Clientélisme associatif : un phénomène marginal, selon l'Injep

L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire a étudié pendant plusieurs années les relations entre une ville - en l'occurrence Roubaix - et ses associations. Verdict : le clientélisme y est marginal et les variations dans le financement associatif s'appuient souvent sur des raisons techniques.

Les pratiques clientélistes entre une municipalité et ses associations existent mais revêtent un caractère marginal. C'est ce dont témoigne une enquête de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) publiée début mai. Cette enquête qualitative inédite est par ailleurs originale car localisée sur une seule commune : Roubaix, dans le Nord, "reconnue comme faisant l'objet d'une dynamique associative importante depuis une quarantaine d'années du fait de son ciblage ancien par la politique de la ville, ce qui la rend particulièrement intéressante à étudier".

Dans un contexte français où le monde associatif est "structuré par les pouvoirs publics", les auteurs ont cherché "une première objectivation scientifique des raisons, voire des rationalités, du financement public de la vie associative en France". Et alors que la relation entre associations et pouvoirs publics "fait l'objet de nombreux fantasmes", peu de travaux scientifiques lui sont consacrés. La première conclusion de l'enquête explique en partie ce constat : si "un nombre croissant de collectivités mettent en ligne certaines données budgétaires relatives au financement des associations […], il demeure difficile d'accéder à ces données financières, censément publiques." Pour l'Injep, "il serait d'utilité publique de faciliter l'accès aux données de financement des associations".

La stabilité pour règle

L'enquête s'appuie sur l'ensemble des financements associatifs octroyés par la ville de Roubaix depuis 2008 ainsi que sur des entretiens avec les acteurs locaux. Une longue période qui permet notamment d'étudier les effets de l'alternance politique consécutive aux élections municipales de 2014. À partir de ces données, l'étude affirme que pour la moitié des associations, la règle est la stabilité, la reconduction des financements octroyés par le passé, ou des évolutions marginales. "Cette stabilité, en dépit des alternances politiques, semble indiquer que, dans ces cas, les financements ne relèvent pas d'une rationalité proprement politique ou électorale", soulignent les auteurs.

Pour l'autre moitié des associations, au contraire, "la norme semble être l'instabilité et la variabilité des financements". Ainsi, sur les quelque 350 associations qui touchent plus de 10.000 euros de subvention, près d'une cinquantaine connaissent chaque année une variation de leur financement, à la baisse ou la hausse, de plus de 30%. Mais pour la moitié de ces variations, la raison est à chercher du côté technique ou administratif : paiements différés, compensation de baisses de financements émanant d'autres institutions, transformation des activités de l'association, rapprochement entre clubs sportifs, etc.

Soutien électoral, autocensure et répression

Reste qu'en s'appuyant sur les exemples de clubs de football, de comités de quartier ou d'une association de défense des harkis, l'étude révèle "des cas où l'augmentation de la subvention ne semble pas liée à un développement ou une mutation de l'activité de l'association, ce décalage incarnant une des facettes du clientélisme associatif". Ce phénomène est toutefois considéré comme "relativement marginal", de même que "les pratiques de récompense du soutien électoral par la subvention, si elles existent, s'avèrent exceptionnelles et marginales". À l'inverse, les auteurs mettent en lumière un autre phénomène : les "mécanismes d'autocensure […] qui découlent des coupes de subvention qu'ont connues certaines associations plus militantes".

Enfin, l'autre facette du pouvoir de la municipalité face aux associations réside dans ce que l'étude appelle la "répression financière." À ce propos, on lit : "Des sanctions financières à l'encontre d'associations jugées contestataires de la politique municipale ont pu être observées avant comme après l'alternance de 2014. […] Certaines baisses de subvention importantes, voire des non-renouvellements, s'inscrivent dans une séquence conflictuelle entre l'association concernée et la municipalité". Ici encore, les cas sont jugés "peu nombreux", mais sont "révélateurs de l'usage de la subvention par les pouvoirs publics pour affaiblir des opposants potentiels". Et vont, le cas échéant, avoir pour conséquence une "dépolitisation du monde associatif".

En conclusion, l'enquête estime que "sanctionner les opposants et récompenser les soutiens demeurent des pratiques ordinaires du pouvoir local" mais ne "constituent cependant pas la norme". D'autant plus que "nombre d'acteurs associatifs se prémunissent des sanctions en se tenant à distance des enjeux politiques".