E-inclusion - Cinq nouvelles expérimentations pour lutter contre la fracture numérique en France
"Les technologies de l'information et de la communication peuvent soit accentuer les différences (culturelles, financières…) entre les populations vulnérables et les autres, soit les réduire. Sans accompagnement, une population déjà larguée, le sera encore plus. C'est dans un aller-retour entre acteurs associatifs, pouvoirs publics et entreprises que nous pourrons trouver des solutions", a expliqué Martin Hirsch, haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, en conclusion de la journée d'échanges sur le programme Tic'Actives, ce 16 décembre à Paris. Pour l'occasion, l'Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa) avait réuni une cinquantaine de porteurs de projets qui œuvrent pour "un numérique au service de la solidarité". "Au-delà de la présentation des cinq lauréats du premier appel à projets, ce qui compte c'est de constituer un réseau d'acteurs de terrain pour la diffusion des TIC auprès des plus démunis : sans domicile fixe, détenus, jeunes déscolarisés, familles pauvres, etc.", a expliqué François Enaud, le président de l'Ansa. Avec ces cinq nouveaux projets, l'Agence porte désormais une dizaine d'expérimentations pour les "oubliés du numérique", sur trois ans et sur tout le territoire. Selon François Enaud, "afin que le projet ne l'emporte pas sur la finalité", l'évaluation est un passage obligé avant la généralisation. "Ni audit, ni contrôle, ce processus est un apprentissage collectif qui permet d'améliorer continuellement l'action", a défini Annie Fouquet, présidente de la Société française de l'évaluation. Pour la SFE, l'évaluation doit en effet répondre à trois fonctions principales : rendre des comptes du bon usage de l'argent public, être outil d'aide à la décision pour le politique et apporter des connaissances nouvelles pour améliorer les dispositifs.
59 candidats au premier appel à projets
Dans le cadre de ce programme Tic'Actives, moins d'une soixantaine d'acteurs ont pu présenter leur initiative dans le délai des deux mois de l'appel à projets. "Une quinzaine de jours avant sa clôture, il n'y avait aucun candidat !", a confié un des 17 membres du jury. La sélection s'est déroulée en deux temps. Un examen des dossiers par deux experts de l'Ansa a d'abord abouti à une courte liste de 9 projets. Ceux-ci ont ensuite été auditionnés par le jury, le 10 décembre dernier. Cinq finalistes ont été retenus. "Peu de projets sont dans le domaine de la politique de la ville et peu ont trait au développement territorial", a regretté Serge Nédélec, secrétaire général du Comité interministériel des villes, partenaire de l'opération. Effectivement, la typologie des 59 projets candidats révèlent que 16% d'entre eux ont trait au rural et seulement 29% aux zones politique de la ville. La plupart d'entre eux (76%) concernent la formation, 19% consistent à lever les freins d'accès aux TIC et seulement 5% proposent la découverte de nouveaux métiers. La nature des projets concerne à 90% des dispositifs (plateforme, formation…) tandis que seulement 10% se consacrent aux outils (logiciels, sites Web, kit d'accompagnement pour les EPN…). "Nous devons avoir une exigence en terme d'évaluation et de réplication des projets. Il ne faut plus que nos détracteurs puissent dire que nous arrosons du sable lorsque nous nous occupons de ces populations exclues", a insisté Martin Hirsch. "Les TIC doivent être au service du social et non l'inverse", a noté le sociologue Christian Delecourt. Le réseau de ces nouveaux acteurs sur l'usage et la diffusion des TIC devrait probablement se mobiliser plus fortement à l'avenir pour faire émerger des solutions davantage innovantes.
Luc Derriano / EVS
Les cinq lauréats de ce premier appel à projets
- Robo'TIC : l'association Clip (club informatique pénitentiaire) propose une initiation à la robotique aux jeunes majeurs (18-25 ans) emprisonnés. L'objectif est d'atteindre 35% de réussite au Brevet informatique et internet (B2i) en favorisant la reprise de confiance en soi, la restauration de la capacité de concentration et de raisonnement. Le projet s'appuie sur un partenariat avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation des Bouches-du-Rhône, les prisons de Marseille, Aix-en-Provence et Toulon, ainsi que l'Education nationale.
- L'association Recode veut accompagner la reconversion professionnelle du secteur industriel vers le secteur tertiaire. L'objectif est construire un parcours mêlant 25% de formation sur les TIC et 75% de production réelle en prestation de services (dématérialisation et back office). Le projet s'appuie sur l'expérience de l'entreprise adaptée Flandre Ateliers, en partenariat avec la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Nord-Pas-de-Calais, le conseil régional, l'association de création d'entreprise France Active, le Pôle emploi et la maison de l'emploi de Roubaix.
- Plateforme multi-partenariale d'accès aux compétences TIC : la mission locale de Toulouse offre un parcours d'accompagnement pour les jeunes (16-25 ans, détenus ou déscolarisés) ayant un projet lié aux TIC. Le projet s'appuie sur un partenariat avec la mairie de Toulouse (notamment pour sa "mairie numérique"), le centre régional d'information jeunesse Midi-Pyrénées, la Ligue de l'enseignement, la fondation étudiante pour la ville (Afev) et les espaces publics numériques (EPN) toulousains.
- Mobilité au service de l'insertion numérique : l'EPN du Montmorélien met en place un bus équipé de 10 ordinateurs connectés à internet. L'objectif est de former aux TIC dans un but d'insertion sociale et de certification (VAE). Le projet est construit avec le Pays Sud Charente, les communautés de communes (du Montmorélien, d'Aubeterre, des 3B, de Chalais et du Blanzacais), le conseil général de Charente, la conseil régional de Poitou-Charentes, l'Etat et l'Europe (Feder).
- Espace numérique passerelle intercités pour les sans domicile fixe : l'Association des cités du secours catholique va mettre en place un EPN pour ses 8 établissements franciliens d'accueil. L'objectif est de sensibiliser les SDF pour les amener vers les EPN existants et de créer des ateliers TIC en s'appuyant sur des relais internes. Le projet devrait s'appuyer sur l'association informatique équitable Réseau 2000 pour la formation et sur les directions départementales des affaires sanitaires et sociales pour le financement.
L.D.