Christophe Béchu face aux élus locaux : des "échanges francs", mais pas mal de flou
Accompagné de trois autres membres du gouvernement, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a réuni le 19 juillet les représentants des associations d'élus locaux. Une rencontre appréciée par des édiles, qui n'ont toutefois pas été réellement rassurés sur la question de l'encadrement des comptes locaux. Par ailleurs, le ministre a esquissé la manière dont il entend encourager les investissements locaux en matière de transition écologique
"Des échanges placés sous le signe de la franchise." C'est ainsi que, du côté de l'Association des petites villes de France (APVF), on a perçu la réunion de deux heures et demie que le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a organisée le 19 juillet avec les associations d'élus locaux. L'hôtel de Roquelaure accueillait pour l'occasion l'ensemble des ministres du pôle en charge des territoires. La ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, Caroline Cayeux, le ministre chargé de la ville et du logement, Olivier Klein, et la secrétaire d’État chargée de la ruralité, Dominique Faure, étaient en effet présents. En face, les associations d'élus locaux étaient au complet. Car, aux côtés des représentants des trois principales associations (Association des maires de France, Départements de France et Régions de France) et des diverses associations fédérant les communes et leurs intercommunalités (AMRF, APVF, Villes de France, France urbaine et Intercommunalités de France), figuraient aussi des représentants de l'Association nationale des élus de la montagne (Anem), de l'Association nationale des élus du littoral (Anel), ou encore de Ville & Banlieue. Ce qui fait dire par exemple à Sébastien Martin, président des Intercommunalités de France, que la rencontre avait des allures de "grand-messe". S'il a permis à chacune des associations de s'exprimer, un tel format n'a cependant guère été propice aux "échanges", regrette le président du Grand Chalon.
Épée de Damoclès
Beaucoup de sujets ont nécessairement été abordés, mais l'un d'entre eux semble avoir pris le pas sur les autres : celui des finances locales. Avec en particulier la question de l'effort d'économies de 10 milliards d'euros qui avait été évoqué dans le camp d'Emmanuel Macron au cours de la campagne pour l'élection présidentielle. Un sujet qui, selon les élus locaux, demeure une véritable épée de Damoclès, malgré de récents propos rassurants tenus par Caroline Cayeux (notre article du 12 juillet). Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a en effet eu, ce 19 juillet, des propos que l'on pourrait qualifier d'ambivalents. Selon plusieurs sources concordantes, dont certaines citées par l'AFP, Christophe Béchu a déclaré en effet que "le chiffre de 10 milliards était caduc". De ce fait, certains participants se sont demandés si un autre chiffre n'allait pas "réapparaître". Sur ce point, "nous n'avons pas de réponse", s'inquiète l'un d'eux. D'autant que, selon un élu local présent, Christophe Béchu aurait "enchaîné, en disant : 'personne ne peut imaginer que les collectivités ne participent pas à une logique de trajectoire budgétaire'".
De tels propos pourraient en fait traduire les négociations qu'auraient actuellement les ministres en charge des territoires - soucieux d'épargner les collectivités - avec leurs collègues de Bercy, soupçonnés d'être plus enclins à les soumettre à un encadrement de leurs comptes. C'est un "bras de fer qui ne va pas être facile", commente-t-on à l'APVF.
"Système de carotte"
Après la confirmation au début du mois par la Première ministre de la suppression dès 2023 de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le sujet a logiquement été de nouveau abordé. L'inquiétude vient surtout des intercommunalités, pour qui cette ressource demeure "importante", comme l'a rappelé Sébastien Martin. "C'est LE sujet en ce moment dans les intercommunalités", indique-t-il. Pour autant, celles-ci ne connaissent rien des modalités de la compensation de la suppression envisagée, pointe l'élu.
De son côté, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a mis l'accent sur la question du financement de la transition écologique, dévoilant un peu au passage le dispositif qu'il envisageait. Pour inciter les collectivités territoriales à augmenter leurs dépenses en matière de transition écologique, un "système de carotte" serait mis en place, rapporte l'un des participants à la réunion. Les collectivités qui accéléreraient leurs investissements dans le domaine auraient en récompense un supplément de recettes. L'idée est à première vue séduisante, mais elle pourrait laisser sceptique pas mal d'élus locaux. En effet, les bons élèves du mécanisme qui, en 2018 et 2019, avait limité la croissance des dépenses de fonctionnement des grandes collectivités et intercommunalités (contrats de Cahors), étaient censés toucher un "bonus", sous la forme d'un supplément de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Mais les promesses gouvernementales n'ont pas été tenues pour le moment.
Flambée des prix de l'énergie
Pour "massifier les financements liés à la transition écologique", Christophe Béchu aurait aussi indiqué qu'il "envisageait de sortir de la logique des appels à projets". Ce qui pourrait être bien accueilli par les associations d'élus locaux, lesquelles demandent depuis plusieurs années la fin de ce moyen d'allouer les subventions aux collectivités.
Pour parvenir à l'objectif d'une intensification des investissements verts, qui semblent faire l'unanimité, "il faut que les collectivités ne soient pas amputées de leurs moyens d'investissement", insiste pour sa part l'APVF. Or, l'inflation qui touche de plein fouet les collectivités ne facilite pas les choses. "Il faudra en tenir compte", demande l'association. Qui a de nouveau rappelé sa proposition de création d'une "dotation énergie" permettant de faire face à la flambée des prix dans ce domaine.
Une nouvelle réunion entre les associations d'élus locaux et le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires devrait se tenir dans "quelques semaines" sur le thème de la "trajectoire budgétaire et écologique", selon l'un des participants. Les résultats de ces discussions qui se poursuivront encore à l'automne, devraient être intégrés "par voie d'amendement" au projet de loi de finances pour 2023, dont le Parlement débattra à l'automne.