Climat et Résilience : restauration collective, une louche d'obligations supplémentaires
Dans le cadre de l'examen du titre V "Se nourrir" du projet de loi Climat et Résilience, les députés ont adopté en séance publique ce 16 avril la généralisation du menu végétarien hebdomadaire dans la restauration scolaire, sans attendre la fin de l'expérimentation, et à nouveau amendé les modalités de la future expérimentation du menu végétarien quotidien – qui sera, lui, obligatoire dans les cantines de l'État et de ses établissements dès 2024. Ils ont encore renforcé les obligations en matière de qualité des produits – notamment via la prise en compte de nouveaux critères dans les marchés publics – et adopté de nouvelles dispositions visant les projets alimentaires territoriaux.
Déjà l'objet de vives discussions en commission spéciale, les dispositions relatives au titre "Se nourrir" du projet de loi Climat & Résilience (voir notre dossier) ont à nouveau été à l'origine d'un débat, si ce n'est saignant, parfois relevé en séance publique à l'Assemblée.
Généralisation du menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires
En tête de gondole, et des critiques, figure le lancement d'une – nouvelle – expérimentation, par les collectivités volontaires, visant l'introduction d'un menu végétarien quotidien dans les cantines scolaires (art. 59), et ce sans attendre les résultats de l'expérimentation, obligatoire et encore en cours, d'un menu végétarien hebdomadaire, introduite par la loi Égalim. "Expérimentation sur expérimentation" ne vaut, arguait en substance un certain nombre d'élus locaux (d'autres dénonçant, par exemple, comme André Chassaigne, non sans être contesté, l'absence de lien avec le texte, "dont l’objet porte sur le gaz carbonique renvoyé dans l’atmosphère").
En séance publique, les députés ont tranché la question, mais pas dans le sens attendu : sans attendre son terme, fixé en octobre prochain, ils ont effet généralisé "l'expérimentation Égalim". Aux termes du texte adopté, "les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer, au moins une fois par semaine, un menu végétarien". L'amendement initial des députés LREM visait même à étendre cette obligation à la restauration collective universitaire et de l'administration publique.
Expérimentation du menu végétarien quotidien précisée
Les députés ont par ailleurs à nouveau – en sus des ajouts déjà opérés par la commission – précisé les modalités de l'expérimentation du menu quotidien.
• Ainsi, une concertation entre les collectivités territoriales, leurs groupements et le représentant de l’État dans la région devra être organisée pendant la durée de l’expérimentation afin de veiller à sa mise en œuvre. Feront l'objet d'une communication à cette occasion les outils d’aide "à la décision, à la structuration des filières d’approvisionnement sur leur territoire, à la formulation des marchés publics et à la formation des personnels concernés, nécessaires à la proposition quotidienne d’un menu végétarien" prévus par ailleurs par le texte.
• L'évaluation de l'expérimentation devra en outre désormais porter sur "son application territoriale", afin, selon les auteurs de l'amendement, de "savoir quels sont les territoires en difficulté ou ayant des réticences". Et les collectivités volontaires devront faire "connaître au représentant de l’État dans le département leur engagement dans l’expérimentation afin d'en faciliter l'évaluation". Une dernière disposition issue d'un amendement de Patricia Lemoine, reprenant une proposition de l'AdCF, qui visait initialement non seulement à "recenser" les expérimentations, mais aussi à "tenir compte des objectifs poursuivis par les collectivités expérimentatrices". Une dimension qui a donc finalement été supprimée par un sous-amendement dit de "clarification" (sic) de Célia de Lavergne, rapporteure de la commission spéciale de cette partie du projet de loi.
• Devra également être évalué l'impact de l'expérimentation sur l’évolution de l’approvisionnement des établissements concernés en produits de qualité bénéficiant de signes ou de mentions prévus à l’article L. 230-5-1 du code rural (écolabel, label rouge, etc.).
Formation revisitée
Les députés LREM ont également introduit un amendement précisant la portée de l’obligation de formation introduite par la commission spéciale, aux termes duquel les opérateurs de restauration collective, publique et privée, "mettent en œuvre l’ensemble des moyens nécessaires pour garantir la qualité et l’équilibre nutritionnel des repas et l’atteinte des objectifs prévus au présent chapitre, y compris par la formation de leur personnel. Ces formations concernent notamment la diversification des protéines dans les menus, la lutte contre le gaspillage alimentaire, les approvisionnements durables et de qualité et la substitution du plastique".
Une formation revue de manière plus large encore, puisqu'un nouvel article 59 bis A dispose par ailleurs qu'au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi, les formations continues et initiales relatives à la cuisine intègrent dans leurs référentiels des modules sur les bénéfices en matière de santé et d’environnement de la diversification des sources de protéines en alimentation humaine. L'amendement initial visait même "la cuisson des céréales, légumes et légumineuses et la cuisson basse température des viandes", élément supprimé au motif que "les modes de cuisson des aliments ne relèvent pas du domaine législatif".
A noter qu'a également été supprimée la mention, introduite par la commission spéciale, du respect, par les gestionnaires de services de restauration scolaire et universitaire et d'établissements accueillant des enfants de moins de six ans, de santé, sociaux et médico-sociaux et pénitentiaires de de règles prévoyant "la nécessité d'une diversité alimentaire", la notion étant "sujette à interprétation et n'a pas de valeur juridique précise", estime Célia de Lavergne.
Menu végétarien quotidien obligatoire pour l'État à partir de 2024
Par ailleurs, "l'État se devant d'être exemplaire", les députés ont introduit l'obligation, au plus tard le 1er janvier 2024, pour les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration collective de l’État, de ses établissements publics et des entreprises publiques nationales de proposer, quotidiennement, le choix d’un menu végétarien dès lors qu’ils proposent habituellement un choix multiple de menus.
Effets de la solution de réservation de repas (art. 59 quater)
S'agissant de l'expérimentation d'une solution de réservation de repas introduite par la commission, les députés ont seulement ajouté au rapport d'évaluation prévu un suivi de l'évolution des taux de fréquentation, afin de vérifier que le dispositif ne crée pas d'effet pervers sur cette dernière.
Qualité alimentaire : de nouvelles obligations (art. 60)
Comme en commission, les députés ont à nouveau modifié le contenu de l'article L. 230-5-1 du code rural créé par la loi Egalim, disposant que les repas servis par la restauration collective publique comprennent à partir de 2022 (et, désormais, à compter de 2024 pour ceux de la restauration collective privée), en valeur, au moins 50% de produits durables ou sous signe de qualité, avec un minimum de 20% de produits bio :
- un amendement du groupe socialiste avance, de 2030 à 2027, la date à laquelle les produits issus de la certification environnementale devront obligatoirement être labellisés "Haute valeur environnementale" pour pouvoir figurer dans la liste des 50% de produits de qualité servis en restauration collective ;
- un amendement du groupe LREM, rectifié, introduit une obligation supplémentaire : à compter du 1er janvier 2024, les viandes bovines, porcines, ovines et de volaille et les produits de la pêche devront représenter une part au moins égale, en valeur, à 60% des viandes bovines, porcines, ovines et de volaille et des produits de la pêche servis.
En outre, l'obligation pesant sur les personnes chargées de ces restaurants collectifs d'informer leurs usagers de la part des produits "de qualité" entrant dans la composition des repas servis et des démarches qu'elles ont entreprises pour développer l'acquisition de produits issus du commerce équitable est revue. Cette information devra désormais être faite à l'entrée du restaurant par un affichage permanent, actualisé au moins une fois par an et lisible par tous les usagers, et au moins une fois par an également par communication électronique.
Aux termes d'un autre amendement des députés LREM, les personnes morales de droit public chargées de ces services de restauration collective "prennent en compte les conditions de fraîcheur, la nécessité de respecter la saisonnalité et le niveau de transformation attendu des produits […] lorsqu’elles déterminent la nature et l’étendue du besoin à satisfaire dans le cadre d’un marché public de fournitures ou de services de produits agricoles et de denrées alimentaires".
Chèque alimentation durable (art. 60 bis)
Les députés ont légèrement amendé le contenu du rapport, introduit en commission spéciale, que devra remettre au Parlement le gouvernement sur les conditions de la mise en œuvre du "chèque alimentation durable", en précisant qu'il devra également se prononcer sur la durée de ce dispositif.
Soutien à l'agroécologie et certification "Haute valeur environnementale" pour les PAT (art. 61 et 61 bis nouveau)
Alors que l'article 61 du projet de loi vise "à ajouter une dimension climatique au plan national de l’alimentation et de la nutrition", qui regroupe à la fois le programme national de l’alimentation et le programme national nutrition santé, a également été adopté un amendement de Frédérique Tuffnell et Yolaine de Courson disposant que les projets alimentaires territoriaux, "dont on dit qu’ils incarnent les actions du programme national pour l’alimentation", visent également à développer "l’agroécologie sur les territoires pour favoriser des approvisionnements en alimentation saine, durable et accessible".
En outre, toujours s'agissant des projets alimentaires territoriaux, a été introduit par amendement de Célia de Lavergne un article 61 bis nouveau disposant que le porteur du projet – "souvent une collectivité territoriale" a souligné la députée – "peut engager une démarche collective de certification environnementale prévue à l’article L. 611-6 [du code rural] pour l’ensemble des exploitations agricoles contractantes". "L'idée est qu'en construisant son PAT la collectivité mette tout en œuvre pour accompagner ses agriculteurs vers un mode de production particulièrement respectueux de l'environnement et in fine, éligible à la liste des produits durables et de qualité servis en restauration collective", précise l'élue. Dans un premier temps, la collectivité "porterait la certification de l’ensemble des exploitations agricoles, les accompagnerait tout au long du cycle de certification en réalisant les démarches administratives, les audits internes et en les accompagnant lors de l’audit externe réalisé par l'organisme certificateur". Dans un second temps, "les gestionnaires de services de restauration collective publique et privée verront la quantité d'approvisionnements durables et de qualité ainsi certifiés augmenter, facilitant d'autant plus leur capacité à répondre aux objectifs chiffrés prévus par la loi".