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Budget vert en Mayenne : "un outil pédagogique particulièrement vertueux", estime Olivier Richefou

La Mayenne a été l’an passé le premier département à mesurer l’impact de ses actions sur l’environnement, avec l’élaboration d’un "budget vert". Le conseil départemental renouvelle cette année l’opération – élargie au Sdis –, en peaufinant la méthodologie. Olivier Richefou, président du conseil départemental, dévoile les recettes d’une opération au long cours, où il faut "faire preuve de modestie".

Localtis : Votre département va présenter les 9 et 10 décembre prochains pour la deuxième fois un "budget vert". Comment se présente-t-il ?

Olivier Richefou : L’exercice consiste à cartographier l’impact environnemental des différentes actions du département. Concrètement, nous apprécions chaque dépense au regard de six axes – la lutte contre le changement climatique ; l’adaptation à ce dernier et la prévention de risques naturels ; la gestion de l’eau ; l’économie circulaire, les déchets et la prévention des risques technologiques ; la lutte contre les pollutions et, enfin, la biodiversité et la protection des espaces naturels, agricoles et sylvicoles – afin de déterminer si elles sont favorables, défavorables ou neutres au regard de ces objectifs. Cette analyse est relativement fine, puisque l’on tient aussi bien compte des impacts positifs que négatifs que peut recouvrir une même action. Par exemple, le réemploi de matériaux pour la construction d’un bâtiment emporte assurément des effets positifs, mais la quote-part de dépenses défavorables de ce bâtiment ne sera pas identique selon qu’il est construit sur une surface déjà urbanisée ou, au contraire, à artificialiser. L’objectif est d’avoir le système le plus transparent possible.

Qu’en attendez-vous et comment procédez-vous concrètement pour le façonner ?

A terme, l’objectif est naturellement de faire de ce budget vert un outil d’aide à la décision. Chaque fois que nous prenons une décision, nous devons mesurer son impact environnemental afin de pouvoir, le cas échéant, corriger le tir. Naturellement, toutes les actions ne pourront jamais être complétement favorables à l’environnement. La construction d’une nouvelle route, même pour y faire rouler des véhicules électriques ou des vélos, emportera toujours un effet négatif. Pour autant, les marges de progrès sont considérables.
Dans l’immédiat, c’est un outil pédagogique particulièrement vertueux, qui favorise la prise de conscience environnementale par les différents services du département. C’est ce qui nous a conduit, depuis l’origine, à réaliser cette opération entièrement en interne, sans avoir recours à un prestataire extérieur. Mais sans pour autant partir d’une feuille blanche. Nous avons repris la même méthodologie que le gouvernement a retenue pour le budget de l’État, élaborée en 2019 par l'Inspection générale des finances et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) (voir notre article). Concrètement, l’opération est pilotée par notre direction financière, et non par les équipes spécialisées en matière environnementale. Il est en effet primordial que la démarche mobilise et irrigue l’ensemble des services. Qu’elle soit l’affaire de tous. Dans chaque direction, un technicien référent a été désigné, de même que l’est un élu dans chacune de nos neuf commissions, qui sera chargé d’assurer le suivi. L’ensemble étant placé sous la responsabilité de la 1re vice-présidente du conseil, Nicole Bouillon.

Quelle a été la réaction des services face à cette nouvelle "charge" ? Et, plus largement, celle des Mayennais ?

La démarche a d’emblée été accueillie très positivement par les services du conseil. Je n’ai connaissance d’aucune remontée négative du personnel, que ce soit via les syndicats ou la direction générale des services. Nous avons la chance en Mayenne d’avoir une direction financière toujours à l’avant-garde, avec des équipes avides de nouveautés. Et l’ensemble des services a montré beaucoup d’appétence et d’envie pour ce dispositif. Ils se sont totalement approprié la démarche.
Pour les Mayennais, celle-ci reste relativement abstraite. Ce n’est pas encore un sujet grand public, même si là encore les retours que je peux recueillir sont toujours positifs.

Avec ce deuxième exercice, avez-vous déjà pu mesurer des progrès concrets ?

Il est difficile de comparer les deux exercices dans la mesure où nous avons cette année peaufiné le dispositif, en ajoutant une quatrième catégorie : les dépenses "non cotées". Il s’agit des dépenses pour lesquelles nous ne disposons pas encore de suffisamment d’éléments probants pour les classer dans l’une des trois autres catégories. Tel est le cas, par exemple, des dépenses liées au numérique, dans l’attente des conclusions des études actuellement conduites par l’État. Nous avons en conséquence "réaffecté" certaines dépenses. Bref, les périmètres ne sont pas comparables. Le premier budget constituait en quelque sorte l’année 0. Avec cette nouvelle édition, nous disposons de l’année N, qui nous permettra de mesurer les progrès accomplis année après année.
Il est une autre nouveauté que je tiens à relever : le fait que, à nouveau pour la première fois en France, le service d’incendie et de secours de la Mayenne va lui aussi se doter de son propre budget vert, selon la même méthodologie. Nos sapeurs-pompiers ont commencé à passer au peigne fin leurs dépenses. Là encore, les marges de manœuvre sont importantes, si l’on pense à l’électrification des véhicules de liaison ou de désincarcération, sans parler à terme des véhicules à l’hydrogène, qui commencent à émerger, ou encore de la gestion de la ressource en eau.
De manière générale, il faut toutefois faire preuve de beaucoup de modestie. D’abord parce que c’est une approche nouvelle, que nous améliorons au fur et à mesure que nous avançons. Ensuite parce que la révolution ne se fera pas en un jour. C’est un exercice de longue haleine ! Cela dit, je perçois déjà des changements de comportement. Je constate par exemple l’essor des clauses environnementales dans notre commande publique. C’est évidemment une volonté politique, mais l’on remarque que les services se l’approprient. Autre exemple : nous avons l’ambition de porter de 50 à 75% la part de produits locaux et bio dans les collèges, avec pour finalité d’améliorer la qualité des repas, d’offrir davantage de débouchés à notre agriculture mais aussi de réduire le bilan carbone lié au transport. Or je relève que ce dernier argument a permis de lever certaines réticences qui prévalaient parfois jusqu’ici.