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Climat et Résilience : la commission spéciale de l’Assemblée renforce la palette d’outils pour freiner l'artificialisation des sols

La commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi Climat et Résilience a adopté, dans la soirée du 17 mars, l’autre volet très attendu du titre IV "Se loger" consacré à la lutte contre l'artificialisation des sols. Parmi les avancées, le passage en commission aura permis d’adjoindre une dimension contractuelle pour permettre aux collectivités et à l’État d’organiser la déclinaison locale de l’objectif de réduction du rythme d’artificialisation.

La commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi Climat et Résilience, a adopté, dans la soirée du 17 mars, l’autre volet très attendu du titre IV "Se loger" consacré à la lutte contre l'artificialisation des sols. Avec comme objectif de diviser par deux le rythme d’artificialisation sur la décennie à venir par rapport à la consommation des sols observée ces dernières années, le texte comporte de nombreuses mesures d'adaptation des règles d'urbanisme ainsi que des dispositions pour la protection des écosystèmes (nous reviendrons dans une prochaine édition sur le sujet spécifique de l’adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte). Une douzaine d’articles qui concernent de près les collectivités locales et sur lesquels il faut éviter les "incompréhensions", insiste Jean-René Cazeneuve (LREM), le rapporteur général du projet de loi, dans un entretien à l’AFP. Le député du Gers, qui est également président de la délégation aux collectivités territoriales, le sait bien, sur ce sujet "le plus technique et le plus impactant", le texte marche sur des oeufs. "La manière dont va se répartir cet effort entre collectivités, c'est un sujet de démocratie", estime-t-il, convaincu qu’il "faut expliquer la philosophie du texte face aux incompréhensions ou aux peurs". Soulignant leur caractère "à la fois peu opérant et peu réaliste", l'ADCF-Intercommunalités de France craint en particulier que ces mesures ne donnent une "prime" aux territoires les plus consommateurs de foncier au cours de la dernière décennie (lire notre article du 10 mars 2021). Parmi les avancées, le passage en commission aura permis d’adjoindre la dimension contractuelle souhaitée par l’association d’élus pour permettre aux collectivités et à l’État d’organiser la déclinaison locale de l’objectif de réduction du rythme d’artificialisation. 

 

En adaptant les règles d’urbanisme (chapitre III-articles 47 à 55)

Dispositions de programmation et notion d’artificialisation (articles 47 et 48)

En dépit d’une véritable nuée d’amendements, un seul a été retenu - celui du député Modem Jean-Luc Lagleize - sur l’engagement programmatique pour aboutir à l’objectif "zéro artificialisation nette" (ZAN). Il s’agit "d’atteindre" et non "de tendre vers" l’objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols, précise-t-il, et ce en "2050", ajoute un sous-amendement du rapporteur du titre Lionel Causse (LREM, Landes), saluant cet "objectif ambitieux et réaliste". "Un horizon lointain", a réagi la députée Delphine Batho (non inscrite), malgré le cap intermédiaire visant à diviser par deux le rythme d’artificialisation au cours des dix prochaines années par rapport à la décennie précédente. Les amendements proposant notamment de contracter dans le temps ces objectifs ou à l’inverse de ramener à un quart ou un cinquième la part de la réduction projetée ont tous été rejetés. De même ceux (issus de différents groupes : LR, Libertés et territoires, Modem, LREM) proposant de remplacer la notion "d’absence de toute artificialisation nette des sols" par celle "de sobriété foncière" "juridiquement et techniquement plus claire". 

À l’article 48, qui introduit une définition du phénomène d’artificialisation et intègre cet enjeu au sein des objectifs généraux de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme, tout au plus quelques amendements rédactionnels sont à relever. Toutes les tentatives pour cerner davantage la notion ont là encore été repoussées, suspendant la nomenclature des sols artificialisés en fonction de leur occupation et de leur usage au décret à venir. 

 

Déclinaison des objectifs dans la planification régionale (article 49)

Cette trajectoire avec un objectif chiffré de réduire d’au minimum de moitié l’artificialisation sur dix ans s’intégrera au niveau des documents de planification régionale, en particulier du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), avant d’être ensuite déclinée, aux niveaux intercommunal et communal, dans les documents infrarégionaux (schémas de cohérence territoriale - Scot, plans locaux d’urbanisme intercommunaux – PLUi ou carte communale et documents en tenant lieu), par lien de compatibilité. La nouvelle définition de l’artificialisation des sols introduite dans le code de l’urbanisme nécessite donc une appropriation par les acteurs et la mise en place d’outils d’observation ad hoc. D’ici là, le rapporteur propose de conserver la fixation d’une trajectoire pour parvenir à l’absence d’artificialisation nette des sols, mais d'imposer comme premier jalon un objectif chiffré de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) pour les dix prochaines années par rapport à la consommation des dix années passées. Un amendement du député Alain Perea (LREM-Aude), sous-amendé par le rapporteur, permet de garantir que les règles générales en matière d’artificialisation des sols seront territorialisées. Il reviendra à chaque Région d’organiser cette territorialisation dans le cadre d’une concertation avec les territoires, selon les modalités qu’elle jugera les plus pertinentes. À ce titre, la conférence territoriale de l’action publique (CTAP), qui est d’ailleurs saisie dans le cadre de la procédure d’élaboration ou de révision des Sraddet, offre par exemple la possibilité de créer des commissions thématiques. Cela suppose de sortir du format "grands messes" que peuvent parfois prendre les réunions plénières des CTAP, souligne la députée Sandra Marsaud (LREM), qui propose (dans un nouvel article après l’article 49) la création d’une commission thématique dédiée au foncier et à la lutte contre l’artificialisation des sols, déclinaison à l’échelon départemental, intégrant dans la liste des membres des présidents des syndicats mixtes pilotant les Scot

Le texte, via un autre amendement du rapporteur, renvoie toutefois la patate chaude à un décret en Conseil d’Etat de façon à assurer une déclinaison dans les différentes parties du territoire régional des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, intégrés dans les règles générales du Sraddet, et tenant compte de la réduction de la consommation de ces espaces déjà réalisée dans les différentes parties du territoire régional. La consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers étant entendue comme "la création ou l’extension effective d'espaces urbanisés sur le territoire concerné", précise le texte. 

Le rapporteur propose par ailleurs une adaptation des délais imposés pour l’évolution des documents de planification et d’urbanisme, et ce aux différents échelons concernés. Six mois supplémentaires sont ainsi accordés aux schémas régionaux pour intégrer les objectifs de la loi. Afin de mieux s’intégrer dans leur calendrier de mise en œuvre, les documents de rang inférieurs seront mis en compatibilité dès leur première révision, au moment de leur bilan, et au plus tard, dans un délai de cinq ou six ans suivant l’adoption du schéma régional intégrant les objectifs de la loi, ou à défaut, deux ans après l’entrée en vigueur de la présente loi, si le document régional n’a pas été modifié dans le délai imparti. Cet amendement permet également à la collectivité d’engager la procédure d’évolution de son document d’urbanisme selon la procédure de la modification simplifiée, plus rapide, sans fermer la possibilité de recourir à la procédure de révision. Il précise aussi les conditions dans lesquelles les dispositions de l’article 49 seront applicables aux documents dont la procédure d’élaboration ou de révision aura été initiée avant la promulgation de la loi. 

En matière de planification et d’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols, il existe une palette très large de documents et de situations locales, que la députée Sandra Marsaud (LREM, Charente) souhaite valoriser pour encourager les bonnes pratiques. Selon elle, 74% des Scot ont fixé des objectifs de réduction du foncier supérieur à 35%, 58% des Scot ont fixé des objectifs de réduction du foncier supérieur à 50%, 37% ont fixé déjà une réduction de plus de 50% d’ici 2030 et 63% ont fixé cette diminution de 50% avec un objectif de temps compris entre 2031 et 2040. Ainsi, si le Sraddet n’a pas intégré la trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols, les documents qui auront déjà prévu des trajectoires adaptées à leur territoire ne seront pas soumis de façon directe à un objectif de réduction de 50%.

Et ce sous réserve que les objectifs de réduction des espaces naturels, agricoles et forestiers pris en compte aient un horizon au plus tard identique à celui de la loi, en cohérence avec l’objectif national à dix ans, précise un sous-amendement du rapporteur. 

Autre enjeu porté par la députée Frédérique Tuffnell (Modem, Charente-Maritime) et ses collègues celui de l’imperméabilisation des sols. Leur amendement permet aux élus de mieux intégrer les enjeux liés au grand cycle de l’eau dans les documents d’urbanisme en rappelant que les PLU peuvent définir des règles visant à encadrer ou compenser toute nouvelle imperméabilisation, ainsi qu’à inciter à la désimperméabilisation des sols, sans pour autant mettre en difficulté le secteur de la construction.

Un amendement défendu par Thibault Bazin (LR-Meurthe-et-Moselle) propose de prendre en compte le desserrement des ménages parmi les conditions subordonnant l’ouverture de nouveaux secteurs à urbaniser dans le document d’orientation et d’objectifs du Scot. Pour rappel, le projet de loi impose aux collectivités souhaitant ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation de démontrer l’impossibilité de réaliser le projet dans l’enveloppe urbaine existante, en particulier de friches. Des dispositions qui ont déclenché l’ire de l’Union nationale des aménageurs (Unam), et "qui, faute de pragmatisme, fragiliseront les territoires et donneront lieu une crise immobilière majeure", selon elle. Pour son président, François Rieussec, qui s’est exprimé ce 16 mars par la voie d’un communiqué, en l’état le texte promet "une flambée généralisée des prix de l’immobilier", "un blocage du marché immobilier qui freinera la relance et ne permettra pas de répondre aux besoins de logements" ainsi qu’une "pression exercée sur les élus et les mécanismes de contrôle des documents d’urbanisme qui risque de paralyser la chaîne de planification". D’autant que le surcoût lié à la récupération des friches "obérera la capacité des opérateurs à produire du logement abordable", estime-t-il. Les amendements de suppression de cette portion du texte défendus par des députés des différents groupes (LR, LREM, Modem et Libertés et territoires) ont toutefois été repoussés en commission. La mesure déroute y compris dans les rangs de la majorité. Le député Alain Perea (LREM, Aude) regrette "cette impréparation malgré un temps d’élaboration au sein du Ministère relativement long", sujet d’inquiétude des acteurs locaux, tant publics que privés, sur "la soutenabilité économique de ce modèle" engendré par l’objectif de la ZAN. Aussi, afin de permettre au législateur d’inscrire dans le prochain projet de loi de finances, une réforme de la fiscalité de l’urbanisme, des outils de maîtrise foncière et d’aménagement à la disposition des collectivités, il est demandé au gouvernement de remettre un rapport dans les six mois suivant la loi

 

Renforcement de l’observation foncière (article additionnel après l’article 49)

L'objectif est de capitaliser sur les dispositifs d’observation foncière et de l’habitat des programmes locaux de l’habitat (PLH). Des observatoires de l’habitat et du foncier seront ainsi mis en place au plus tard deux ans après que le PLH ait été rendu exécutoire. Leur mission est d’identifier les gisements fonciers pouvant faire l’objet d’une intensification urbaine, par exemple en s’appuyant sur un recensement des friches constructibles, des espaces de densification potentielle ou surfaces réalisables en surélévation. Il est aussi proposé que ces observatoires identifient les espaces de nature en ville, les surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables ainsi que les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques (trames vertes et bleues). Ce nouvel article défendu par le rapporteure ajoute par ailleurs la contribution des agences d’urbanisme aux observatoires de l’habitat et du foncier et modifie la référence pour l’appui des établissements publics fonciers (EPF) de l’État et locaux, et l’intégration des observatoires locaux des loyers. 

 

Encourager la mise en place de programmes locaux de l’habitat (articles additionnels après l’article 49)

La députée Sandra Marsaud (LREM) a défendu une série d’amendements "encourageant très fortement" la mise en place de programmes locaux d’habitat (PLH) afin d’outiller les collectivités pour atteindre des objectifs ambitieux en matière de sobriété foncière. Le texte affirme le caractère obligatoire du PLH pour les communautés de communes compétentes en matière d’habitat (il s’agit pour rappel d’une compétence optionnelle) de plus de 30.000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10.000 habitants, les communautés d’agglomération, les métropoles et les communautés urbaines et incite les autres collectivités pour lesquelles il a un caractère facultatif à passer à l’acte. 

 

Contrats de sobriété foncière (nouvel article après l’article 49)

Pour contribuer à l’objectif de sobriété foncière, les collectivités en charge de l’urbanisme et de l’aménagement pourront également définir entre elles et avec l’État des contrats de sobriété foncière. "Le levier des documents d’urbanisme est nécessaire mais n’est pas suffisant", estime le député Guillaume Gouffier-Cha (LREM, Val-de-Marne) à l’origine de l’amendement, fruit des échanges avec la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau). Ces contrats de sobriété foncière auront vocation à s’inscrire dans des contractualisations existantes notamment comme un volet des contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Avec pour objet "la mise en œuvre du projet global de territoire et du programme d’action porté par les collectivités pour lutter contre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et contre l’artificialisation des sols, pour favoriser le recyclage urbain, et pour mettre en œuvre la trame verte et bleue, les continuités écologiques et la nature en ville". Ils ouvriront également à une priorité d’accès aux fonds (notamment à l’intervention des EPF, à l’accès au fonds friches…) ou à des mesures de défiscalisation. Une approche qui a l’avantage de conjuguer "planification et action opérationnelle, approche quantitative et qualitative, coercitive et incitative". Ce nouveau dispositif contractuel s’inscrit dans une démarche d’ensemble, insiste le rapporteur dans un sous-amendement. S’ils définissent le projet global et la trajectoire de sobriété foncière du territoire concerné, ils ne pourront se substituer à la prise en compte des objectifs chiffrés de réduction de la consommation foncière prévus par les documents de planification et d’urbanisme en application de l’article 49 du projet de loi. 

 

Rapport annuel du bloc local (article 50)

Afin de pouvoir assurer la mise en œuvre et le suivi des actions que les collectivités se fixeront pour atteindre les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols, le texte prévoit la production d’un rapport annuel par chaque commune ou intercommunalité, donnant lieu à un débat devant l’assemblée délibérante. "Cette obligation pourrait présenter des lourdeurs pour les collectivités, qui ne sont pas toujours suffisamment outillées pour y veiller dans de bonnes conditions", reconnaît le rapporteur. Aussi, un amendement prévoit que le rapport est présenté "au moins une fois tous les deux ans, pour les communes de moins de 3.500 habitants", et une fois par an, pour les communes et EPCI de plus de 3.500 habitants

Le texte précise également que les structures intercommunales visées sont bien les intercos à fiscalité propre, au terme d’un amendement défendu par la députée Patricia Lemoine (Agir ensemble) sur proposition de l’ADCF. Il s’agit toutefois de ne pas exclure certains EPCI qui n’ont pas la fiscalité propre et qui ont pourtant vocation à élaborer ce rapport, comme les établissements publics territoriaux de la Métropole du Grand Paris, nuance un sous-amendement du rapporteur. Une série d’amendements identiques LR, Modem, LREM prévoit également d’ajouter aux destinataires de ce rapport le président de l’établissement public porteur du Scot qui assure, tous les 6 ans, le bilan foncier du territoire. 

Un nouvel article (après l’article 50) prévoit par ailleurs que le gouvernement remettra, à la fin de la présente période décennale (au plus tard le 31 décembre 2030), un rapport sur la mise en oeuvre de la stratégie de lutte contre l’artificialisation. Ce rapport aura deux fonctions principales, explique le rapporteur. Tout d’abord, évaluer le bilan des dispositions adoptées dans la présente loi, et donc les outils dont disposent les collectivités pour mener à bien leurs missions et rendre compte de la façon dont les régions ont territorialisé les objectifs. Et également préparer la décennie suivante, en l'analysant dans le contexte de l'horizon ZAN à 2050. De ce fait, le rapport précise la trajectoire à adopter pour la décennie 2031-2040, en veillant à assurer une transition entre le calcul en termes de sols consommés et le calcul en termes de sols artificialisés. 

 

Optimisation de la densité des constructions (nouvel article après l’article 51)

À l’instar de l’article 51 du projet de loi pour les grandes opérations d’urbanisme (GOU), un amendement de la députée Valérie Petit (Nord, Agir ensemble) prévoit que la réalisation des opérations de revitalisation du territoire (ORT) soit vertueuse en matière de consommation foncière. Ainsi, la convention délimitant le périmètre des secteurs d’intervention et précisant les conditions de mise en œuvre de l’ORT, doit fixer un seuil minimal de densité, éventuellement décliné par secteurs. L’amendement vise également à intégrer cet enjeu dans le cadre des actions ou opérations d’aménagement soumises à évaluation environnementale, par la réalisation d’une étude préalable sur le potentiel de densification de la zone ou du périmètre concerné. Les conclusions en résultant devront être intégrées à l’étude d’impact du projet.

 

Interdiction de nouvelles surfaces commerciales artificialisantes (article 52)

La commission a adopté le principe général d’interdiction de création de nouvelles grandes surfaces commerciales qui engendreraient l’artificialisation des sols, assorti toutefois de dérogations au cas par cas pour les projets inférieurs à 10.000 m2 de surface de vente, jugées bien trop larges par de nombreux élus. En plus d’une série de conditions (l’insertion en proximité avec le tissu urbain existant, un type d’urbanisation adéquat, la réponse aux besoins du territoire), quatre critères, alternatifs et non cumulatifs, seront utilisés pour apprécier l’opportunité du projet : l'insertion dans un secteur d'opération de revitalisation du territoire (ORT) ou de quartier prioritaire (QPV) ; l’insertion dans un projet d'aménagement qui se situe au sein d'un espace déjà urbanisé ; la compensation de l'artificialisation par transformation du sol artificialisé en sol non artificialisé ; et enfin, l’insertion dans un secteur d'implantation périphérique ou une centralité urbaine établis par le Scot ou dans une zone d'activité commerciale établie par le PLUi avant l'entrée en vigueur du projet de loi.

Plusieurs députés, y compris dans la majorité, ont réclamé en vain un seuil à 5.000 m2 ou plus bas. L’écologiste Matthieu Orphelin en a déduit que "cet article ne va quasi rien changer". Loïc Prud'homme (LFI) a relevé pour enfoncer le clou que "ce sont 80% des projets de surfaces commerciales qui se situent au-dessous de ce seuil" de 10.000 m2. Au centre-droit, Thierry Benoît (UDI) a demandé "un vrai moratoire", estimant qu'en la matière "on ne peut pas continuer comme on le fait depuis 50 ans" avec des zones commerciales s'étendant de plus en plus à la sortie des villes. Tandis que le rapporteur général, Jean-René Cazeneuve a plaidé le pragmatisme, reconnaissant que "cet article ne fait peut-être pas tout le job pour certains, mais c'est un progrès". Abaisser le seuil risquerait, selon lui, de provoquer une multiplication dans le paysage périurbain de "petites boîtes à chaussures", des centres commerciaux plus réduits au détriment de projets plus grands mais "plus cohérents". D’autres élus comme Julien Aubert (LR) ont demandé que les parkings de ces centres, pas seulement les bâtiments, soient pris en compte. Le rapporteur Lionel Causse s'est d’ailleurs dit prêt à travailler sur ce sujet pour l'examen en séance plénière.

 

Évolutions du document d’aménagement artisanal et commercial (nouvel article après l’article 52)

Le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC), partie composante obligatoire du document d’orientation et d’objectifs du Scot, devient le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL). Ce changement de nom s’accompagne d’un nouveau contenu pour "renforcer la capacité des collectivités territoriales à planifier le développement de l’implantation des entrepôts logistiques à vocation commerciale", explique le rapporteur. Il devra obligatoirement comporter une analyse de l’implantation des constructions logistiques commerciales en fonction de leur surface, de leur impact sur les équilibres territoriaux, notamment au regard du développement du commerce de proximité ou des flux engendrés par la présence des entrepôts en matière de personnes et de marchandises.

 

Inventaire des zones d’activités économiques (article 53)

L’inventaire proposé par cet article doit permettre aux intercommunalités, compétentes en matière de développement économique, de disposer d’un outil d’observation détaillé de l’occupation des zones d’activités économiques (ZAE) et d’identifier ainsi les secteurs de sous-occupation propices à des opérations de remembrement foncier, de réhabilitation et de densification. Le député Thibault Bazin (LR) a défendu une certaine "progressivité dans la démarche" qui suppose de mener un travail de recensement et d’enquête "extrêmement important" pas nécessairement à la portée de tous les territoires dans un délai d’un an. Il proposait cinq ans, mais un sous-amendement du rapporteur ramène finalement à deux ans le délai total ouvert pour adopter l’inventaire

 

Définition des friches industrielles (nouvel article après l’article 53)

On entend par friche : "tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable". Cette définition est introduite au sein du code de l’urbanisme - dans un nouvel article L111-26 - à l’initiative de la députée Stéphanie Kerbarh (LREM), co-rapporteure de la mission d’information commune relatif à la revalorisation des friches industrielles.

 

Étude de réversibilité (article 54)

Lors de la conception d’un projet ou avant la démolition d’un bâtiment nécessitant un diagnostic déchets, le maître d’ouvrage devra réaliser une étude de potentiel de changement de destination du bâtiment. Pour la démolition, le député Jean-Luc Lagleize (Modem) propose d’y inclure le potentiel de surélévation du bâtiment

Un article additionnel porté par la députée Stéphanie Kerbarh permet par ailleurs d’intègrer au futur livre Ier du code la construction et de l’habitation les dispositions introduites par la loi Agec, et plus spécifiquement les mesures concernant le diagnostic de gestion des produits, matériaux et déchets de certains travaux du bâtiment. 

 

Renvoi à ordonnance (article 55)

L’habilitation à légiférer par ordonnance prévue par cet article permettra notamment d’étendre les possibilités de dérogation au PLU pour les projets sobres en foncier, "dont ceux relatifs à la surélévation des bâtiments". Un ajout porté là encore par le député Jean-Luc Lagleize. 

 

Pour la protection des écosystèmes (chapitre IV-articles 56 et 57) 

Stratégie nationale des aires protégées (article 56 et articles additionnels)

Un amendement de députés LREM, sous-amendé par le rapporteur, complète le texte pour indiquer que le réseau d’aires protégées vise également "la mise sous protection forte de 10% de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française". Il précise que la stratégie nationale pour les aires protégées concerne aussi bien la métropole, les outre-mer, la terre et la mer

Le texte introduit également un nouvel article (après l’article 56) pour réguler l’hyperfréquentation en dotant le maire - ou le préfet lorsque la mesure excède le territoire d’une seule commune, après avis des maires des communes concernées - de nouveaux moyens d’action. L’accès des personnes, des véhicules et des animaux aux aires protégées pourra être réglementé ou interdit, par arrêté motivé, dès lors que cet accès est de nature à compromettre, soit leur protection ou leur mise en valeur à des fins écologiques, agricoles, forestières, esthétiques, paysagères, ou touristiques, soit la protection des espèces animales ou végétales.

Pour répondre aux difficultés des parcs naturels régionaux (PNR) dont le processus de renouvellement de classement a été "freiné par la situation sanitaire", le gouvernement propose par ailleurs une prorogation de six mois du classement, limitée aux parcs les plus touchés c’est-à-dire arrivant à échéance avant le 31 décembre 2022. La Fédération des parcs naturels régionaux proposait une prorogation de 18 mois du classement de tous les PNR arrivant à échéance avec le 31 décembre 2025. 

 

Droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (article 57) 

Pour rappel, le texte redonne - au sein d’un nouvel article L. 215-4-1 du code de l’urbanisme - aux titulaires du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles la capacité d’exercer ce droit dans les zones créées par les préfets avant 1986 (c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d'aménagement instituant les espaces naturels sensibles). 

Le député Jimmy Pahun (Modem, Morbihan) propose également de faire bénéficier le titulaire du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles d’un droit de visite des biens.

 

Préservation des chemins ruraux (articles additionnels après l’article 57)

Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal. Des amendements identiques LR et Agir ensemble prévoient d’inscrire à l’article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime que cette désaffectation préalable "ne peut résulter que d’une cause naturelle et spontanée consécutive à un désintérêt durable du public". Concrètement, cela revient à interdire la désaffectation par "décision administrative" d’un chemin encore utilisé, même irrégulièrement, par le public. L’amendement du marcheur Pierre Venteau ouvre quant à lui la voie à l’échange de parcelles pour permettre aux communes de garantir la continuité du chemin rural.

 

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