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Congrès de Villes de France : Action Cœur de ville, un nouveau modèle pour l'action publique ?

Les élus membres de Villes de France, l'association représentant les villes dites "moyennes" et leurs agglomérations, étaient réunis en congrès ces 13 et 14 juin à Albi. Il y a entre autres beaucoup été question du programme Action Cœur de ville et de réforme de la fiscalité locale. Deux sujets également abordés par Édouard Philippe en clôture de ce congrès. 

Lien entre villes moyennes et métropoles, autonomie financière, enseignement supérieur, développement durable et innovation, attractivité, Action Cœur de ville, place de la ville-centre dans son intercommunalité, ressources humaines… les thématiques abordées à Albi ces 13 et 14 juin au fil du congrès de Villes de France ont été plurielles. Pour cette association représentant les élus des "villes et territoires urbains non métropolitains", il s'agissait d'aborder tout ce qui permettrait de "mieux vivre au quotidien" dans ces villes moyennes. À ce titre, Caroline Cayeux, la présidente de Villes de France, a tenu à rappeler qu'il s'agissait du premier congrès d'élus post-gilets jaunes et post-Grand Débat. Et a invité à ne pas oublier "l'importance de ce qu'ont exprimé les gilets jaunes, ceux qui ont pacifiquement occupé les giratoires" en termes de maintien des services publics, d'"action publique plus efficace" et de prise en compte du "pays réel".
Venu clore ce congrès, le Premier ministre a centré son intervention sur trois sujets. Action Cœur de ville, le futur projet de loi Proximité et Engagement et les finances avec les contrats de Cahors et la fiscalité locale. En sachant qu'il s'était déjà exprimé sur les enjeux de décentralisation la veille au Sénat (lire ci-dessous notre article du 13 juin). "Je ne vais pas vous infliger un troisième discours de politique générale", a-t-il d'ailleurs lancé aux élus réunis à Albi.

Action Cœur de ville : aller "plus loin et plus vite"

Pour Édouard Philippe, le programme Action Cœur de ville est emblématique de la "nouvelle relation de confiance" que l'Etat entend construire avec les acteurs locaux, d'une nouvelle façon de faire. "Ici l'Etat n'est plus dans un strict rôle de prescripteur ou de censeur, c'est tout le contraire d'une politique descendante", avait auparavant abondé la ministre Jacqueline Gourault, elle aussi venue à Albi. Certes, cette "reconquête va prendre du temps" mais la dynamique serait bel et bien lancée. Et le chef du gouvernement de mentionner les 367 millions d'euros engagés au 30 avril, l'entrée en vigueur du "Denormandie ancien" qui constitue "un dispositif fiscal puissant" pour "encourager la rénovation du bâti existant", les huit premières villes signataires d'une opération de revitalisation du territoire (ORT), les tous premiers projets prêts à "sortir de terre"… Il espère en outre pouvoir publier "avant l'été" le décret d'application de la loi Elan qui permettra au préfet, sur saisine des élus de la ville et de l'EPCI engagés dans une ORT, de suspendre l'instruction par la CDAC, pour trois voire quatre ans, d'un projet d'implantation commerciale en périphérie si ce projet est jugé néfaste à la politique de revitalisation du centre-ville.
Il a aussi été rappelé que le dispositif Cœur de ville n'a de cesse d'évoluer et de s'enrichir. Tel est le cas sur le volet enseignement supérieur avec la signature le 1er avril dernier d'une convention avec le Cnam. Avec un nouveau programme baptisé "Cœur de territoire", le Cnam, qui dispose déjà de 150 centres de formation en France, s'engage à en créer 100 de plus en trois ans. Près de 70 sites auraient déjà manifesté leur intérêt, a témoigné Olivier Faron, l'administrateur général du Cnam. Tel sera le cas, aussi, avec l'ambition de créer une centaine de "campus connectés". Les 13 premiers seront lancés en septembre, a précisé un autre membre du gouvernement intervenu à Albi, Gabriel Attal, secrétaire d'Etat à la jeunesse, rappelant que ce nouveau type de "tiers-lieux" constituera "une offre universitaire de premier cycle à distance" dans des villes moyennes ne disposant pas d'antenne universitaire (lire notre article du 3 mai).  Pour la région Occitanie, Gabriel Attal a cité Carcassonne, Cahors et Le Vigan.
Edouard Philippe a en outre indiqué que les 222 villes du programme Action Cœur de ville "seront prioritaires" dans l'accès aux aides à la rénovation énergétique des bâtiments publics et qu'un nouvel accent sera porté aux innovations en termes de mobilité. Les enjeux de biodiversité et de transition écologique ont eux aussi vocation à faire pleinement partie du programme.
Les élus locaux réunis à Albi sont à peu près unanimes pour reconnaître, souvent avec enthousiasme, les mérites d'Action Cœur de ville, même si quelques-uns regrettent que tous les freins ne soient pas encore levés, qu'ils soient d'ordre financier ou juridique. En tout cas, Villes de France enjoint aujourd'hui le gouvernement à aller "plus loin et plus vite" et appelle d'ores et déjà à la "poursuite du dispositif au-delà de 2022". L'association en a même fait le tout premier point de sa résolution adoptée lors en prélude à son congrès (à télécharger ci-dessous). Les représentants des deux grands acteurs du programme que sont la Banque des Territoires et Action Logement, venus échanger avec les congressistes, ont pour leur part incité les collectivités à mobiliser les enveloppes disponibles.

"Rénover le fonctionnement des EPCI"

"C'est toute l'action publique qu'il nous faut transformer", a déclaré Édouard Philippe. Et pour lui, cela passe notamment par le fait de "remettre le maire au cœur" de cette action publique. Tel serait le sens du projet de loi "proximité et engagement" déjà largement évoqué la veille au Sénat. Ce futur projet de loi Lecornu entend en premier lieu se pencher sur la relation commune-intercommunalité. "Peut-être faudra-t-il ajuster certains périmètres, mais avec une infinie précaution", a estimé le Premier ministre, ajoutant : "En revanche, rénover le fonctionnement des EPCI, ce n'est pas une hérésie". Ceci, afin de "permettre aux maires de se réapproprier les décisions". Cela peut selon lui passer par des solutions diverses : conseils des maires, assurer aux "petits maires" qu'ils siègeront systématiquement dans les organes délibérants des EPCI… En s'adressant à Édouard Philipe, Caroline Cayeux avait quant à elle au contraire mis en avant les difficultés des maires de villes-centres à exister pleinement face à ces "petits maires" : "En termes de représentation, trop de villes-centres se sentent noyées dans leurs agglomération", avait-elle alerté.
Édouard Philippe juge aussi utile d'"élargir les pouvoirs de police du maire" et de réinterroger à la marge "ce qui doit être fait par la commune et ce qui doit être fait par l'EPCI", prenant le cas de la compétence eau où des délégations de compétences pourraient être envisagées. Jean-François Debat, le président délégué de Villes de France, a pour sa part insisté sur un autre problème : l'obligation pour l'EPCI d'exercer ses compétences facultatives (la petite enfance par exemple) sur l'ensemble du territoire intercommunal. "Ces mécanismes hérités de la loi Chevènement sont trop lourds sur des territoires intercommunaux devenus beaucoup plus étendus", plaide-t-il.
Le futur projet de loi devra en outre "reconnaître, accompagner et sécuriser" l'exercice des mandats locaux. "On a besoin de candidats", a lancé Édouard Philippe, citant les questions de formation, de relation employeur, de protection fonctionnelle, de possibilité pour l'Etat de financer l'assurance des petites communes, de régime applicable aux frais de mandat, d'indemnités… Tout ceci reste encore à écrire et Sébastien Lecornu est à ce titre chargé de "poursuivre la concertation".

Fiscalité : l'option foncier bâti + TVA privilégiée

Sur le terrain des finances, Édouard Philippe a une nouvelle fois loué l'efficacité de la contractualisation sur les dépenses de fonctionnement des grandes collectivités. "Les comptes sont bons !", s'est-il félicité, indiquant que les 230 collectivités signataires ont diminué leurs dépenses de fonctionnement de 0,2%, dépassant ainsi largement l'objectif qui leur était assigné.
S'agissant de la réforme de la fiscalité qui devra être pleinement opérationnelle "en 2023", lorsque "la taxe d'habitation aura totalement disparu"… "il nous reste encore de belles semaines de discussion" pour "définir le meilleur système", a-t-il reconnu, se limitant à rappeler quelques principes : qu'aucune collectivité "ne perde de ressources", qu'"au terme de la réforme, la fiscalité locale soit plus claire"…
La veille, lors de la première journée de congrès, le secrétaire d'Etat Olivier Dussopt avait été beaucoup plus précis sur le sujet. Il avait notamment indiqué que l'idée d'un dégrèvement "général, évolutif et infini" n'était "pas la solution", en ce qu'elle conduirait à maintenir ad vitam aeternam "un impôt sans contribuable". Cette option serait pourtant "la plus simple", avait jugé Jean-François Debat.
La piste privilégiée par le gouvernement est bien "la descente de la taxe foncière départementale" et ce, "uniquement vers les communes", a confirmé Olivier Dussopt, en soulignant que "cela n'implique pas la descente aux communes" de la taxe foncière actuellement perçue par les intercommunalités. S'y ajouterait "l'affectation d'une fraction d'impôt national", le gouvernement penchant pour la TVA plus que pour la CSG.
Le secrétaire d'Etat sait que plusieurs difficultés se posent, à commencer par le mécanisme de garantie à mettre en place pour permettre une "juste compensation commune par commune". Les communes représentées par Villes de France sont en effet nombreuses à anticiper une "sous-compensation". "Nous avons tous en tête le FNGIR" mis en place après la suppression de la taxe professionnelle mais "dix ans après, on voit qu'il ne permet pas de répondre aux évolutions que connaissent certains territoires", constate Olivier Dussopt. "Peut-on inventer un FNGIR vivant ?", s'est-il interrogé.
Parmi les autres difficultés ou questions en vue évoquées par le secrétaire d'Etat : faudra-t-il maintenir le principe de liaison des taux ? (aujourd'hui assis sur celui de la taxe d'habitation) Et si oui, quel serait le taux pivot ? Quid de la fraction du produit des frais de gestion de la taxe d'habitation actuellement perçue par les régions (300 millions d'euros) Quelles perspectives pour la taxation des résidences secondaires ou des logements vacants ?
Du côté des élus de Villes de France, on regrette qu'on en soit "pratiquement au même point que l'an dernier". "Maintenant les délais sont comptés et on risque la précipitation", a résumé Jean-François Debat. Dans tous les cas, pas question que la compensation dépende des lois de finances successives. Il faut "une loi organique". Villes de France tient également à ce que l'intercommunalité garde sa part de foncier bâti. Et se dit favorable, à défaut du "maintien durable d'un mécanisme de dégrèvement avec évolution annuelle", à l'option d'une part de TVA pour compléter ce foncier bâti. Les choses devraient bientôt se préciser puisque les ministres Gérarld Darmanin et Jacqueline Gourault, accompagnés de Sébastien Lecornu et d'Olivier Dussopt, ont donné rendez-vous aux associations d'élus dès ce 18 juin.