Congrès de l'USH : entre construction et rénovation, les bailleurs devant "l'ampleur de la tâche"

Le 82e congrès HLM s'est ouvert mardi à Lyon. Au lendemain de la présentation du projet de loi de finances, la présidente de l'USH, Emmanuelle Cosse, a redit le besoin de "moyens pérennes" des bailleurs sociaux, à l'heure où il faut à la fois construire davantage, accélérer la rénovation énergétique... et passer l'hiver. Le ministre Olivier Klein assure travailler sur tous ces fronts. Éric Lombard, le directeur général de la Caisse des Dépôts, a évoqué les nouvelles offres mises à disposition du secteur.

Réunis à Lyon pour leur 82e congrès annuel, les bailleurs sociaux disent vouloir renouer le dialogue avec le gouvernement. En ouverture de ce congrès mardi 27 septembre, la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Emmanuelle Cosse, a dit sentir "une inflexion, une écoute différente. Le projet de loi de finances a été rendu public hier, il n'a pas aggravé la situation... ça nous change !", a-t-elle lancé. Non sans avoir estimé que l'État, "pendant cinq ans, (...), n'a eu de cesse de nous rendre la tâche plus difficile en nous obligeant à nous réorganiser, mais surtout en nous privant de capacités financières à agir". 

D'ici la clôture ce jeudi 29, les discussions doivent déboucher sur un "pacte de confiance" dont on attend des objectifs chiffrés d'autorisations, de constructions et de rénovations de logements sociaux. "Il nous manque encore les moyens financiers pérennes pour faire face à l'ampleur de la tâche. Cette question animera certaines de nos rencontres ces prochains jours", a encore prévenu Emmanuelle Cosse.

"Je peux vous assurer qu'on travaille, on travaille pour augmenter le nombre d'agréments, on travaille pour augmenter la production, on travaille pour augmenter le nombre de rénovations et de réhabilitations thermiques et on travaille pour trouver une confiance renouvelée avec le monde HLM parce que c'est le souhait du gouvernement ", a pour sa part déclaré Olivier Klein, le nouveau ministre en charge du Logement, venu passer les trois jours à Lyon et devant s'exprimer en clôture.

Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 présenté lundi, les capacités à investir de ces bailleurs sont en tout cas maintenues. Ce PLF prévoit un prélèvement de 300 millions d’euros sur Action logement pour financer les aides à la pierre (ce qui a déjà suscité les critiques des syndicats et du patronat, co-gérants de l'organisme). "C'est de l'argent qui va aller au logement social. On va continuer à travailler avec les partenaires sociaux. Action logement est un partenaire essentiel du logement", a défendu le ministre, qui doit négocier la convention quinquennale 2023-2027 entre l'Etat et Action Logement. Également dans ce PLF 2023 : le maintien de la RLS (réduction du loyer de solidarité), sans en relever le rendement ; l’actualisation et la rationalisation du champ d’application du taux réduit de la TVA de 5,5% aux travaux de rénovation énergétique des logements ; une enveloppe de 200 millions mobilisée par le Fnap (fonds national des aides à la pierre) pour des opérations de rénovation énergétique globales entreprises par les bailleurs.

"Assumer la sobriété"... et rénover

Sur ce terrain de l'énergie, Emmanuelle Cosse a d'ailleurs appelé mardi le parc social à "assumer la sobriété" : "La température de chauffage, les consignes sur les ascenseurs et les parties communes, l'éclairage, oui, je vous invite à respecter les consignes sur les températures. Personne ne peut se permettre de 'cramer' autant d'énergie cet hiver", a-t-elle dit en ouverture. Plusieurs bailleurs interrogés par l'AFP prévoient de limiter strictement à 19 degrés la température à l'intérieur des logements. Dans le Nord par exemple, l'office public Partenord Habitat va fixer, partout où le chauffage est collectif, la température à 19 degrés le jour et 17 la nuit.

L'USH a d'ailleurs noué un partenariat avec la plate-forme Ecowatt mise en place par RTE pour que les 550 organismes HLM puissent être avertis en temps réel des tensions sur le réseau et participent à la régulation des pics de consommation. En parallèle, une réflexion est engagée entre les bailleurs et les gestionnaires de réseau afin d'identifier des actions pratiques permettant de réduire le besoin énergétique des équipements communs des immeubles.

Autre sujet structurant : si les bailleurs sociaux bénéficient du bouclier tarifaire pour leur fourniture en gaz, leurs achats en gros d'électricité, notamment pour alimenter les parties communes, ne sont pas couverts, ce qui fait gonfler les charges répercutées sur les locataires. Une faille que le gouvernement a promis de corriger très vite. "Là où il y a un oubli, on le répare", a promis Olivier Klein, estimant le coût de cette mesure à entre 900 millions et un milliard d'euros.

Reste l'accélération de la rénovation énergétique des quelque cinq millions de HLM pour éviter que les plus énergivores ne soient interdits à la location. Des aides financières ciblées dans le cadre du plan de relance ont déjà permis d'accélérer, salue l'USH, avec près de 178.000 logements rénovés en 2021, un record. "On ne fait pas de la rénovation à la petite semaine pour passer de la classe G à F ou E", souligne Emmanuelle Cosse. "L'objectif, c'est qu'on ait des gains qui ramènent a minima le patrimoine en D et le plus souvent en C", assure-t-elle.

"L'acte de construire est une nécessité"

En parallèle, face à l'ampleur de la demande de logements sociaux - 2,3 millions de ménages en attente fin 2021 -, la présidente de l'USH a salué "tous les maires bâtisseurs" en refusant d'opposer écologie et construction. "Nous savons la difficulté de convaincre ses administrés de produire du logement pour tous. Mais nous savons aussi par expérience que les territoires qui démissionnent de leurs missions d'aménageur finissent par souffrir de l'entre-soi et de l'immobilisme", a-t-elle affirmé. "Certes, l'acte de construire a un impact sur notre environnement", mais "plutôt que de s'attaquer aux constructions de logements, qu'on aille interroger le développement délirant et incontrôlé des grandes zones commerciales", a lancé Emmanuelle Cosse. L'ancienne ministre du Logement a par ailleurs souligné l'émergence de tensions nouvelles sur la frange ouest du pays, comme au Pays basque ou en Bretagne. "Je tire une sonnette d'alarme : les chiffres de la demande en logement social explosent dans des départements restés jusque-là en dessous des radars alors même que nous savons d'ores et déjà que les agréments 2022 ne seront pas bons", a-t-elle souligné.

"La réhabilitation est une des clefs, mais nous devons également construire plus de logements et plus de logements abordables. Nous en parlons régulièrement avec les élus : les enjeux démographiques sont tels que l'acte de construire est une nécessité", "il est indispensable de convaincre élus et habitants de la nécessité de construire plus et mieux", a lui aussi insisté Éric Lombard, le directeur général de la Caisse des Dépôts, qui intervenait ce mercredi 28 septembre au congrès de l'USH.

Éric Lombard a à ce titre rappelé les nouveaux outils proposés par la Caisse des Dépôts, dont le prêt de haut de bilan bonifié par Action logement, annoncé l'an dernier, qui "est depuis cet été à la disposition des bailleurs". Un prêt doté d’une enveloppe de 200 millions d'euros "dédié au financement de la construction verte, qui accompagnera des projets porteurs d’une haute ambition environnementale". Il y a aussi désormais le prêt PLUS Horizen, composé d’un taux fixe de marché pendant cinq ans, et d’un taux indexé au livret A +0,60 % sur une deuxième phase de 30 ans minimum. "En zone tendue, ce financement pourra aller jusqu’à 80 ans", précise la Banque des Territoires qui consacre une enveloppe de 1 milliard d’euros à ce nouveau prêt, "dispositif transitoire ouvert jusqu’à fin 2023".

Un dispositif innovant pour donner une "seconde vie" au bâti

La capacité de la Caisse des Dépôts à "réaménager la dette du secteur" a également été évoquée par son directeur général, de même que l'offre Tonus Territoires, qui permet aux bailleurs, notamment en zone tendue, "de continuer à produire des logements sans mobiliser de fonds propres et dans des conditions sécurisées".

S'agissant de la rénovation énergétique, la Caisse des Dépôts a "décidé avec l’État de booster [son] éco-prêt", "dont l'enveloppe passera à 6 milliards d'euros sur les cinq prochaines années et le plafond de prêt par logement sera significativement relevé, de 22 à 30.000 euros, afin de soutenir davantage encore les rénovations les plus performantes". Par ailleurs, Éric Lombard a annoncé la création de l'outil "Prioréno logement social", une forme d'extension du service Prioréno dont disposent déjà les collectivités, développé par la Banque des Territoires, en partenariat avec Enedis et GRDF, qui permet aux élus de "prioriser le bâti qui a le plus besoin de rénovations énergétiques, et facilite donc le passage à l’acte de rénovation". Un service gratuit dont plusieurs élus avaient vanté les mérites jeudi dernier lors du Printemps des Territoires (voir notre article), souhaitant précisément un élargissement aux bailleurs sociaux. C'est donc désormais chose faite, avec le concours de l'USH.

Enfin, la Banque des Territoires s'engage dans un dispositif innovant visant à "soutenir les projets les plus ambitieux de 'seconde vie du bâti', plus respectueux en carbone, en foncier et en énergie, que la construction neuve". L'objectif, a expliqué Éric Lombard, est de "redonner 50 ans de vie à un bâti via une réhabilitation en profondeur qui conserve le squelette du bâtiment d’origine, ses parties porteuses… et refaire tout le reste". Une expérimentation sera lancée en 2023 en proposant "un dispositif de financement adapté et attractif" qui reposerait sur "la délivrance par l’État d’un agrément 'seconde vie' ouvrant droit aux prêts réglementés et aux avantages fiscaux dédiés à la production de logements sociaux".

 

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