Conférence d'Emmanuel Macron : les sujets dont on va réentendre parler
Une batterie de mesures pour "une France plus forte et plus juste". Une semaine après la nomination de son nouveau gouvernement, Emmanuel Macron a multiplié les annonces ou confirmations mardi 16 janvier lors de sa conférence de presse retransmise sur nombre de chaînes de télévision. Il a cependant renvoyé à son nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, qui prononcera le 30 janvier sa déclaration de politique générale, le détail de certaines mesures, comme la hausse attendue des tarifs de l'électricité ou de nouvelles réformes économiques et sociales qu'il a seulement effleurées. Parmi les sujets évoqués pendant plus de deux heures lors de son allocution liminaire puis au fil de la séquence des questions-réponses avec la presse : la jeunesse et l'école, la sécurité, les enjeux économiques et le travail, l'accès aux soins, la natalité, l'énergie, les services publics, l'adaptation au changement climatique, les relations internationales… Memento de ce que l'on peut en retenir et des points qui vont faire parler d'eux dans les mois à venir.
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Ecole, enfance, jeunesse
Instruction civique – "Dès la rentrée 2024, l'instruction civique sera refondée. Son volume horaire sera doublé - une heure par semaine dès la cinquième - avec en appui les grands textes fondateurs de la nation". Le chef de l'Etat s'est par ailleurs dit "totalement favorable à ce qu'on apprenne la Marseillaise au primaire". "C'est même indispensable parce c'est ce qui nous unit, c'est le fruit de notre histoire". Il a également souhaité rétablir des cérémonies de remise des diplômes "dès cette année" au collège, "un rite républicain d'unité, de fierté et de reconnaissance".
Education artistique et culturelle – Concernant l'éducation artistique et culturelle déployée dans les écoles "depuis maintenant un peu plus de six ans" et qui "va se renforcer, comme pour la musique et les arts plastiques", Emmanuel Macron a dit souhaiter "que le théâtre devienne un passage obligé au collège dès la rentrée prochaine parce que cela donne confiance. Cela apprend l'oralité, le contact aux grands textes". Et "l'histoire de l'art retrouvera sa place à la rentrée prochaine au collège et au lycée".
Uniforme à l'école - La tenue unique pour les élèves sera expérimentée dès cette année dans une centaine d'établissements scolaires volontaires, puis évaluée et généralisée en 2026 "si les résultats sont concluants". Une carte (peu précise) des établissements concernés (écoles, collèges, lycées) a été diffusée sur X (Twitter). "On va accompagner les familles". Par "on", entendre "les collectivités locales et l'Etat".
SNU – L'exécutif va bien aller vers "une généralisation du service national universel" (SNU) en classe de seconde. En juin dernier, le gouvernement avait annoncé que le SNU serait intégré à partir de mars 2024 au temps scolaire, avec un stage de 12 jours pour les élèves en classe de seconde qui seraient volontaires. Sa généralisation, évoquée à plusieurs reprises ces derniers mois, se heurte à de vives résistances.
Emeutes – Selon le Président, les émeutes du début de l'été ont touché 500 communes, dont la moitié hors politique de la ville et sortent donc de "la cartographie habituelle". Les réponses à apporter seraient donc "compliquées" et multiples, ne relevant pas des seules problématiques de l'immigration, de la police ou de la rénovation urbaine. Les événements auraient notamment été le fait de "jeunes sans école ou activité depuis le mois d'avril", qui "s'ennuyaient" et qui par "une forme de mimétisme", se seraient laissés happer par des "défis" véhiculés par les réseaux. En jeu : l'accompagnement des familles notamment monoparentales, "l'accompagnement des jeunes qui commencent à décrocher", "l'accès au sport et à la culture", "une réponse pénale plus claire"…
Public / privé – Emmanuel Macron a récusé mardi tout "conflit" entre école privée et école publique en pleine polémique sur les propos de sa nouvelle ministre de l'Education. "La République est forte de tous ces systèmes. Ce qu'il faut, c'est engager tout le monde dans les mêmes exigences" mais "on ne juge pas les gens sur leurs choix individuels", a-t-il ajouté.
"Ecrans" – "On a laissé beaucoup de familles sans mode d'emploi. (...) Il faut qu'on ait un consensus scientifique, que les scientifiques commencent à nous donner un plan et qu'on éclaire un débat public, qui viendra ensuite. Et donc il y aura peut-être des interdictions. Il y aura peut-être des restrictions" et "peut être aussi des restrictions sur les contenus".
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Famille
Création d'un "congé de naissance" - "Après l'allongement du congé de paternité, je crois profondément que la mise en place d'un nouveau congé de naissance serait un élément utile dans une telle stratégie", a fait valoir le chef de l'Etat. Ce congé de naissance "viendra remplacer le congé parental actuel" : "Il sera mieux rémunéré et permettra aux deux parents d'être auprès de leur enfant pendant six mois s'ils le souhaitent", a précisé Emmanuel Macron, estimant que le congé actuel "crée beaucoup d'angoisse parce qu'il est extrêmement peu et mal rémunéré", et crée ainsi "des situations impossibles". "Surtout, il sera plus court que le congé parental actuel, qui peut aller jusqu'à trois ans et qui éloigne beaucoup de femmes du marché du travail", a observé le chef de l'Etat. L'ex-ministre des Solidarités Aurore Bergé avait déjà promis en novembre la création en 2025 de ce "nouveau droit" pour les familles, indiquant à l'époque que ce congé "pourrait" coexister avec l'ancien congé parental, actuellement rémunéré à hauteur de 429 euros par mois.
Natalité – Pour répondre à la hausse de l'infertilité - problème qu'il a qualifié de "tabou du siècle" -, il a annoncé qu'"un grand plan de lutte contre ce fléau sera engagé pour permettre justement ce réarmement démographique". Ce plan national de lutte contre l'infertilité était attendu et prévu par la loi bioéthique de 2021. Dans le prolongement de la loi, le ministre de la Santé et le secrétaire d'Etat chargé de la famille de l'époque avaient missionné deux spécialistes pour "faire le point" sur les causes d'infertilité et proposer des mesures. Le nombre de naissances a reculé de 6,6% en France en 2023, passant sous la barre symbolique des 700.000 pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
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Sécurité
Lutte contre le trafic de drogue – Il a indiqué vouloir dix opérations "place nette" par semaine contre le trafic de drogue et les "narcotrafiquants", "dans toutes les catégories de ville", et ce dans une volonté de restaurer "l'ordre". "Nous allons accroître le rythme à partir de la semaine prochaine. Dix opérations de ce type seront conduites chaque semaine", a déclaré le président de la République, précisant que ce problème ne touchait "pas simplement les grandes villes", mais également les "villes moyennes qui le connaissaient moins" et "parfois même les villages". Les opérations "place nette" ont été lancées à l’automne dernier par la police nationale. Celle-ci indique que ces opérations sont "nécessairement accompagnées d’actions visibles et d’ampleur sur la voie publique" et "réalisées en priorité sur les secteurs difficiles des grandes agglomérations et programmées par les services territoriaux en lien avec la Direction nationale de la sécurité publique (DNSP) et la Direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), avec une dimension partenariale forte (polices municipales, bailleurs…)". Emmanuel Macron a par ailleurs mis l'accent sur sa volonté de "lutter contre les incivilités grâce à un doublement de la présence policière dans nos rues".
Islam radical – Au nom de la "fermeté républicaine", il a ajouté vouloir lutter contre "l'islam radical" et a vanté les mérites de la loi qui a permis de mettre fin, depuis le 1er janvier, "au système des imams détachés" par des pays étrangers. Cette loi "nous a permis de fermer des associations, des établissements qui ne respectaient pas les règles de la République", a-t-il assuré.
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Economie et emploi
Une future loi – Emmanuel Macron demande au gouvernement de "porter un acte II" d’une "loi pour la croissance, l’activité, et les opportunités économiques" pour "permettre de libérer davantage encore ceux qui font, qui innovent, qui osent, qui travaillent pour produire plus". Une "loi Macron 2" en somme ? L'enjeu notamment, selon lui : "mettre fin aux normes inutiles qui découragent", privilégier les "procédures uniques", "réduire les délais" et "augmenter les seuils de déclenchement d'obligations". Il a cité en exemple la loi sur les Jeux olympiques : alors que la crise du logement serait en partie renforcée par un "maquis" de réglementations et des "délais trop longs", "avec cette loi d'urgence, les logements vont sortir de terre, cela montre que c'est possible". De "grosses opérations d'intérêt national" pourraient être à l'ordre du jour. Cette simplification "va toucher les entrepreneurs, les agriculteurs (…), mais aussi nos élus", a-t-il dit.
Marché du travail – "Notre pays manque de travailleurs dans les fermes, les restaurants, pour aider les personnes âgées… Il risque de manquer de travailleurs. Pour mettre fin à cette anomalie, nous devons former davantage selon les besoins de la nation". La réforme du lycée professionnel et de l’université sera accélérée cette année. Et "dès le printemps prochain, un acte II de la réforme du marché du travail lancée en 2017", avec "des règles plus sévères quand des offres d’emploi sont refusées et un meilleur accompagnement de nos chômeurs par la formation, mais aussi l’accompagnement à l’emploi sur des choses très concrètes, comme le logement ou les transports".
Fiscalité – La baisse d'impôts de deux milliards d'euros qu'il envisage pour les classes moyennes aurait lieu dès 2025. Le gouvernement "reviendra sur le détail de la mesure". Cette baisse d'impôts supplémentaire est envisagée depuis le printemps 2023, mais son timing exact avait évolué au cours des mois, avec une possibilité qu'elle soit repoussée en fin de quinquennat, ou "dès que possible". Le président de la République a évoqué longuement "tous nos compatriotes qui gagnent déjà trop pour être aidés et pas assez pour bien vivre, la France populaire, la France des classes moyennes, celle qui dit 'quand vous proposez quelque chose ce n'est jamais pour moi'. Et pourtant, c'est celle qui tient le pays". Pour lui, "l'effort et le mérite ne sont pas suffisamment reconnus, et si nous avons déjà beaucoup fait pour que le travail paye mieux que l'inactivité, ce n'est pas assez, il y a une France de l'angle mort".
Fonction publique – Il a confirmé que pour les fonctionnaires, "le principal critère d'avancement et de rémunération" devra être, à côté de l'ancienneté, le mérite, "en tout cas bien davantage qu'aujourd'hui". Cette réforme "va commencer dans les prochaines semaines", a-t-il assuré. Avant la démission du précédent gouvernement, le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini s'était déjà engagé à la présenter en février. Un des objectifs du projet de loi en gestation est justement de "mieux rémunérer ceux qui se décarcassent pour assurer nos services publics", avait détaillé le ministre début novembre. L'idée de Stanislas Guerini était alors de mieux récompenser l'engagement individuel, mais aussi collectif des agents publics, par exemple en octroyant une prime à une équipe de fonctionnaires qui aurait atteint son objectif de réduction de consommation d'électricité ou de gaz. Le gouvernement se heurte toutefois aux réticences des syndicats.
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Services publics
La France plus juste est "celle qui accompagne chacun grâce à nos services publics. Beaucoup de Français ont le sentiment de ne pas en avoir pour leur argent : pas de médecins disponibles quand ils sont malades, pas d’agents pour leurs démarches, des délais trop longs pour les papiers d’identité… et que cela fonctionne surtout pour ceux qui ont des passe-droits". "Nous avons réinvesti, déconcentré des services publics, rouvert des sous-préfectures, des brigades de gendarmerie" et "2.700 maisons France services existent sur le terrain". Mais il faut des "solutions plus radicales", il faut "tailler dans le millefeuilles administratif" et "briser les tabous", a déclaré Emmanuel Macron sans plus de précisions là-dessus.
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Accès aux soins
Pas de coercition – "On a aujourd'hui 100.000 médecins généralistes", dont 25 à 30% ont plus de 60 ans. Donc "on a un problème", a reconnu le chef de l'Etat. "La contrainte" d'installation serait-elle la solution ? Interrogé sur ce point par un journaliste, il a répondu par la négative. Ses arguments : le risque que les médecins arrêtent leur activité, le fait qu'il n'existe en réalité plus de "régions surdotées"… Les axes privilégiés restent donc toujours le fait de "libérer du temps de médecin" en s'appuyant davantage sur les professions paramédicales, de déléguer certains actes, d'introduire "une rémunération au patient plutôt qu'à l'acte", de continuer à développer les maisons de santé et les coopérations "sur le terrain", de "débureaucratiser la sante"… Le tout en s'appuyant sur les "CNR santé territorialisés", à l'échelle des bassins de vie, qui devront adopter une "feuille de route". Emmanuel Macron a par ailleurs dit souhaiter "régulariser nombre de médecins étrangers qui tiennent parfois à bout de bras nos services de soins" : "ces médecins sont aujourd'hui laissés dans une précarité administrative qui est complètement inefficace", a-t-il dit.
Désengorger les urgences – S'agissant de la réponse aux besoins de soins non programmés, "on a déjà développé pour 70% de notre population" les services d'accès aux soins (SAS). "C'était zéro il y a trois ans". "On va essayer d'aller à 100%" de couverture de la population par le SAS "dès cette année 2024", a déclaré Emmanuel Macron. "Si on fait ça, on désengorge beaucoup les urgences, parce qu'on a une vraie réponse". "A côté de ça, il faut qu'on continue de mieux responsabiliser celles et ceux qui ont recours de manière indue aux urgences", a-t-il ajouté. "Quand vous avez des gens qui, même pour des petits bobos, après deux, trois fois continuent d'aller directement aux urgences, il faut pouvoir les responsabiliser, c'est-à-dire qu'il y a un reste à charge, sinon ça ne va pas", a-t-il considéré. "Ce que l'on va continuer de faire durant cette année, c'est d'aider, et surtout dans les grandes villes où la vie est chère, à mieux recruter les paramédicaux", a-t-il exposé par ailleurs, mentionnant les difficultés représentées par le coût du logement. "On veut engager un travail, et d'ailleurs nos directeurs et directrices d'hôpitaux le font, avec les communes, qui consiste à essayer d'avoir des solutions de logement pour les paramédicaux et leurs familles".
Franchises – Emmanuel Macron a défendu un doublement des franchises médicales. "Dire qu'on va passer de 0,50 à 1 euro" par boîte de médicaments, "je n'ai pas le sentiment qu'on fait un crime terrible, mais je pense que ça responsabilise et que c'est une bonne mesure", a-t-il jugé, tout en estimant qu'il faudrait continuer à protéger les personnes touchées par des affections de longue durée avec un plafond de "50 euros par an". L'éventuelle hausse des franchises médicales et des participations forfaitaires, déjà envisagée par l'exécutif sans être encore formellement annoncée, avait suscité de vives critiques des oppositions lors des débats sur le budget de la Sécurité sociale pour 2024.
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Institutions
Réforme de la loi PLM - "La seule chose que je veux pour Paris, c'est qu'un électeur puisse avoir les mêmes droits et compter autant à Paris qu'à Amiens, à Besançon ou ailleurs. Et donc que le gouvernement et le Parlement puissent décider d'une réforme en profondeur de la loi Paris-Lyon-Marseille pour revenir au droit commun", a déclaré le chef de l'État. C'est ce que souhaitent de longue date les élus de son camp dans la capitale. En vertu de la loi PLM du 31 décembre 1982, les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille se déroulent par arrondissements ou par secteurs, et non pas à l'échelle de la ville. Et ce sont ensuite les conseillers municipaux élus dans chaque secteur qui élisent le maire lors du premier conseil municipal à la mairie centrale. "Comme je l'ai promis, je déposerai dans les prochaines semaines, avec (le député de Paris) David Amiel et (les députés Renaissance), une nouvelle loi Paris, Lyon, Marseille réformant le mode de scrutin", a publié sur X, dans la foulée de l'intervention présidentielle, le patron des députés et de la Fédération Renaissance de Paris, Sylvain Maillard. L'annonce a en revanche été fraîchement accueillie au sein de la majorité municipale d'Anne Hidalgo.