Archives

Refondation de l'école - Choqués par la contribution de Total au financement de la réforme des rythmes scolaires, les maires ruraux demandent une conférence

L'accord-cadre signé entre Total et l'Etat prévoyant que l'entreprise pétrolière accompagnera pour 4 millions d'euros la réforme des rythmes scolaires a fait monter encore d'un cran la charge des maires ruraux. Ils décrivent un Etat "à la dérive" et "dans la panique", à cause de son "incapacité à mobiliser les moyens", prêt à sombrer dans le "cynisme" en s'abaissant à ce "marchandage ridicule". Ils réclament au plus vite une conférence.

L'Association des maires ruraux de France demande l'ouverture "urgente" d'une conférence sur le financement de la réforme des rythmes pour permettre aux futurs élus d'envisager comment ils pourront entamer cette réforme en 2014. Ils n'ont pas changé de position : "la réforme doit être financée et les crédits non utilisés en 2013 doivent être non seulement reportés, mais ces choix principalement financés à terme par l'Etat", selon le principe du "qui décide, paie".
Un nouvel élément a fait monter d'un cran leur exaspération : ils dénoncent aujourd'hui "la dérive avec laquelle l'Etat entend faciliter la communication d'un grand groupe au détriment du sérieux de la mise en œuvre d'une réforme qu'il a imposée aux collectivités". En l'occurrence, ils dénoncent l'accord-cadre signé entre Total et l'Etat pour la période 2013-2015, dans lequel il est prévu que sur les 16,7 millions d'euros que l'entreprise pétrolière entend donner dans le cadre du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) (*), 4 millions d'euros sont destinés à "assurer le développement d'activités éducatives et culturelles en dehors du temps scolaire, notamment en accompagnant la réforme des rythmes éducatifs dans le premier degré". Signé le 7 juin par Valérie Fourneyron, ministre des Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire et de la Vie associative, et Christophe de Margerie, président directeur général de Total, ce nouvel accord-cadre financera des projets "portés essentiellement par des structures associatives".

"Un glissement insupportable"

"Si chacun comprend l'urgence d'agir, la décision de recourir aux fonds privés de l'entreprise Total (…) trahit un glissement insupportable dans la manière dont l'Etat considère le futur de l'organisation scolaire et l'avenir de ses enfants", commentent les maires ruraux. Une décision qui trahirait également, selon eux, "l'incapacité de l'Etat à mobiliser les moyens nécessaires en face de cette nouvelle charge imposée aux collectivités".
"La nécessité de réussir est impérieuse mais ne peut s'appuyer sur le concours marginal d'un grand groupe industriel qui souhaite se donner bonne conscience en faisant oublier aux Français qu'il paie la plupart de ses impôts hors de France, et qu'il entretient les meilleures relations avec les paradis fiscaux", poursuivent les maires en colère. En colère et soupçonneux, lorsqu'ils interrogent : "Comment ces fonds seront-ils versés ? A quelles collectivités ? Sur quels critères ? Dans quels buts ? Ce groupe ou d'autres seront-ils mobilisés pour trouver les centaines de millions nécessaires au financement par les collectivités de cette décision de l'Etat pour les 90% des communes qui ont dû reporter cette entrée dans le dispositif ?"
Et de conclure : "Il y a comme une forme de cynisme à demander à un groupe d'aider l'Etat alors que ce dernier refuse d'aider les collectivités à financer une décision qu'il leur impose."

Panique à l'administration centrale ?

L'aide de 4 millions d'euros sur 3 ans est qualifiée au passage de "marchandage ridicule" car "sans rapport avec les montants nécessaires au financement de la réforme dont le président de la République avait pourtant annoncé le déblocage de 250 millions l'année de son lancement". Finalement, "face à l'échec de la mise en œuvre, seuls quelques millions seront alloués par l'Etat en 2014, qui plus est par tranche, de telle manière que les communes devront avancer l'argent et assumeront ainsi la trésorerie de l'Etat pour payer les emplois qu'il oblige à créer", calculent encore les maires ruraux.
Quant à "l'obligation faite à la CAF de financer exceptionnellement cette mesure (Ndlr : le financement de la réforme pour l'année 2013-2014)", elle serait une preuve supplémentaire à "la panique qui règne au sein de l'administration centrale".

Valérie Liquet

(*) Créé en 2008, le FEJ est abondé principalement par l'Etat mais aussi par des financeurs privés, dont Total qui s'était engagé à contribuer à hauteur de 50 millions d'euros sur la période 2009-2014 finançant ainsi "200 expérimentations pour l'éducation et l'insertion des jeunes". A ce jour, le FEJ soutient 290 expérimentations, touchant 500.000 jeunes, selon le ministère.