Certificats d'économies d'énergie : ouverture de la quatrième période sur fond de fraude
Les textes ( un décret et deux arrêtés) prévoyant des évolutions des modalités des opérations et des demandes de certificats d’économies d’énergie (CEE) pour la quatrième période (2018-2020) sont parus au Journal officiel le 31 décembre. Plusieurs programmes d’accompagnement en faveur des ménages en situation de précarité énergétique ou de sensibilisation aux économies d’énergie ont par ailleurs été reconduits par la voie d'arrêtés.
Mais alors que la "phase 4" du dispositif s’ouvre - avec à la clé une augmentation importante des volumes de CEE à produire par les obligés -, Tracfin, la cellule anti-blanchiment de Bercy, alerte dans son dernier rapport annuel, rendu public le 12 décembre, sur la menace d’un détournement par les réseaux criminels transnationaux. Avec la montée en puissance du dispositif, " il existe un réel risque que les sociétés fraudeuses éludent les sociétés saines et que les CEE indus se substituent aux CEE légitimes". Depuis 2016, Tracfin a en effet observé une augmentation significative du nombre de dossiers en lien avec les fraudes aux CEE.
Cible privilégiée des escrocs, les CEE "précarité" pour lesquels le dispositif a consacré un milliard d’euros au cours des deux dernières années. Mieux valorisés que les CEE classiques, ces opérations accentuent, selon la cellule de Bercy, "le risque de distorsion coût/bénéfice et donc l’incitation à l’arrivée d’acteurs mal intentionnés".
Système vicié
La faille du marché tient principalement au statut de délégataire "obtenu facilement, sans avoir à produire de justifications suffisantes sur la nature de l’activité", pointe le rapport. Or, une fois que le délégataire a accès au marché, le risque est qu’il présente des dossiers fictifs, afin de bénéficier de CEE sans avoir effectué les travaux correspondants. D’autant que l’obligé ou le délégataire ne doit présenter les documents détaillés qu’en cas de contrôles. Aucun document justificatif n’est transmis a priori au Pôle national des certificats d’économie d’énergie (PNCEE). Avec des effectifs réduits à douze agents, ce dernier est en outre bien en peine de remplir correctement cette mission. Pour Tracfin, le système est ainsi vicié "car la nécessité du contrôle n’a pas été suffisamment prise en compte, ni dans son organisation ni dans son dimensionnement". "Les contrôles, par échantillonnage et a posteriori, semblent insuffisants, même s’ils ont permis la détection de certaines fraudes", souligne le rapport.
La dernière lettre d’information du ministère de la Transition écologique concède avoir relevé dans le cadre des contrôles menés, "certains cas exceptionnels" de pratiques de nature frauduleuse. Premier signe de cette prise de conscience ? Un arrêté - publié le 22 décembre dernier - est venu faire le ménage dans la liste des programmes éligibles.
L’identification d'une fraude avérée "conduira à l'annulation des CEE sur le compte de leur détenteur", indique le ministère, qui rappelle les acheteurs de CEE à "leur nécessaire devoir de vigilance". La liste des sociétés délégataires est publique, insiste de son côté Bercy. "Les professionnels assujettis, en particulier les établissements financiers, doivent vérifier à partir de cette liste si leurs clients personnes morales sont des sociétés délégataires". Si c’est le cas, Tracfin conseille de les placer en vigilance renforcée.
Références : décret n° 2017-1848 du 29 décembre 2017 modifiant les dispositions de la partie réglementaire du code de l'énergie relatives aux certificats d'économies d'énergie ; arrêté du 29 décembre 2017 modifiant l'arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d'application de la troisième période du dispositif des certificats d'économies d'énergie ; arrêté du 29 décembre 2017 modifiant l'arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d'une demande de certificats d'économies d'énergie et les documents à archiver par le demandeur ; arrêté du 18 décembre 2017 portant reconduction de programmes dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie pour l'année 2018 ; arrêté du 18 décembre 2017 portant abrogation de programmes dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie ; arrêté du 18 décembre 2017 portant reconduction des programmes "Toits d'abord", "SMEn" et "Watty à l'école" dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie.