Ces territoires qui font le choix du logiciel libre

À l'occasion de l'événement Open Source Expérience, 24 territoires ont été récompensés par l'Adullact le 4 décembre 2024. De son côté, la Dinum a rappelé son attachement à produire des communs numériques réutilisables le plus largement possible dans la sphère administrative.  

C'était la neuvième édition du label "territoire numérique libre" organisé par l'Adullact – association qui promeut depuis plus de 20 ans le libre dans les collectivités  - qui récompense les initiatives de collectivités autour des communs numériques. Premier constat, la démarche motive des structures de tous types. Parmi les 24 attributaires de 3 à 5 "copy left" – l'équivalent des arobases de Ville-Internet - on trouve des métropoles (Grenoble, Lyon, Marseille, Montpellier), des communes moyennes à l'image de Saint-Égrève (17.000 habitants), Colomiers (40.800 habitants), Abbeville (23.000 habitants) ou encore Boé (5.700 habitants). Cette dernière a passé 95% de son parc sous Linux/Ubuntu et doté 100% des postes de LibreOffice, lui valant 5 copy left. Les structures de mutualisation (Soluris 17, le SITPI 38, La Fibre 64 ou Morbihan énergies) sont également en bonne place, leurs solutions libres bénéficiant à de toutes petites communes. Enfin, pour la première fois, un centre de gestion, celui du Lot-et-Garonne, a été récompensé de 3 copy left.

Des freins culturels à lever

Toutes ces structures partagent les mêmes ambitions en matière de souveraineté numérique, de maitrise du code et des données. Autre point commun, leur volontarisme politique. Pour preuve, Nancy qui a longtemps fait partie des labellisées, a mis à l'arrêt sa stratégie open source à l'issue du changement de majorité lors des dernières élections. Mais imposer le libre, notamment sur le poste de travail, est un combat de tous les jours, comme l'ont concédé plusieurs labellisés. "Les agents ont l'habitude de travailler avec des logiciels propriétaires chez eux, cela demande beaucoup de travail de pousser les logiciels libres", reconnait Jean Gaëtan Cognard, élu à Saint Egrève. À Fontaine (22.000 habitants, 38), on constate "la même réticence au changement", les élus n'étant pas en reste dans ce domaine. La clé du passage au libre apparait du reste comme un "alignement des planètes entre les élus, le DG et la DSI", relève Aurélien Farge, maire adjoint d'Echirolles. Plusieurs facteurs sont cependant de nature à changer la donne. C'est le cas de la prise en compte des enjeux de sobriété numérique, qui motive de plus en plus d'élus. Car les logiciels libres, qui se concentrent sur les fonctionnalités essentielles, s'affichent comme plus économes en ressources. Villejuif (94) et Les Abymes (Guadeloupe) ont du reste eu une mention spéciale du jury pour leur action en matière de développement durable. Autre facteur favorable : les impératifs d'économies budgétaires. Ceux-ci peuvent être très sensibles, quand il s'agit par exemple d'éviter de payer des licences pour 1.600 PC déployés dans les écoles grenobloises.

De plus en plus de collectivités utilisatrices

La présence des mêmes collectivités année après année sur le podium de l'Adullact – seulement 5 nouveaux participants cette année – pourrait laisser penser à une stagnation de la dynamique du libre dans les territoires. L'arbre des collectivités qui affichent leur volontarisme cache cependant la forêt des utilisateurs de logiciels libres, parfois même sans le savoir. L'Adullact cite ainsi l'exemple du contrôle de légalité via la plateforme libre Slow2 utilisée par la plupart des collectivités. La Direction interministérielle du numérique (Dinum) et l'ANCT contribuent également à la diffusion du libre. Les quelque 85 services à destination des collectivités ont en effet pour première exigence d'être réutilisables pour se diffuser largement. 
À l'occasion du salon Open Source Expérience, Stéphanie Schaer, la directrice interministérielle du numérique, a réaffirmé son soutien à l'Adullact qui "instancie" des solutions développées par l'Etat, telles que la plateforme "Démarches simplifiées", son usine à formulaires, la plateforme "espace sur demande" ou encore "mon suivi social". La même Dinum a par ailleurs affiché son ambition d'étendre la palette des logiciels libres constitutifs de la "suite numérique" de l'Etat. Après Tchap (messagerie instantanée), Webconf (webinaires) et France Transfert (transfert de fichiers), l'Etat teste Grist (dédié à la manipulation de données), un webmail et un outil de traitement de texte. Des outils conçus par et pour l'administration qui pourraient changer l'équation du libre sur le poste de travail en s'attaquant aux outils quotidiens des agents. Il restera à ce que l'ensemble de ces outils bureautiques soient effectivement accessibles aux collectivités, ce qui n'est pas le cas pour le moment.