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Le Parlement donne son feu vert à la Commission Von der Leyen

Le Parlement européen a officiellement donné son feu vert à la Commission von der Leyen ce 27 novembre, après avoir écarté trois commissaires désignés – un record –, dont la Française Sylvie Goulard. La Commission entrera officiellement en fonction le 1er décembre.

C’est au terme d’un véritable parcours d’obstacles que le collège des commissaires présidé par Ursula von der Leyen a finalement reçu ce jour l’approbation du Parlement européen (avec 461 voix pour, 157 contre et 89 abstentions, faisant légèrement mieux que celui de son prédécesseur Jean-Claude Juncker, le plus mal élu jusqu’ici). 
D’abord, Ursula von der Leyen première femme à occuper ces fonctions, avait été élue le 16 juillet à une courte majorité (383 pour, 327 contre, 22 abstentions), après avoir remplacé au pied-levé son compatriote allemand Manfred Weber, chef de file officiel des conservateurs dont la candidature était rejetée par plusieurs chefs d'État et de gouvernement, au premier rang desquels Emmanuel Macron. Si l’Allemande, qui a été ministre CDU sans interruption depuis 2005, put compter sur le plein soutien – ou presque – des conservateurs, sa famille politique, ainsi que des libéraux et des deux tiers environ des sociaux-démocrates, les écologistes n'avaient pas approuvé sa candidature. La nouvelle présidente a pourtant mis le climat en tête de son agenda, avec pour objectif affirmé que l’Europe devienne le premier continent à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. 
Ensuite, les commissions du Parlement invalidèrent trois commissaires désignés – un record – dont la Française Sylvie Goulard. Avec pour conséquence une entrée en fonction du collège reportée au 1er décembre, avec un mois de retard.

Ursula von der Leyen sera assistée de trois vice-présidents exécutifs – Frans Timmermans (candidat initial des socialistes), Margrethe Vestager (candidate des libéraux) et Valdis Dombrovskis – qui piloteront les dossiers prioritaires, et de six vice-présidents. Elle-même supervisera directement plusieurs commissaires :
- Margaritis Schinas (PPE), ancien fonctionnaire grec de la Commission européenne (il en a été porte-parole), ancien député européen, nommé vice-président chargé de la promotion du mode de vie européen (et non plus "protection", terme qui avait suscité un début de polémique). Il est notamment chargé de superviser les questions d’éducation et d’intégration dans le marché du travail, de l’intégration des migrants et réfugiés, et plus largement du phénomène migratoire, légal ou non, et enfin de la sécurité. Lui-même supervisera Helena Dalli (S&D), ancienne ministre maltaise jusqu’ici membre du Parlement européen, nommé à l’égalité, notamment chargée de développer une nouvelle stratégie européenne relative au genre, mais aussi Yla Johansson (S&D), jusqu’ici ministre suédoise de l’emploi, nommée aux affaires intérieures, chargée du nouveau pacte migratoire et d’asile, du périmètre Schengen, de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex ou encore de la prévention du terrorisme en ligne et de la lutte contre la radicalisation ;
- Dubravka Šuica (PPE), nommée vice-présidente à la Démocratie et à la Démographie, cette ancienne maire de Dubrovnik et ancienne vice-présidente du congrès des pouvoirs locaux et régionaux, jusqu’ici député européen, est notamment chargée de lutter contre les inégalités territoriales, affectant en particulier les zones rurales (problèmes d’infrastructures, d’accès aux services, aux réseaux, risques de pauvreté). Elle devra notamment remettre dans les 6 mois un rapport identifiant les impacts des changements démographiques ("fuite des cerveaux", vieillissement de la population…), affectant particulièrement les régions les plus vulnérables, puis déterminer, en collaboration avec les États-membres et les régions, les meilleurs moyens de les aider à y faire face ;
- Maroš Šef?ovi? (S&D), commissaire sortant nommé vice-président aux relations inter-institutionnelles et à la prospective, ce slovaque formé à Moscou dans les années 1980 doit notamment contrôler le respect par la Commission des principes de subsidiarité et de proportionnalité, mettre en œuvre le principe "one-in, one-out" selon lequel "toute proposition législative créant de nouvelles charges devrait soulager les citoyens et les entreprises d'un fardeau équivalent existant dans le même domaine politique" ou encore, en étroite collaboration avec les États membres, veiller à éviter des formalités administratives inutiles lors de la transposition de la législation communautaire. Il doit également diriger les travaux de la commission sur la prospective stratégique et coordonner ceux sur "l’alliance européenne de la batterie" ;
- V?ra Jourová (RE), actuelle commissaire tchèque à la Justice, nommée vice-présidente aux "valeurs et à la transparence", notamment chargée de l’adhésion de l’Union européenne à la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi de l’amélioration du système des candidats à la présidence de la Commission européenne et de favoriser l’émergence des listes électorales transnationales. Elle-même supervise le commissaire à la Justice, l’ancien ministre belge Didier Reynders (RE) ;
- Johannes Hahn (PPE), actuel commissaire, autrichien, à l’élargissement, nommé commissaire au budget et à l’Administration, chargé de conduire les négociations épineuses sur le cadre financier pluriannuel 2021- 2027.

Un pacte vert pour l’Europe

Commissaire et premier vice-président sortant, l’ancien ministre néerlandais Frans Timmermans (S&D) sera à nouveau premier vice-président exécutif de la nouvelle commission, et commissaire à l’action climatique, chargé de mettre en musique le "pacte vert" devant être proposé dans les 100 premiers jours de la Commission. À son programme, la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 50% d'ici à 2030 (au lieu de 40 % selon les objectifs actuels), la coordination du nouveau "fonds de transition juste" devant accompagner les régions industrielles ou dépendantes des énergies fossiles (les plus affectées par la mise en œuvre du pacte vert), la stratégie biodiversité pour 2030, l’économie circulaire, la stratégie pour une nourriture durable "De la ferme à la fourchette", l'établissement de la taxe carbone aux frontières de l'UE, la refonte de la directive sur la fiscalité de l’énergie, la mise en œuvre des textes sur le système d’échange de quotas d’émissions ou encore du règlement sur l’utilisation et le changement d’affectation des terres et de la forêt. 
Il sera assisté dans ce cadre de :
- Virginius Sinkevi?ius (Verts/ALE), commissaire à l’environnement et aux océans. Cet ancien ministre lituanien sera plus particulièrement chargé de mettre en place la nouvelle stratégie pour la biodiversité (la suite de Natura 2000) à l’horizon 2030, la stratégie pour atteindre zéro pollution (dont zéro plastique dans les océans) ou le plan d’action pour une économie circulaire. Il conduira également les négociations de la COP26 ;
- Janusz Wojciechowski (CRE), membre polonais de la Cour des comptes européenne (et ancien député européen), nommé commissaire à l’agriculture, principalement chargé de la nouvelle politique agricole commune ;
- Stélla Kyriakides (PPE), chypriote, ancienne présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nommée commissaire à la santé (qui dépendra également du vice-président chargé de la protection du mode de vie européen), à la fois chargée des questions médicales (vaccination, résistance aux antibiotiques, plan cancer…), de sécurité alimentaire (pesticides, perturbateurs endocriniens…), du bien-être animal et de la santé des plantes ;
- Adina V?lean (PPE), roumaine actuellement membre du Parlement européen, dont elle a été vice-présidente, nommée aux transports, désigné après le rejet par le Parlement de Rovana Plumb.
- Kadri Simson (RE), nommée à l'énergie, cette ministre estonienne devra conduire la transformation du modèle énergétique.

Une Europe adaptée à l’ère du numérique

Également commissaire sortant, également vice-président exécutif, Margrethe Vestager (RE), a été à plusieurs reprises ministre du Danemark. Ses actions contre les pratiques fiscales d’Apple ou les abus de position dominante de Google expliquent en partie sa nomination à ce poste où elle est chargée à la fois de la stratégie numérique européenne et de la concurrence. Elle a notamment pour mission d’introduire la taxe sur le numérique, de co-diriger les travaux relatifs à la stratégie industrielle européenne et de coordonner, dans les 100 premiers jours de la Commission, un travail sur l’intelligence artificielle, incluant ses implications éthiques. Elle doit également co-diriger les travaux visant la mise en place d’une nouvelle stratégie en faveur des PME et start-up, en réduisant le poids de la bureaucratie, renforcer la législation en matière de politique de la concurrence et son application.
Elle sera assistée de :
- Mariya Gabriel (PPE), actuelle commissaire bulgare à l’économie et la société numériques, nommée à l'innovation, à la recherche, à la culture, l'éducation et à la jeunesse (la culture et l'éducation ont été rajoutées après coup, face à l'émoi suscité par l'absence de ces intitulés dans les portefeuilles des commissaires). Chargée des programmes de recherche, elle a notamment pour objectif la mise en place du programme Horizon Europe, le triplement des moyens alloués au programme Erasmus + (sous la supervision de Margaritis Schinas) ou la mise à jour du plan d’action relatif à l’éducation numérique ;
- Thierry Breton (non affilié), désigné commissaire au marché intérieur, chargé de renforcer la souveraineté technologique de l’Europe, avec la mise en place d’un "marché unique de la cybersécurité", mais aussi de la législation sur les services numériques, de la mise à jour du plan d’action en matière d’éducation numérique ou encore de la mise en œuvre d’un fonds européen de la défense.

Une économie au service des personnes

Commissaire sortant (et ancien député européen), le letton Valdis Dombrovskis (PPE), physicien et économiste de formation, a été membre de la Banque centrale lettone. Il est notamment chargé de mettre en place le pilier des droits sociaux, en renforçant le dialogue social au niveau européen.
Connu pour son orthodoxie budgétaire, cet ancien ministre des finances et Premier ministre a notamment pour mission de réformer le Semestre européen afin d’y intégrer les objectifs de développement durable des Nations unies, et la responsabilité de plusieurs plans financiers, dont le "plan d’investissement pour une Europe durable" qui devrait permettre de débloquer 1.000 milliards d’euros d’investissements liés au climat au cours de la prochaine décennie et la transformation partielle de la Banque européenne d’investissement en Banque européenne du climat, pour porter à 50% la part de ses investissements dédiés au climat d'ici à 2025. Il doit également coordonner les travaux de soutien aux réformes structurelles des États membres visant à accélérer la "croissance inclusive et la cohésion territoriale" ou encore développer une stratégie de finances vertes.
Travailleront sous sa direction :
- Elisa Ferreira (S&D), ancienne ministre et député européenne, jusqu’ici vice-présidente de la Banque centrale du Portugal, nommée à la cohésion et aux réformes. Elle est chargée de trouver un accord sur le nouveau cadre des fonds de cohésion, mais aussi de veiller à ce que les États membres assurent un contrôle idoine des dépenses. Elle est également chargée de la mise en œuvre du fonds de transition juste et du service support aux réformes structurelles, qui devra apporter son soutien technique et financier pour la mise en œuvre des réformes ;
- Phil Hogan (PPE), actuel commissaire irlandais à l’agriculture et au développement durable, nommé au commerce, chargé de conduire la réforme de l’organisation mondiale du commerce et d’introduire des mesures de protection du climat, de l’environnement et du travail dans les accords commerciaux, avec une tolérance zéro à l’égard du travail des enfants. Il supervisera le responsable de l’application des lois sur le commerce qui sera désigné par le collège ;
- Nicolas Schmit (S&D), aujourd’hui membre du Parlement européen, ancien ministre luxembourgeois, nommé à l’emploi, chargé de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, d’un salaire minimum équitable, d’un régime européen de réassurrance des prestations de chômage ou encore de l’Autorité européenne du travail ;
- Paolo Gentilini (S&D), ancien Premier ministre italien, nommé à l’économie, chargé de renforcer le Semestre européen, de l’application du pacte de stabilité et de croissance, de participer à la mise en œuvre du plan d’investissement durable, des taxes sur le digital et carbone, de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ou encore de la directive sur la fiscalité de l’énergie.

Une Europe plus forte sur la scène internationale

Une mission confiée à l’ancien président du Parlement européen espagnol Josep Borrell Fontelles (S&D), nommé vice-président et haut-représentant de la politique étrangère et de la politique de sécurité et qui supervisera : Janez Lenar?i? (non affilié), diplomate slovène désigné à la gestion des crises, et notamment chargé de la protection civile ; Olivér Várhelyi (non affilié), fonctionnaire et diplomate hongrois, nommé au voisinage et à l’élargissement, chargé des négociations en vue de l’adhésion de la Macédoine du nord et de l’Albanie, des relations avec la Turquie mais aussi du renforcement de la coopération avec les 6 États du partenariat oriental (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine) et des accords commerciaux avec ces trois derniers pays. Accepté au rattrapage, il est le remplaçant de László Trócsányi, candidat initial rejeté par le Parlement ; et Jutta Urpilainen (S&D), ancienne ministre finlandaise, nommée aux partenariats internationaux, chargée de la stratégie africaine et notamment des négociations de l’accord post-Cotonou avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

 

CRE : conservateurs et réformistes européens
PPE : parti populaire européen
RE : Renew Europe
S&D : alliance progressistes des socialistes et démocrates
Verts/ALE : Verts / Alliance libre européenne

 

 

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