de sobriété foncière mais pas l'approche descendante de l'État sur les territoires reposant sur une logique comptable. Ils ont besoin d'un nouveau discours de la méthode". Jean-Baptiste Blanc remettra aussi prochainement avec le sénateur de l'Eure Hervé Maurey un rapport très attendu sur la fiscalité du ZAN.
Le changement de méthode doit passer par un changement de la loi, défend aussi Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (Ain). "Il faut plus de transparence sur l'objectif assigné à chaque territoire, défend-il. On peut avoir un objectif théorique porté à connaissance par l'État et mis en œuvre dans les Scot et les PLU sans raisonner à l'hectare près. L'important est de redonner du pouvoir aux élus locaux, avec un simple contrôle du fait que chacun fait sa part des choses." Il faut aussi selon lui donner les moyens aux élus de travailler sur la maîtrise du foncier et ils ont besoin pour cela de garanties juridiques, notamment pour sécuriser le déclassement des terrains nécessaire dans le cadre du PLU "pour que la responsabilité de la commune ne soit pas recherchée sur le plan indemnitaire". "On doit aménager autrement mais on a besoin d'évolutions législatives pour rendre l'objectif plus désirable de manière moins contrainte".
Plusieurs pistes de réflexion ouvertes par la ministre
En réponse aux élus, Catherine Vautrin s'est dit favorable à un assouplissement tout en tenant l'objectif. Sur la forme, rejoignant les propositions des sénateurs, elle s'est dit favorable à la "simplification de la métrique" qui doit être fondée sur la consommation d'Enaf. Ne faut-il pas sortir de la comptabilisation territoriale les projets d'envergure nationale et européenne (Pene) ?, a aussi interrogé la ministre. "C'est 4% de surfaces que l'on rendrait aux territoires", a-t-elle dit. Il y a plusieurs sujets en matière de fiscalité, a-t-elle aussi affirmé. Le fonds friches a été mis dans le fonds vert. Or, "reconvertir des friches coûte très cher, on en a beaucoup en urbain et dans les bourgs-centres, moins en ruralité. Il y a une réflexion que je suis prête à ouvrir autour des friches". "Il y aussi une réflexion à engager avec le ministre des comptes publics sur la manière dont la commune cherche à générer de la ressource", a-t-elle poursuivi. Plus précisément sur la manière dont "l'utilisation du foncier est reconnue, s'il est affecté à de la logistique ou du logement", par exemple. "Notre objectif est de poursuivre le travail, en proposition de loi ou en projet de loi mais j'ai bien noté qu'il fallait simplifier, écouter, agir parce que l'urgence est la capacité de répondre en matière de logement, de responsabilisation de l'utilisation de nos sols", a-t-elle conclu.