Finances locales - Commission d'enquête sur la baisse des dotations : les députés se divisent
La commission d'enquête de l'Assemblée nationale visant à "évaluer les conséquences de la baisse des dotations de l'Etat aux communes et EPCI sur l'investissement public et le service public local" ne publiera pas de rapport, en dépit des attentes que sa création avait suscitées. Les députés Front de gauche, Radicaux de gauche et Les Républicains ont voté pour le rapport présenté le 10 décembre par le rapporteur, le député Front de gauche Nicolas Sansu. Mais leur alliance n'a pas suffi à égaler les voix des socialistes et des écologistes, qui ont voté contre.
La commission avait été constituée le 7 juillet dernier à la demande du groupe Front de gauche. A partir de début septembre, elle avait enchaîné les auditions des représentants des associations d'élus locaux, des entreprises publiques et privées, ou encore du monde associatif. Elle avait aussi écouté le point de vue des universitaires, des élus, des hauts fonctionnaires de l'Etat, des experts des collectivités territoriales et de leurs finances, des représentants des banques privées et des organismes de financement public – dont la Caisse des Dépôts – ainsi que des membres du gouvernement, sur les conséquences de la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités, de 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017.
Le rapporteur "savait à quoi s'en tenir"
La commission avait aussi effectué des déplacements, notamment à Marseille et du côté d'Angers. Elle n'avait pas hésité à utiliser les pouvoirs qui lui sont conférés, par exemple se rendant de manière inopinée dans le bureau du Directeur général des collectivités locales. Une démarche exceptionnelle qui lui avait permis de vérifier que le gouvernement n'a jamais réalisé d'étude sur l'impact de la baisse des dotations.
"Depuis le début, Nicolas Sansu veut manifestement faire un rapport dans le but de dire que la politique économique du gouvernement n'est pas bonne", a expliqué à Localtis Alain Fauré, président socialiste de la commission d'enquête. Le rapporteur "se sert de la diminution des dotations pour faire passer ce message. Nous ne cautionnons pas une posture qui relève de l'imposture". Pourtant, "Nicolas Sansu savait à quoi s'en tenir, je l'avais prévenu", a souligné l'élu ariégeois. "Nous nous étions bien entendus pour dire : oui nous sommes intéressés à faire le rapport, à écouter les élus et leurs associations, et tout ce qui gravite autour, parce qu'il y a lieu d'observer une situation." Si le rapporteur avait respecté cette ligne directrice, "le rapport aurait été approuvé", assure Alain Fauré.
Le Front de gauche dénonce une forme de censure
Ce rapport "est arrivé trop tôt", critique-t-il encore. "Je n'ai pas entendu de la bouche des élus que la baisse des dotations ait déjà eu des incidences. Mais, poursuit-il, j'ai entendu beaucoup d'élus témoignant de leurs craintes."
Le groupe Front de gauche de l'Assemblée nationale a dénoncé un rejet du rapport qui "s'apparente à une censure" et "révèle une véritable dévalorisation, voire un déni du travail parlementaire". Il en conclut que "le gouvernement pourra poursuivre sa politique d'austérité" aux "conséquences désastreuses pour les services publics locaux et pour l'investissement dans le pays".
François de Mazières (DVD - apparenté LR) et Charles de Courson (UDI), tous deux vice-présidents de la commission d'enquête, ont estimé dans un communiqué que "la majorité a redouté les conclusions de ce rapport".
Thomas Beurey / Projets publics
Alain Fauré : les collectivités devront réfléchir à l'utilité et à la dimension de leurs projets
Sur un ton "optimiste", Alain Fauré livre quelques-uns des enseignements qu'il tire des travaux de la commission d'enquête qu'il a présidée.
Si l'investissement local a bien diminué de 12% en 2014 pour les communes et leurs groupements, on ne peut mettre cette baisse sur le compte de la réduction des concours de l'Etat, assure le président de la commission d'enquête. Les incertitudes liées à la loi Notr et à sa mise en œuvre, de même que le fort renouvellement des équipes municipales et dans les EPCI, sont à prendre en compte.
En outre, pour Alain Fauré, on ne peut être totalement négatif sur les conséquences de la baisse des dotations sur les services publics et les investissements locaux. "Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, nous a fait l'aveu que la contrainte financière l'a obligé à regarder comment fonctionnent les services de la ville. En quelques mois, il est parvenu à une économie de 52 millions d'euros", raconte l'élu ariégeois. Il cite encore l'exemple d'une collectivité qui, en revisitant son projet de tramway, est parvenu à "un équipement plus utile et moins cher".
Pour Alain Fauré, les collectivités n'ont pas toujours eu le souci d'économiser les deniers publics. La faute à la "folie des grandeurs" de certains élus locaux. A l'avenir, il faudra donc selon lui s'interroger avant la réalisation d'un investissement. "Avant d'implanter une nouvelle zone d'activité économique, il faudra regarder si à 15 kilomètres de là, il n'existe pas une autre zone qui n'est pas encore remplie".
T.B.