Changement climatique : la mortalité de la forêt française s'accélère
La forêt française, durement affectée par le changement climatique, a vu sa mortalité augmenter de "près de 80% en dix ans", selon l'inventaire forestier national 2023 publié ce 12 octobre par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).
Dans son inventaire national forestier 2023, publié ce 12 octobre, l'Institut géographique national (IGN) constate une "très forte augmentation de la mortalité des arbres" en France métropolitaine – près de 80% en dix ans. Ce taux de mortalité est ainsi passé à 13,1 millions de mètres cubes par an entre 2013 et 2021, alors qu'il s'établissait à 7,4 millions de m3/an durant la période 2005-2013. Le flux annuel de la mortalité équivaut à 0,5% du volume de bois vivant, précise l'IGN qui souligne en outre que "la surface forestière touchée actuellement par le dépérissement est équivalente au cumul des surfaces touchées par les incendies de ces 35 dernières années".
L'inventaire, qui a été réalisé à partir de mesures collectées sur près de 70.000 sites d'observation, à l'issue de cinq campagnes de terrain menées de 2018 à 2022, montre que la croissance des arbres a également marqué le pas. En volume, elle est passée "de 91,5 millions de m3/an en 2005-2013 à 87,8 millions de m3/an en 2013-2021, soit une baisse significative de 4%", selon l'IGN. Ce ralentissement de la croissance des arbres, y compris dans des lieux où les ressources en eau sont censées être les plus élevées, s'explique selon l'IGN par des baisses plus fortes de précipitations en France.
Dégradation de l'état de santé des forêts avec la prolifération d'insectes nuisibles
De plus, "la dégradation de l’état de santé des forêts constatée ces dernières années est à mettre en lien avec les changements climatiques qui se manifestent en particulier par des températures plus chaudes et des sécheresses plus fréquentes que par le passé, relève l'inventaire. Ces changements favorisent notamment la prolifération des bioagresseurs, comme les scolytes qui sont des insectes nuisibles pour les arbres." Ce sont ces derniers qui ont décimé les peuplements d'épicéas du Grand Est. Résineux le plus prélevé en France pour la qualité de son bois destiné à la construction, l'épicéa commun "est désormais la première essence touchée par la mortalité devant le châtaignier et le frêne", indique l'IGN. La production de bois d'épicéa, soit le bois produit du fait de la croissance des peuplements, est aujourd'hui "inférieure aux coupes et aux arbres qui meurent", notamment du fait de l'ampleur des "coupes sanitaires" pratiquées "pour limiter la propagation des scolytes".
La souffrance de la forêt a amoindri sa capacité à absorber du CO2, conduisant au "ralentissement du puits de carbone des forêts françaises", qui s'établit à 40 millions de tonnes de CO2 annuels entre 2013 et 2021. Pour les massifs touchés par les scolytes, le bilan net devient même "négatif temporairement".
Extension de la couverture forestière, malgré tout
Néanmoins, la forêt continue de s'étendre en métropole et se diversifie. Elle couvre désormais 31% du territoire avec 17,3 millions d'hectares, contre 19% avec 10 millions d'hectares en 1908. En 1985, la forêt couvrait 14,1 millions d’hectares. Sur les trois dernières décennies, elle a donc progressé de 21% en surface et constitue l’occupation du sol la plus importante après l’agriculture qui couvre plus de la moitié de la France métropolitaine. Le stock de bois des arbres vivants a, lui, connu une très forte progression, passant de 1,8 milliard de mètres cubes en 1985 à 2,8 milliards de mètres cubes aujourd’hui, soit une croissance de plus de 50%. En trois décennies, ce stock est passé de 137 m3 à 173 m3 par hectare en moyenne. Durant la même période, le nombre de tiges à l’hectare a légèrement diminué, les arbres étant plus gros et/ou plus grands (le volume unitaire moyen d’un arbre est passé de 0,19 m3 à 0,25 m3), ce qui révèle un certain "mûrissement" de la forêt française, note l'IGN. Sur ces trois décennies, deux départements, la Gironde et les Landes, ont une dynamique inverse. Fortement touchés par les tempêtes de 1999 et 2009, ils ont en effet vu leur volume sur pied diminuer.
Un quart de forêts publiques seulement
L'inventaire rappelle aussi que les trois quarts de la forêt française métropolitaine (13 millions d’hectares) appartiennent à des propriétaires privés. 3,1 millions d'hectares font l'objet d'un plan simple de gestion (PSG), soit 18% de la forêt française. La forêt publique, qui représente donc un quart des forêts métropolitaines se répartit entre les forêts domaniales (1,5 million d’hectares) et les autres forêts publiques (2,8 millions d’hectares), essentiellement des forêts communales. Dans l’ouest de la France, la part de la forêt privée est nettement plus élevée que la moyenne nationale et dépasse 90% pour les régions Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Bretagne. La région Grand Est est la seule région où la forêt privée est minoritaire (45%).
Les résultats territoriaux de l’inventaire forestier sont aussi disponibles sur le site de l’Observatoire des forêts françaises, dans la rubrique Les forêts de mon territoire .