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Evaluations - Comment mesurer l'efficacité des aides publiques aux entreprises ?

L'audit de modernisation des aides publiques présenté à Matignon en début d'année avait fait l'effet d'un pavé dans la mare aux subventions : 65 milliards d'euros dépensés chaque année, 4% du PIB, plus de 6.000 dispositifs recensés, redondances dans les aides et les organismes... Un empilement qui a fait naître le doute sur l'efficacité réelle de ces aides pour les entreprises et l'économie en général. Pour en savoir plus, le rapport préconisait une évaluation des principaux dispositifs. Quelques semaines plus tard, la Cour des comptes enfonçait le clou en publiant son rapport annuel 2006 dans lequel elle critiquait l'insuffisance des dispositifs de suivi des résultats. Mais pour Jean-Loup Arnaud, responsable de la deuxième section à la deuxième chambre de la Cour des comptes, l'exercice s'avère délicat à mettre en oeuvre. Intervenant mardi 12 juin lors d'un séminaire organisé par la Direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales (DCASPL), l'Institut de la gestion et du développement économique (IGPDE) et les Institutions et dynamiques historiques de l'économie (IDHE-Cachan) sur l'évaluation des politiques en faveur des PME, il a insisté sur la difficulté de trouver les bons indicateurs. "L'idée de comparer le taux de survie des entreprises aidées avec celles qui n'ont rien reçu n'a de sens que si l'on ne tient compte du même type d'entreprises", a-t-il expliqué. Dans son rapport, la Cour des comptes estime le montant des seules aides à la création, au développement et à la transmission des PME à environ 6 milliards d'euros répartis entre les aides fiscales et financières et les allègements de charges. Un enjeu de taille pour l'économie française : les 2,5 millions de petites et moyennes entreprises (PME) recensées en France emploient plus de 8 millions de salariés. En 2005, environ 225.000 PME ont été créées. Mais faute d'évaluation approfondie, il est impossible de connaître le poids réel de ces aides sur les créations d'entreprises et les emplois. "On peut faire des progrès sur les études d'impact préalables, l'intérêt des aides sera toujours sujet à discussion. C'est le problème de la causalité et de l'imputabilité de l'aide : on ne pourra jamais entièrement prouver ce lien car quantité de facteurs entrent en jeu comme la concurrence, la conjoncture internationale, etc.", a souligné Jean-Loup Arnaud.
Autre illustration de cette difficulté : les allègements de cotisations patronales sur les bas salaires. Pionnière dans ce domaine, "la France est aussi championne du monde", a fait remarquer Yannick L'Horty, professeur à l'université d'Evry, rappelant que depuis 1993, une douzaine de réformes se sont succédé. "Ces dispositifs marquent une rupture de tendance dans l'emploi non qualifié avec une augmentation significative du nombre de ces emplois depuis une dizaine d'années", a-t-il constaté. Mais peut-on y lire un lien de cause à effet ? Sans doute, mais encore faudrait-il analyser l'impact des autres dispositifs : prime pour l'emploi, contrats emploi solidarité, etc. D'ailleurs, sur la quinzaine d'études à s'être penchées sur la question, le nombre d'emplois non qualifiés créés par les allègements varie dans un rapport de 1 à 4,5 ! Quand bien même ce lien serait avéré, il reste à mettre en balance ces réultats avec leur coût réels. Or, en moyenne, le coût d'un emploi peu qualifié, créé ou sauvegardé par les mesures d'exonérations est de 20.000 euros par an, soit un montant proche du coût d'un emploi au Smic ! A l'heure des débats sur la TVA sociale et de la culture de résultats, les professionnels de l'évaluation ont de beaux jours devant eux.

Michel Tendil

 

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