Archives

Innovation - Comment améliorer le système d'enseignement supérieur et de recherche ?

Complexité, déséquilibres territoriaux, grogne des étudiants... le système d'enseignement supérieur et de recherche français est loin d'être satisfaisant. Face à ce constat, le Conseil économique et social propose plusieurs pistes : valoriser une organisation territoriale, mettre en place des stratégies régionales d'innovation, améliorer l'insertion professionnelle et l'accueil des étudiants.

Aborder l'enseignement supérieur et la recherche sous l'angle territorial, c'est l'objectif que s'est donné la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire du Conseil économique et social dans son projet d'avis "Aménagement du territoire, enseignement supérieur et recherche : entre proximité et excellence" qui sera présenté les 26 et 27 février en séance plénière.
Le rapport dresse un tableau assez négatif de l'enseignement supérieur et de la recherche en France. Premier constat : le système est devenu très complexe avec une dispersion excessive des sites d'enseignement. Pour près de 2.250.000 étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur, dont 1.400.000 à l'université, on dénombre une multitude de structures de taille très variable : 1.300 sections de techniciens supérieurs, 110 instituts universitaires de technologie, 190 classes préparatoires, près de 230 écoles d'ingénieurs, 82 universités et 3 universités technologiques. Au total, il existe près de 650 sites d'enseignement supérieur !
Autre constat : il existe des déséquilibres territoriaux importants. Quatre régions (Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes) se partagent ainsi environ 70% du potentiel de recherche et d'enseignement supérieur, dont 42% pour l'Ile-de-France, qui demeure la région la plus attractive pour les étudiants français et étrangers.
Les insatisfactions autour du système d'enseignement supérieur et de recherche sont nombreuses. Les entreprises regrettent de ne pas trouver les compétences dont elles ont besoin, les enseignants peinent à assumer toutes les tâches qui leur incombent et 40% des étudiants ne sont pas satisfaits de leurs études. "On est loin d'un système satisfaisant", déplore Jean-Pierre Duport, le rapporteur du projet d'avis.

Mettre en place des stratégies régionales d'innovation

Certaines réponses ont été apportées à travers la loi de programme pour la recherche d'avril 2006 qui a permis de dynamiser les partenariats, et plus récemment à travers la loi d'août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) qui a accru l'autonomie des universités et consacré la participation des acteurs économiques et des collectivités territoriales à la définition des politiques de formation. Mais le rapport considère qu'il faut aller plus loin "en renforçant davantage les synergies".
Il avance plusieurs propositions, parmi lesquelles un moratoire pour toute nouvelle université et implantation territoriale. "Il faut arrêter la pression à la création de nouveaux sites", a affirmé Jean-Pierre Duport, qui préconise de mettre en place une politique de qualification des sites et des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (Pres). Autre préconisation : la mise en oeuvre de stratégies régionales d'innovation. "Si la région doit rester le moteur de cette stratégie, l'ensemble des acteurs concernés doit être impliqué", explique Jean-Pierre Duport. Le rapport préconise ainsi de "revoir les conseils d'administration des universités à partir des nouvelles opportunités qu'offre la loi LRU" et de "renforcer le poids des partenaires économiques et sociaux ainsi que des collectivités territoriales dans les conseils d'administration, ou conseils d'orientation des Pres".
Il incite aussi les régions à mettre en place des schémas régionaux consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur, à l'image de celui qu'a élaboré la région Rhône-Alpes. Dès 2004, Roger Fougère, vice-président de la région Rhône-Alpes délégué à l'enseignement supérieur, a ainsi décidé de faire travailler ensemble les établissements d'enseignement supérieur, les services de la région, les entreprises et les autres collectivités. Il a réuni plusieurs centaines de personnes pour aboutir à un schéma régional organisé en quatre axes principaux partagés par tous les acteurs concernés. "Au lieu d'élaborer notre stratégie dans notre coin, nous avons décidé de co-écrire le texte", explique Lucette Dixon, directrice de l'enseignement supérieur de la région.

Créer dans chaque région un conseil scientifique et de la recherche

Le schéma pose notamment le principe de contrats pluriannuels conclus avec les établissements d'enseignement supérieur, les organismes de recherche rhône-alpins, les acteurs de la culture scientifique, technique et industrielle, et les collectivités territoriales. Objectif : réformer en profondeur les modalités de soutien de la région à ces deux secteurs et mettre en place une nouvelle politique de recherche et d'enseignement dans laquelle la région joue un rôle de "chef de file". Les premiers contrats ont été élaborés à titre expérimental en juillet 2005. En 2007, ils ont été progressivement généralisés à tous les établissements de Rhône-Alpes, soit une cinquantaine d'universités et de grandes écoles, pour une période de quatre ans.
Autres pistes envisagées par le rapport pour améliorer le système d'enseignement et de recherche de la France : créer dans chaque région un conseil scientifique et de la recherche réunissant chercheurs et professionnels de la valorisation placé auprès du préfet de région et du président du conseil régional ; favoriser l'insertion professionnelle ; organiser l'accueil des étudiants, enseignants et chercheurs. Des actions auxquelles les collectivités peuvent prendre part, notamment à travers des mesures financières incitatives.
Enfin, le projet d'avis s'intéresse à la question des financements. Pour les experts, l'Etat doit respecter ses engagements, soit une augmentation de 25% du budget de recherche et développement et de 50% de celui de l'enseignement supérieur d'ici 2012. Et chaque partenaire doit contribuer au budget en fonction de ses compétences. Pour les régions et les agglomérations, il s'agit principalement du financement des logements, des transports, des stages, de l'insertion professionnelle et de l'orientation. En revanche, le rapport se prononce contre une décentralisation de l'immobilier universitaire au niveau des régions, "sauf au cas par cas pour certaines antennes délocalisées".

 

Emilie Zapalski