Energie - Compteurs électriques "intelligents" : le décret du 31 août 2010 attaqué
Le Syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire (SIEIL) et le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (Sipperec), la plus importante autorité concédante en France en matière d'électricité, ont engagé un recours gracieux auprès du Premier ministre contre le décret du 31 août dernier relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité. Ce texte fixe au 31 décembre 2010 la fin de l'expérimentation du projet de compteurs "intelligents" d'ERDF en cours en Indre-et-Loire et dans l'agglomération lyonnaise et prévoit leur généralisation. Un délai jugé insuffisant par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et par les associations de consommateurs.
Le ministère de l'Ecologie a alors tenté de calmer la polémique en annonçant dans un communiqué du 15 septembre 2010 que l'expérimentation serait prolongée jusqu'au 31 mars 2011 mais le décret n'a toujours pas été modifié en ce sens. Le SIEIL et le Sipperec estiment donc que ce texte "donne acte à ERDF de l'expérimentation en cours des dispositifs de comptage, le compteur Linky". Ils soulignent qu'il met fin à l'expérimentation au 31 décembre 2010 et "autorise d'ores et déjà le déploiement assorti d'un calendrier avant même d'avoir pu tester ses fonctionnalités en grandeur nature". "Le décret ne définit même aucun critère pour l'évaluation de l'expérimentation en cours", déplorent les deux syndicats d'énergie. "Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, soulignent-ils. L'expérimentation doit être prolongée, les résultats doivent être publiés et évalués en toute transparence." "Les autorités concédantes sont mises devant le fait accompli alors même que la généralisation des systèmes de comptage ne peut être mise en œuvre que dans le cadre des contrats de concession, ce qu'oublie complètement le décret", font-ils encore valoir.
"Ne pas faire payer les consommateurs deux fois"
Les deux autorités concédantes développent aussi des arguments économiques et juridiques pour demander le retrait du décret et la rédaction d'un nouveau texte encadrant l'expérimentation de dispositifs de comptage évolués. "Le citoyen-consommateur ne doit pas payer deux fois (…). Il n'est pas prévu de restituer les données au consommateur qui pourtant va payer à travers le Turpe (1) le changement de compteur. S'il veut pouvoir agir sur sa consommation et faire des économies, il faudra qu'il paye une deuxième fois, côté fournisseur, des services pour maîtriser sa consommation. De même, les données recueillies doivent pouvoir être communiquées aux autorités concédantes, dans le cadre de leur pouvoir de contrôle."
Sur le plan juridique, les syndicats estiment que le système de comptage "ne répond pas aux attentes de la directive communautaire du 13 juillet 2009 qui prévoit une évaluation économique à long terme de l'ensemble des coûts et bénéfices pour le marché, pour les consommateurs ou à une étude déterminant quel modèle de compteurs intelligents est le plus rationnel économiquement et le moins coûteux et quel calendrier peut être envisagé pour leur distribution". Selon eux, il ne répond pas non plus aux "exigences permettant la modulation tarifaire pour réduire la consommation en période de pointe, contrairement à l'article 4 de la loi du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité". Enfin, dernier grief : "Le décret ne fait pas mention du fait que les données collectées entrent dans le champ de la loi Informatique et libertés, cela dès sa phase d'expérimentation."
(1) Tarif d'utilisation du réseau public d'électricité des collectivités