Comment rendre les cars Macron plus vertueux ?
S'appuyant sur une étude dévoilée le 8 février, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) recommande d'instaurer une écotaxe pour que ces autocars paient leur coût d'infrastructure. Elle plaide aussi pour que ces services librement organisés (SLO) se cordonnent mieux avec le ferroviaire afin "de prendre des parts de marché à la voiture et non au train".
Le "Petit Poucet" du transport collectif devient-il grand ? En un peu moins de quatre ans depuis leur mise en service, les cars Macron ont vu leur trafic bondir. Beaucoup au début, plus raisonnablement maintenant. Selon une étude du cabinet Adetec dévoilée le 8 février à la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), sept opérateurs dont trois principaux se partagent le gâteau. Leurs autocars réalisent une centaine de millions de kilomètres par an. Desservent plus de 200 communes. Parcourent en moyenne 300 kilomètres (le chiffre est proche dans le secteur du covoiturage longue distance).
"Les données Arafer travaillées sont celles de 2016 et, quand elles sont disponibles, de 2017. Certes le taux d'occupation des cars s'améliore, leurs recettes aussi. Mais on reste très en-deça de la trajectoire prévue et du seuil de rentabilité", indique Bruno Cordier, l'auteur de cette étude. La recette moyenne par autocar au kilomètre franchit tout juste la barre du 1 euro. Si l'opacité règne sur le coût de revient par kilomètre, "il doit être d'un peu moins de 2 euros, la rentabilité est donc loin d'être atteinte et ne le sera certainement pas avant 2020 ou 2021", estime-t-il.
Un service librement aidé
Coeur de son étude : la quantification des aides apportées aux SLO, par catégorie et type de collectivité. Elle montre que ce secteur est plus perfusé qu'on ne pourrait le croire - de surcroît s'agissant "d'une offre purement commerciale qui fragilise un peu plus l'équilibre financer du rail", dixit la Fnaut - par des apports et avantages divers.
La régulation du marché, son suivi économique ont un coût pour la collectivité publique : en matière d'emploi, elle mobilise 2 millions d'euros par an pour rétribuer les agents concernés, essentiellement dans un service de l’Arafer. En y ajoutant l'usage des infrastructures routières, des gares routières et la perte de recettes pour les transports collectifs (évaluée à partir d'enquêtes Arafer), l'expert aboutit à un total de quelque 23 millions d'euros. Manquent toutefois des données complètes, surtout dans les gares routières s'acquittant de touchers de quai peu comptabilisés, "sauf dans certaines comme celle de Clermont-Ferrand, auprès de qui j'ai obtenu des chiffres", précise-t-il.
Un bilan en demi-teinte
On savait que les cars Macron concurrençaient surtout les trains sur longue distance - TGV et Intercités - et très peu les TER (voir notre article en novembre 2016). Mais selon l'étude Adetec, ces reports modaux depuis le train, notamment depuis les TER, tendent à augmenter en 2017. "Par conséquent, l'enjeu, c'est que ces cars gagnent des parts de marché sur la voiture et non sur le train. Ils l'ont fait en créant une clientèle captive sur des liaisons à succès comme celle reliant Grenoble à l'aéroport de Lyon", positive Bruno Cordier. Ombre au tableau : en se concentrant là où le potentiel est fort, les opérateurs ne s'aventurent pas dans une desserte plus fine des territoires et ne risquent donc pas pour l'heure de concurrencer la voiture.
La Fnaut en tire un bilan en demi-teinte : les cars Macron ont des bienfaits, ils ont permis de "combler des lacunes dans le système du transport collectif", de "facilité la mobilité" de certains comme les jeunes, seniors et ménages modestes, et "le transfert modal depuis la voiture et le covoiturage (44?% de la clientèle en 2016, 36?% en 2017) est positif sur le plan environnemental". Mais leurs inconvénients "sont notables eux aussi", nuance l'association, en rappelant qu'outre la concurrence menée au train, l'effet collatéral est "d'obliger SNCF?Mobilités à proposer des petits prix pour résister à cette concurrence".
Pour les rendre plus vertueux, la Fnaut suggère "que ces cars SLO paient leur coût d’infrastructure - usure des routes et usage des gares routières - à travers une écotaxe indexée sur le kilométrage parcouru (hors autoroutes concédées) et le nombre de touchers de quai". Enfin, "les dessertes par autocars SLO doivent être mieux intégrées dans les schémas de service public de transports et, en particulier, mieux coordonnées avec les dessertes ferroviaires".