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Environnement - Catastrophes naturelles : de nouvelles pistes pour remédier aux carences de la prévention

Les inondations meurtrières survenues début octobre sur la Côte d'Azur ont une nouvelle fois démontré les failles de la politique de prévention des catastrophes naturelles. Une étude présentée le 27 octobre par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) propose des pistes d'amélioration pour les territoires confrontés à ces risques, en responsabilisant davantage les acteurs. Dans les communes particulièrement exposées, où des plans de plans de prévention ont été prescrits, l'étude suggère de cesser de délivrer des permis de construire dans les zones potentiellement à risques tant que les plans n'ont pas été approuvés.

"En matière de catastrophes naturelles, nous sommes les meilleurs au monde pour la gestion de crise mais aussi les plus mauvais élèves en termes de prévention", constate Alain Ferreti, rapporteur d'une étude sur les territoires face aux catastrophes naturelles présentée le 27 octobre devant l'assemble plénière du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Les ravages provoqués par les dernières pluies diluviennes dans plusieurs communes de la côte d'Azur ont offert une nouvelle illustration des carences de la prévention, souligne le Cese : urbanisation non maîtrisée et artificialisation excessive des sols, changement climatique aggravant certains phénomènes météorologiques, manque d'appropriation de la culture du risque par la population, faiblesse de certains outils, etc.

Des risques sous-estimés

De manière plus globale, les auteurs de l'étude ont cherché à dresser le bilan de vingt ans de politique de prévention et à prendre la mesure des enjeux liés aux deux risques les plus coûteux sur le plan économique : les inondations et les retraits et gonflements des argiles liés aux périodes de sécheresse à répétition. "60% des communes sont aujourd'hui exposées à un ou plusieurs risques naturels, indique Alain Ferreti. De surcroît, les risques se concentrent sur les zones les plus attractives (côte méditerranéenne, littoral atlantique)". Face à l'accélération du nombre de catastrophes à partir des années 1980, de nouveaux outils de prévention ont vu le jour. Mais ils sont encore loin d'être opérationnels sur tous les territoires qui en auraient besoin. "Un peu plus de 10.000 communes exposées à des risques sont dotées d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN) approuvé, alors qu'il en faudrait le double et seuls 4.000 plans communaux de sauvegarde ont été élaborés", note Alain Ferreti.

Autre facteur aggravant, selon lui : la population qui n'a pas été directement touchée par une catastrophe ne croit plus à l'existence du risque. "On oublie par exemple que si une nouvelle crue centennale de la Seine survient comme en 1910, 800.000 personnes seraient directement concernées, on perdrait 3% de PIB, les réseaux ne fonctionneraient plus et il faudrait plus de six mois pour tout reconstruire". Ces failles dans l'appréhension des risques naturels sont d'autant plus préoccupantes selon lui qu'il faut tout à la fois gérer l'héritage du passé – on a beaucoup construit à partir des années 50 dans les territoires exposés – et prévoir l'avenir alors que le rythme des événements climatiques extrêmes s'accélère. Or, souligne-t-il, "on met très longtemps à approuver les plans de prévention de risques et on continue à construire". Autre facteur tendant à une déresponsabilisation générale : le système d'indemnisation des dommages, "parmi les meilleurs au monde", insiste-t-il, mais aussi très coûteux au final.

Recenser les zones les plus exposées

Pour améliorer la prévention des risques, l'étude du Cese propose trois grands volets d'actions. Le premier vise à la fois à faciliter le retour à un mode de fonctionnement normal après une catastrophe et à atténuer les dommages liés aux risques naturels. Parmi les mesures liées à ce volet, le Cese propose de recenser en priorité les zones les plus exposées pour sécuriser les personnes et les lieux et pouvoir ainsi évaluer les investissements nécessaires à réaliser pour améliorer la prévention et la gestion du risque. Il appelle également à mettre en place un fonds spécifique pour gérer les risques hérités du passé comme celui des quelque 1.600 km de digues "orphelines", autrement dit sans propriétaire connu et laissées à l'abandon.

Il suggère aussi de favoriser une approche européenne du risque de tempête "pour en optimiser la gestion et ne pas laisser les populations les plus vulnérables sans couverture assurantielle". Il faudrait ainsi "rechercher un partenariat entre les pouvoirs publics et les sociétés d'assurances permettant un financement pérenne des conséquences de ce risque". "L'idéal serait de pouvoir instaurer au niveau européen un système Cat-Nat [catastrophe naturelle, ndlr] dans l'esprit du modèle français, avance le Cese. L'objectif poursuivi serait de s'appuyer sur des mécanismes assuranciels sans exclure une intervention publique ponctuelle en direction des risques de pointe que le secteur privé n'est pas en mesure d'assurer seul". Il faudrait aussi "tendre vers une politique de prévention européenne" en conditionnant l'intervention du mécanisme européen de couverture FSUE* au respect de standards minimums de prévention et en ciblant davantage sur les risques non assurables, par exemple. Le Cese estime aussi que la Commission européenne devrait pouvoir adresser des recommandations aux Etats membres, ce qui n'est actuellement pas prévu dans le cadre du FSUE. Les auteurs de l'étude insistent également sur la nécessité de "sensibiliser à la prévention et à la réalité du risque en responsabilisant l'assuré". Tout en maintenant les principales caractéristiques de la solidarité tarifaire "pour ne pas rendre inassurables des biens situés dans les zones les plus exposées aux aléas naturels", ils proposent donc de moduler les cotisations d'assurances en fonction de la zone où se trouve le bien assuré.

Plans de prévention des risques naturels : pour des délais raccourcis

Parallèlement, il juge indispensable de réduire la période souvent très longue entre le moment où un plan de prévention des risques naturels (PPRN) est prescrit dans une commune et celui où il est approuvé, "de même que le délai de trois ans actuellement en vigueur devrait être réellement respecté et non prolongeable". Dans le laps de temps où un PPRN est prescrit au sein d'une commune et celui où il est approuvé, le Cese propose aussi d'interdire la délivrance de permis de construire dans le périmètre retenu sur la base de la cartographie de l'aléa. Pour mieux diffuser la culture du risque, le Cese estime également utile de doter les collectivités des outils numériques permettant de représenter en trois dimensions les conséquences d'une catastrophe naturelle (inondation, submersion marine, avalanche, etc.) à l'échelle locale. Il faudrait aussi selon lui réaliser régulièrement des exercices de sécurité civile associant les populations.

Mieux prévenir les risques actuels et futurs

Pour améliorer la prévention des risques actuels et futurs, les auteurs de l'étude appellent à agir sur "quatre vecteurs principaux" : "l'exposition de la population et des infrastructures, la vulnérabilité des enjeux, les facteurs anthropiques d'exposition et l'anticipation du changement climatique". "Un certain nombre de mesures pourraient être prises dans les zones connues pour leurs risques naturels en faisant preuve de bon sens", soulignent-ils. Et de citer, à titre d'exemple, qu'en cas de risque avéré d'inondation de plaine, "la première mesure à prendre est de ne délivrer aucun permis de construire dans les zones d'expansion de crue ou situées à proximité du lit d'un cours d'eau". Face aux risques d'inondations, les nouveaux bâtiments situés dans les zones à risque devraient bénéficier de techniques adaptées (construction sur pilotis, fondations renforcées…) tandis que les bâtiments existants devraient eux aussi comporter des aménagements spécifiques (occultation des voies pénétrantes, rehaussement des coffrets électriques, etc.). Le Cese soutient aussi toutes les mesures permettant de mieux préserver les terres agricoles, naturelles et forestières et de "protéger les fonctions éco-systémiques" des sols (existence de haies, de fossés, etc.). Il milite également pour qu'un débat public soit organisé au niveau national et local afin de "définir un niveau de risque considéré comme acceptable par la population et les décideurs publics". Autre proposition : apporter des améliorations au Fonds Barnier en choisissant soit de le spécialiser dans le financement des politiques publiques de prévention soit de le recadrer sur ses missions assurantielles.
La dernière partie de l'étude du Cese est consacrée à la manière de mieux prévenir et gérer le risque de crue de la Seine. L'étude propose notamment de "clarifier la prise en compte du risque inondation dans les documents d'urbanisme et de planification et d'intégrer l'objectif de réduction de vulnérabilité dès la conception des projets liés au Grand Paris".

Anne Lenormand

*Fonds de solidarité de l'Union européenne créé en 2002 pour fournir une assistance financière aux pays de l'union européenne confrontés à des catastrophes naturelles majeures dont les dommages directs dépassent les 3 milliards d'euros 

 

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