CFP 2021-2027 : la présidence finlandaise au milieu du gué
La présidence finlandaise a présenté une nouvelle proposition de cadre financier pluriannuel qui tente de concilier les positions divergentes des États membres d’une part, de la Commission et du Parlement de l’autre. Résultat : une baisse de 48 milliards d'euros par rapport à la proposition de la Commission. Sans surprise, la proposition ne satisfait personne.
"Un bon compromis laisse toujours tout le monde en colère." Si la justesse de la nouvelle proposition de cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP) présentée par la présidence finlandaise le 2 décembre devait être jugée à l’aune des critiques qui lui sont adressées, alors nul doute que le résultat est probant. En proposant un montant de 1.087 milliards d’euros, soit 1,07% du revenu national brut de l’UE à 27, la Finlande, prise entre le marteau et l’enclume, a en effet mécontenté tout le monde. Et notamment la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui s’est dite "inquiète des coupes drastiques qui figurent dans la proposition, par rapport à la proposition initiale de la Commission" de mai 2018 (fixée, elle, à 1,1% du RNB à UE-27, soit 1. 135 milliards d’euros). Et de citer comme victimes potentielles de ces coupes les secteurs du contrôle aux frontières, de la défense, du numérique et de l’action climatique… qui sont autant de dossiers prioritaires de la nouvelle Commission.
Pourtant, le montant proposé est proche du haut de la fourchette que la présidence finlandaise avait initialement envisagée (entre 1,03 et 1,08 % du RNB). "Nous allons sûrement entendre des voix critiques à propos de notre proposition", pronostiquait, lucide, Tytti Tuppurainen, ministre finlandaise des Affaires européennes, qui rappelle que "certains États membres veulent un budget très limité, tandis que certains autres voudraient augmenter l'enveloppe totale en vue d'orienter plus de fonds vers l'agriculture et la politique de cohésion".
Conscients des contraintes budgétaires nationales et de l’hostilité des "Frugal Five" (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède, adeptes d’un budget à 1%), les partisans d’un CFP à la hausse plaidaient pour une augmentation des ressources propres de l’Union. Mais la ministre finlandaise affirme qu’il est impossible "de parvenir à un accord dans un délai qui permettrait de les inclure pour financer le nouveau cadre financier". Seule exception, la taxe sur les déchets non recyclés, dont la contribution annuelle au budget de l’UE est estimée à 6,6 milliards d’euros.
Au final, 30,7% des crédits (soit 334 milliards d’euros) seraient alloués à l’agriculture (contre 29,1% du budget proposé par la Commission) et 29,7% au développement régional (soit 323 milliards d’euros ; 29,2% dans le budget de la Commission), la part principale (32,8%, soit 356 milliards d’euros ; mais 35,1% du budget proposé par la Commission) de l’enveloppe étant consacrée aux "nouvelles priorités" : recherche et développement, transformation numérique, contrôle des frontières et donc politique climatique (les 6,8% restant étant absorbés par les dépenses administratives ; 6,7% du budget promu par la Commission).
Démission du Premier ministre finlandais
Tytti Tuppurainen souligne que la proposition finlandaise consacre au minimum 25% du montant total du CFP à l’action pour le climat, dont 40% des financements de l’agriculture et 30% des fonds de cohésion. Ces deux politiques historiques voient leurs budgets "augmenter de manière modérée" par rapport à la proposition de la Commission (+ 10 milliards par rapport à la proposition de la Commission pour le second pilier de la PAC), ce qui est une maigre consolation pour leurs partisans dans la mesure où la Commission y avait opéré des coupes sévères. En ce qui concerne la politique de cohésion, l’accent est mis sur "le soutien aux régions les moins développées", ce qui exclut globalement les régions françaises au titre des régions "en transition"…
Le programme "Horizon Europe" se verrait attribuer 84 milliards d'euros (2,4 de moins que la proposition de la Commission). Le projet doit désormais être débattu lors du Conseil européen des 12 et 13 décembre prochains… auquel assistera peut-être un nouveau participant. Le Premier ministre finlandais, Antti Rinne, a en effet présenté la démission de son gouvernement le 3 décembre, que le président de la République a acceptée. Antti Rinne participera néanmoins si un nouveau gouvernement n’est pas nommé d’ici là. La présidence du Conseil ayant présenté sa proposition, c'est dans tous les cas au président du Conseil européen que revient désormais la responsabilité des négociations.