Chalon-sur-Saône, terre de lancement des 183 nouveaux Territoires d'industrie
Le gouvernement a dévoilé, jeudi, la carte des 183 nouveaux Territoires d'industrie, lors de leur assemblée générale à Chalon-sur-Saône. 100 millions d'euros seront investis par an, notamment pour renforcer les chaînes de valeur industrielles clés pour la transition écologique.
C'est dans les terres industrielles du Grand Chalon (Saône-et-Loire) que les ministres délégués Roland Lescure (Industrie) et Dominique Faure (Collectivités territoriales) se sont rendus ce jeudi 9 novembre pour présenter la nouvelle carte des Territoires d'industrie, après avoir visité l'usine Saint-Marcel de Framatome. Un lieu symbolique de la volonté de réindustrialisation du pays. Alors que la France souhaite se doter de réacteurs de nouvelles génération EPR2, la société a répondu à l'appel en décidant d'agrandir son site de 27.000 m2 pour augmenter les cadences, avec 500 embauches à la clé. Le chantier devrait s'échelonner de 2024 à 2028. Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, le mois dernier, le groupe français Atlantic a annoncé sa volonté de fabriquer des pompes à chaleur sur ce territoire qui, d'après l'Insee, compte plus de 9.400 emplois industriels…
Pour Sébastien Martin, le président du Grand Chalon, ce regain industriel est la marque "du volontarisme politique impulsé à travers les Territoires d'industrie". "Cela a permis d'envoyer ce message : oui nous croyons à l'industrie (…) C'est un peu irrationnel, mais ça compte énormément", souligne le président d'Intercommunalités de France, association qui, dès 2018, avait appelé l'État à un "pacte productif" et qui était récemment aux premières loges dans le débat sur l'industrie verte. Et c'est encore elle qui était montée au créneau pour demander une reconduction des Territoires d'industrie (voir notre article du 24 avril) alors que la première phase arrivait à son terme. Vœu exaucé avec le discours d'Emmanuel Macron le 11 mai sur la réindustrialisation, jugeant alors "absolument clé" la territorialisation de cette politique (voir notre article du 12 mai). Une reconnaissance pour les collectivités qui étaient restées sur le banc de touche du plan France 2030 davantage ciblé vers les "innovations de rupture" et les plus grands projets industriels, comme les gigafactories. Avec les Territoires d'industrie, le gouvernement cherche à structurer des filières dans les territoires, que ce soit dans l'agroalimentaire, l'automobile, le bois, le textile, les matériaux bio-sourcés… "Il n'y aura pas de réindustrialisation sans les territoires, sans que l'État emmène avec lui les élus des intercommunalités et des régions", clame Sébatien Martin.
Le processus de sélection engagé cet été, sous l'égide de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), a permis de sélectionner 183 nouveaux Territoires d'industries. Cette carte a été dévoilée jeudi, devant un parterre de 500 élus, à l'occasion de l'assemblée générale des Territoires d'industrie, en présence de Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté.
La moitié des intercommunalités couvertes
Avec 26 territoires labellisés, Auvergne-Rhône-Alpes est la région la mieux lotie, devant le Grand Est (21). Désormais, 630 intercommunalités sont couvertes (soit plus de la moitié), contre 551 dans la première phase.
La plupart des 149 bassins d'activité de la première vague ont repostulé et en ont parfois profiter pour élargir leur périmètre ou ont été amenés à fusionner. Mais il y a aussi une trentaine de nouveaux entrants dont plusieurs métropoles : Lille, Grenoble, Bordeaux, Nantes, Saint-Étienne… D'autres métropoles figuraient déjà dans la phase I (Clermont-Ferrand, Toulon, Aix-Marseille, Dunkerque…) et sont reconduites. Mais la priorité reste de s'appuyer sur les territoires ruraux et les villes moyennes, qui, rappelle le gouvernement, concentrent 70% de l'emploi industriel en France. Certains sont même très ruraux voire montagneux, comme le Guillestrois (Hautes-Alpes), le Couserans (Ariège)…
La gouvernance, elle, ne change pas : les territoires restent animés par un binôme élu-industriel, avec un copilotage État-région. L'animation sera renforcée avec la présence systématique d'un chef de projet pour chacun des territoires et des chefs de projets régionaux. Les postes seront financés à hauteur de 30.000 euros par an pour ceux qui sont composés d’une ou deux intercommunalités et 40.000 euros au-delà. Seule condition : les collectivités devront financer 30% du poste. L'ANCT pourra aussi mettre des cabinets d'études à contribution pour affiner et structurer des projets.
100 millions d'euros par an
Comme annoncé par Emmanuel Macron en mai, le programme va recevoir 100 millions d'euros dès 2024 issus du fonds vert (soit 500 millions d'euros d'ici à 2027) pour financer des projets d'investissement liés à l'environnement, notamment au renforcement des chaînes de valeur industrielles clés pour la transition écologique : bioéconomie, nouvelles mobilités durables, relocalisation de filières agro-alimentaires, recyclage de matériaux... Il pourra aussi s'agir de projets liés au développement des compétences (création d'écoles de production) dans ces mêmes domaines ou de soutenir des territoires fragiles confrontés à un "choc industriel", sur le principe du dispositif "Rebond industriel" qui a bénéficié à 19 bassins industriels, comme Béthune, avec la fermeture de l'usine Bridgestone en 2020.
Les demandes d'aide seront déposées "au fil de l'eau" à partir de janvier sur la plateforme Aides Territoires. Le dispositif sera géré par "les préfectures de région avec l’appui de l’Ademe et en concertation avec les conseils régionaux", précise le gouvernement.
Lancé en 2018, le programme a permis d'accompagner 1.800 projets et la moitié des 100.000 emplois industriels créés sur la période, se félicite le gouvernement. Pour cette nouvelle phase, 2.150 actions ont déjà émergé dans les quatre axes prioritaires : compétences (31%), transition écologique (23%), foncier (19%), innovation (18%, autres (9%). Le gouvernement veut renforcer les passerelles avec France 2030 et positionner les Territoires d'industrie dans la sélection des 50 nouveaux sites industriels "clés en main", dont la première vague sera dévoilée courant décembre (voir notre article du 16 octobre).
Alors que les montants investis sont souvent mis en parallèle avec les 54 milliards d'euros de France 2030, Sébastien Martin demande à l'État que la part supplémentaire de CVAE que touchera l’État en raison de l’étalement de sa suppression sur quatre ans soit affectée au programme. "L'État va empocher 14 milliards d'euros d'ici 2027, sur le total, un milliard est lié à la dynamique de cette fiscalité, elle devrait alimenter les Territoires d'industrie", plaide-t-il.