Cingal - Suisse Normande restaure l'Orne en conciliant écologie et tourisme (14)
Depuis 2018, la communauté de communes Cingal - Suisse Normande a lancé un programme de restauration de la continuité écologique de l'Orne. Huit ouvrages entravant le bon écoulement des eaux sont ciblés, trois d'entre eux ont déjà pu être traités, avec l'accord de leurs propriétaires. L'enjeu est de parvenir à une bonne qualité des eaux de rivière et de trouver un compromis avec les utilisateurs de l'Orne, pour la pratique notamment de la pêche et du kayak.
À l'ancienne pêcherie de l’île des Auneaux, l'Orne a retrouvé sa liberté de circuler. Les kayakistes empruntent désormais un cheminement balisé par des blocs de pierre tandis que, de chaque côté, des espaces de faible profondeur avec un courant important (des radiers), permettent aux petits saumons de trouver des espaces favorables à leur développement. Ce projet mené dans le cadre d'une restauration de la continuité écologique de l'Orne est l'une des réalisations de la communauté de communes Cingal - Suisse Normande (CCCSN), dans le Calvados.
Supprimer l'effet escalier de la rivière
Sur le cours moyen de l'Orne, la part de dénivelé artificiel sur la part de dénivelé naturel représente un taux de 57% avec un ouvrage en moyenne tous les 1,9 km. « Au-delà de 30%, le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) considère que le bon fonctionnement écologique de la rivière est perturbé », indique Karl Goedtgheluck, technicien de rivière à la communauté de communes. Pour supprimer cet « effet escalier » qui empêche la circulation naturelle des sédiments et la remontée des poissons migrateurs, la CCCSN a engagé depuis 2018 un programme de restauration de la continuité écologique. À l'issue des premières études (2012 à 2014), huit sites - ouvrages en ruine, anciens seuils de moulin ou pêcherie - ont été ciblés pour être réaménagés.
Trouver un compromis d'aménagement avec les différents usagers
La première démarche engagée par le technicien a été de trouver des compromis d'aménagement sur chaque site avec les différents utilisateurs de l'Orne. « Nous sommes en secteur touristique avec 5.000 descentes de canoës-kayaks effectuées entre juin et septembre, souligne le technicien. Les loueurs professionnels redoutaient la suppression des obstacles qui créent un effet ludique. Les pêcheurs sont aussi nombreux : tandis que les carpistes préfèrent les retenues, d’autres privilégient la pêche active en eaux vives. Il y a de nombreux intérêts divergents ! » Une fois l’ensemble des projets validés par le Copil, l’agence de l’eau a donné son accord de financement (voir encadré).
Réaliser les travaux dans un temps limité
Chaque réaménagement étant acté, le technicien de rivière a ensuite rencontré les propriétaires privés des sites, après qu'un courrier de l’État les eut informés de leur obligation réglementaire de restaurer le site. Généralement, ils donnent facilement leur accord : l'EPCI réalise les travaux à leur place par le biais d'une convention et ils n'ont rien à débourser. Parfois, une succession en cours ou des considérations affectives ralentissent le projet. « Seul un propriétaire a refusé : une contestation pour un autre ouvrage est en cours auprès des services de l’État », note le technicien. Les travaux sont réalisés en octobre, après la saison touristique, lorsque les eaux sont encore suffisamment basses. « La fenêtre d'intervention est très courte, d'autant plus que peu d'entreprises sont en mesure d'opérer et que beaucoup de programmes équivalents se déroulent autour de nous. »
De premiers constats encourageants
Si le programme n'est pas achevé (trois sites ont été aménagés, deux sont en cours d’aménagement), il est toutefois possible de tirer un premier bilan intermédiaire. Les fédérations de pêche du Calvados et de la Manche, qui effectuent des suivis annuels sur le cours de l’Orne, ont repéré la présence des tacons – les jeunes saumons - sur les radiers des secteurs restaurés. Le centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) des Collines Normandes, chargé des zones Natura 2000, a mené en collaboration avec la CCCSN une campagne de suivi des odonates (libellules et demoiselles). Cette première opération a permis de révéler la présence d’une espèce plutôt rare dans cette région : le gomphe à crochet. Aujourd’hui largement sous représentée, cette espèce pourrait bénéficier de la poursuite des projets et accroître sa population grâce à la réapparition de secteurs à eaux vives et bien oxygénées, nécessaires à son développement. « Ce sont des premiers signes encourageants. Par contre, nous avons dû faire face à deux étés particulièrement secs et il est possible que nous ayons sous-estimé la modification du régime du cours d'eau avec le réchauffement climatique. Nous allons devoir réajuster le projet sur certains sites », précise le technicien.
Un dialogue réinstauré entre tous les utilisateurs
Le projet a rassemblé autour de la table tous les usagers de la rivière : « Il a permis également de donner naissance à un nouveau projet de sensibilisation. Conduit par le CPIE, ce projet devra permettre de mieux sensibiliser les touristes sur l’écosystème de l'Orne, avant qu’ils n’engagent leur descente en canoë-kayak ». Mais ces premiers aménagements seront-ils suffisants pour assurer la restauration écologique de l'Orne ? L'agence de l'eau sollicite déjà la communauté de communes pour aller au-delà de ce premier programme. « La suppression de tous les petits ouvrages en ruine doit permettre de diminuer de 10% l'artificialisation du cours d’eau. Supprimer un seul gros barrage sur le secteur permettrait d’obtenir un résultat équivalent. Mais ces gros ouvrages produisent de l'hydroélectricité ou créent des espaces de guinguettes très prisés. Ce sera plus délicat d'obtenir un consensus sur ces sites à enjeux majeurs », conclut le technicien.
Un projet financé par l'agence de l'eau Seine Normandie
Le programme de restauration de la continuité écologique de l'Orne coûte 77.000 € pour huit ouvrages. Il est pris en charge à 100% par l'agence de l'eau Seine Normandie, la communauté de communes Cingal - Suisse Normande réalisant les travaux pour le compte des propriétaires privés. Le poste de technicien de rivière affecté à ce projet bénéficie d'un financement à 50 % par l’agence de l'eau, la région Normandie et l'Europe en financent 30%. Le solde est pris en charge par la communauté de communes, via sa taxe gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).
Communauté de communes Cingal-Suisse Normande
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Jacky Lehugueur
Pierre Brisset
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