Aménagement numérique (II) - Christophe Genter : les objets connectés, un "facteur de transformation" de la ville
Localtis : Les objets connectés associés à la notion de smartcity seront-ils bientôt accessibles aux petites collectivités ?
Christophe Genter : La smartcity n'est pas le monopole des métropoles. Cette révolution gagne tous les territoires. En générant des économies de fonctionnement, elle transforme l'action publique locale, y compris dans les villes de moins de 10.000 habitants qui, ne l'oublions pas, accueillent 50% de la population. Dans ce cas, le mouvement est progressif. Mais nous comptons l'accompagner pour accélérer des effets désormais essentiels pour le développement et l'attractivité des villes et des territoires quelle que soit leur taille.
Quels sont les enjeux des objets connectés pour les services urbains et la ville ?
Ils génèrent une grande quantité de données s'apparentant au "big data", dans des domaines aussi variés que l'éclairage public, la distribution de l'eau, du gaz, de l'électricité, ou le ramassage des déchets. La présence des objets connectés dans les transports et plus largement dans ce qu'on appelle la mobilité multimodale, qui permet de combiner transports collectifs, véhicules électriques, services d'autopartage, de covoiturage, et bientôt les véhicules autonomes, devient un facteur de transformation. Ce qui conduit à s'interroger sur l'ouverture, la collecte, le traitement, et enfin la valorisation des données dans la perspective de création de nouveaux services à valeur ajoutée. De ce point de vue, les villes disposent d'un véritable capital, bien que l'intégration des industriels en charge des services urbains dans une démarche commune reste compliquée. Inciter les délégataires en cours de contrat à partager des données n'est pas évident et, moins encore, lorsque le gestionnaire d'une activité est privé. Mais quel que soit le contexte, les collectivités seront de plus en plus tenues d'installer des modes de gouvernance transverses pour les données et les réseaux mutualisés, afin de s'affranchir de la gestion en silos et de passer à une gestion matricielle de leurs activités.
La présence des réseaux semble essentielle dans cette construction, n'est-ce pas ?
Les réseaux assurent en effet la fonction élémentaire de collecte des données. Sur ce point, le contexte français est favorable. Les villes et les territoires peuvent compter sur les réseaux hertzien bas débit dédiés aux objets connectés comme Sigfox, LoRa ou Qowisio qui ont récemment fait irruption sur ce marché, mais aussi sur les réseaux très haut débit en fibre optique en cours de déploiement, qu'ils soient privés ou d'initiative publique.
Ne risquent-ils pas de se concurrencer les uns, les autres ?
Selon le type de données, les volumes à traiter ou les fréquences de collecte à assurer, les réseaux utilisés ne sont pas identiques. Certes, les objets communicants sur la voie publique n'ont généralement pas besoin d'être raccordés unitairement à des réseaux très performants, leur besoin en débit ne le justifie pas, et la radio est souvent un meilleur vecteur. Mais certains objets comme les caméras de vidéosurveillance ou l'affichage public sont plus exigeants en bande passante. Dans la plupart des cas il sera nécessaire de concentrer en coin de rue le trafic des objets d'un quartier tout entier, puis de raccorder les concentrateurs à la fibre. Tous les opérateurs de services s'appuyant sur les objets connectés vont ainsi générer un nouveau marché et un fort trafic qui se traduira par des revenus complémentaires substantiels pour les RIP. C'est la bonne nouvelle. Aussi pour faire écho à la publication dans les prochains jours des lignes directrices de l'Arcep sur les offres de gros activées, il est essentiel que ces nouveaux acteurs puissent accéder aux réseaux à des tarifs raisonnables.
Comment la Caisse des Dépôts compte-t-elle intervenir sur ces domaines ?
Nous continuerons à intervenir en phase amont auprès des collectivités en expertise et ingénierie financière et juridique pour les aider à structurer leurs projets et trouver des modèles économiques viables. Puis une fois ce travail de "défrichage" réalisé, nous contribuerons à financer les projets aux côtés des acteurs publics et privés, à la fois en prêts et en investissements.