Congrès des maires – Accès au logement : "On est sur une crise de tous les segments"

Confrontés à la crise du logement, les élus locaux réunis au Congrès des maires s’accordent sur la nécessité de relancer toute l’offre de logement, sociale comme privée, pour fluidifier la mobilité résidentielle. Un sentiment d’urgence partagé par la nouvelle ministre du Logement, Valérie Létard, attentive à renouer un dialogue avec les élus et les parlementaires sur cette relance de l’offre. 

"Des jeunes couples avec enfants viennent nous voir et nous disent : on vit à cinq dans un T2 (...) On n’a pas la capacité d’offrir à ce ménage un logement plus grand, et c’est une catastrophe", témoigne la maire de Colomiers (31), Karine Traval-Michelet. A l’image de la vice-présidente de Toulouse Métropole, tous les maires participant à la table ronde consacrée au logement abordable, organisée mercredi 20 novembre par l’AMF, ont tour à tour insisté sur la crise aiguë et généralisée du secteur bloquant les habitants à beaucoup d’étapes de leur parcours résidentiel, qu’il s’agisse de trouver un hébergement d’urgence, un logement social ou un logement dans le parc locatif privé, ou d’accéder à la propriété. Aujourd’hui, "le parcours ne peut pas se faire car on est sur une crise de tous les segments", remarque le maire de Chambéry (73), Thierry Repentin. Segments qu’il faut traiter de concert sans en privilégier certains au détriment d’autres, sous peine de “thrombose collective”, insiste le coprésident du groupe de travail Logement-Habitat-Hébergement de l’AMF. “C’est une question cruciale, le terreau d’une colère locale qui est très forte”, abonde sa binôme, la maire de Vincennes (94) Charlotte Libert (voir aussi notre interview de l'élue, réalisée en amont du congrès).

Un fort besoin en petits logements et en résidences seniors

Lors de la table ronde, les élus ont dressé une sorte d’inventaire des différents besoins. Sous l’effet du desserrement des ménages et du vieillissement de la population, “les petites surfaces sont particulièrement recherchées”, indique le maire de Saint-Privat-des-Vieux (30), Philippe Ribot. Or, “des T2 ou des T3, depuis des années, il ne s’en est plus fait”, rappelle l’édile. “Il faut des résidences sociales seniors”, ajoute Karine Traval-Michelet, pour inciter les personnes âgées à quitter des logements devenus trop grands et ainsi relancer la mobilité résidentielle. "Les Ehpad font aussi partie du parcours résidentiel", rappelle en outre Serge Hoareau, maire de Petite-Ile (La Réunion), président de l’Association des maires de La Réunion. Également cité par plusieurs élus, le logement étudiant mérite lui aussi d’être davantage soutenu, ne serait-ce que pour éviter des départs vers d’autres territoires, comme le souligne la maire de Vincennes, Charlotte Libert. 

"On est confronté à une politique d’adaptation. On doit pouvoir récupérer [les] logements vacants, abandonnés, par des procédures beaucoup plus souples et efficaces pour permettre de les réhabiliter, de remettre sur la marché, à la fois pour faire du logement social dans le diffus, en centre-ville, et en même temps pour permettre l’accession à la propriété. Cela sous-entend des moyens financiers, mais aussi de la souplesse, de l’agilité dans les dispositifs, dans les financements. De façon à ce qu’on ne se retrouve pas confrontés à l’Anah qui ne peut pas compléter le financement de l’Anru (...)", appelle de son côté le maire de Fort-de-France (Martinique) Didier Laguerre.

"Je mesure dans nos échanges que quel que soit le bord politique, on est tous d’accord sur le fait qu’il faut tous types de logements", a enchaîné la présidente et directrice générale de Nexity, Véronique Bédague, saluant l’évolution du discours sur le parc privé, qu’elle n’entendait pas "il y a six mois", et rappelant la réticence passée des maires au développement de petits logements. La relance du secteur immobilier se heurte aujourd’hui à ses yeux au manque d’investisseurs institutionnels et en particulier au retrait des compagnies d’assurance. Mais aussi au manque de rentabilité de l’investissement locatif. "Allez voir si votre réseau bancaire vous conseille d’investir dans un logement. Ça n'existe pas", selon Véronique Bédague. 

Des batailles parlementaires à mener… 

"Le Parlement sera le vecteur par lequel nous construirons ensemble", a réagi la nouvelle ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, Valérie Létard, qui a rappelé ses différents engagements, annoncés ces dernières semaines : généralisation du prêt à taux zéro à l’ensemble du territoire, en zone tendue comme détendue et concernant le logement individuel et collectif (lire notre article du 13/11), relance de la proposition de loi Daubié pour la transformation des bureaux vacants en logements (qui servira en particulier à développer du logement étudiant autour des universités). 

La ministre continuera de porter l’exemption des frais de succession pour les donations aux enfants et petits-enfants dans une limite encore à définir afin de financer l’achat d’une résidence principale dans le neuf (lire notre article du 21/10). La mesure serait circonscrite à 2025 dans l’objectif de relancer la construction de logements neufs. "On encourage à la transmission, on remet dans la construction, on aide les enfants", a-t-elle argué. 

Au-delà de cette mesure transitoire, Valérie Letard veut remettre sur la table l’investissement locatif. "Pour ma part j’essaierai de convaincre notre Premier ministre et le gouvernement qu’il y a un chemin à trouver sur comment faire en sorte que l’investissement privé ne soit pas confiscatoire", ajoute-t-elle, espérant un travail parlementaire sur "le statut du bailleur privé". 

Un dialogue renoué avec l’Union sociale pour l’habitat

En matière de logement social, Valérie Létard rappelle son intention de baisser le taux du Livret A dès février prochain, ainsi que de plafonner la RLS (réduction de loyer de solidarité) à 1,1 milliard d’euros en contrepartie d’engagements de la part des bailleurs, engagements qui comporteront la production de petits logements, précise-t-elle. 

L’engagement de la ministre a pour le moment convaincu les élus locaux et en particulier les promoteurs du logement social, en souffrance depuis plusieurs années. “Valérie Létard a pris le dossier par le bon bout, de façon pragmatique, contrairement à son prédécesseur qui avait une vision très libérale”, a salué Thierry Repentin après le départ de la ministre. "En un mois, on a davantage discuté que durant les dernières années", a reconnu la présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse, convaincue qu’il sera possible de "construire des choses très fortes" avec la ministre, même si ce sera "complexe et long". 

 

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