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Décentralisation - Bruno Rémond : "La fausse réforme de l'acte II est un gâchis politique"

A la faveur de la campagne présidentielle, l'Institut de la décentralisation publie un nouveau réquisitoire contre la loi du 13 août 2004 et plante le décor de "l'acte III de la décentralisation".

L'Institut de la décentralisation (IDD) est bien décidé à faire de la "régionalisation" l'un des enjeux de la campagne présidentielle. Quelques semaines après le réquisitoire de l'universitaire Jacques Caillosse ("Repenser les responsabilités locales") contre le "rendez-vous manqué" de l'acte II de la décentralisation, Bruno Rémond, professeur à Science-Po Paris, enfonce le clou. Auteur du rapport "La région, une France d'avenir" pour l'IDD, il n'y va pas de main morte. Vidée de sa substance à coups de "mesquinerie politique" et de "pingrerie", "la fausse réforme de l'acte II est un gâchis politique", dénonce-t-il. Selon lui, la loi du 13 août 2004 a même fait reculer l'idée de décentralisation. "La France est très en retard par rapport aux grandes démocraties", les régions françaises sont aujourd'hui des "colosses aux pieds d'argile" dépourvus de pouvoir normatif.
Mais Bruno Rémond ne se contente pas de sonner la charge. Se présentant comme un "écrivain public", il pose les jalons de ce que pourrait être un acte III de la décentralisation, "une nouvelle architecture institutionnelle".
Pour lui, il est tout d'abord nécessaire d'instaurer un mandat unique. "C'est peut-être ce qui fera le plus mal aux élus", prévient-il. "Tout membre d'un exécutif régional ne pourrait plus détenir d'autres fonctions, exécutives, ni au plan national ni au plan niveau territorial."

Pour un pouvoir normatif régional

Il propose de supprimer les préfets de région et de donner un véritable pouvoir normatif aux conseils régionaux, car "aujourd'hui, les régions ne sont que les chefs de bureau des préfectures". L'idée est donc de "transférer aux exécutifs régionaux un pouvoir de nature réglementaire leur permettant d'appliquer les textes de nature législative régissant la définition et la réalisation des politiques publiques de leur responsabilité". Le rapport envisage l'instauration d'une "conférence Etat-régions" dotée d'un "système de régulation et de résolution des conflits" sur les différents textes adoptés.
Bruno Rémond préconise également une grande réforme du Sénat pour en faire l'assemblée représentative des territoires, à l'image du Bundesrat allemand, en faisant élire les sénateurs au niveau régional et non plus départemental.
Autre chantier : la place des départements. Selon Bruno Rémond, il faut "organiser la disparition des départements dans les zones fortement agglomérées". "Il ne faut pas supprimer tous les départements, mais enfin dessiner une carte conforme à la réalité des territoires, explique-t-il. Les départements ruraux, Creuse, Corrèze, Lozère, sont de bons coupons de tissus pour que les élus prennent leurs responsabilités, mais dans les grandes agglomérations, on pourrait faire l'économie du département en transférant ses compétences vers le haut ou vers le bas."

Donner l'autonomie fiscale aux régions

Le rapport pose également la question  du financement de la "régionalisation" et de "l'autonomie fiscale" des régions. Pour Bruno Rémond, le transfert de certains impôts nationaux comme la taxe intérieure sur les produits pétroliers n'est qu'un pis-aller. Par ailleurs, le système des dotations est soumis à la "variabilité liée aux problèmes de la dette nationale". Il faut "affecter au financement des régions un certain pourcentage du produit d'un grand impôt national" (impôt sur le revenu ou TVA). Pour remédier aux disparités régionales, le rapport suggère la "conception d'un système de péréquation régional", comme en Allemagne.
Seul regret à la lecture de ce rapport : à l'heure où le budget de l'Etat affiche un déficit de 41 milliards d'euros, nulle part n'est évalué le coût de la décentralisation.
Maintenant que les jalons de la réforme sont posés, "les candidats à l'élection présidentielle doivent s'en emparer", insiste Adrien Zeller. Pour le président du conseil régional d'Alsace et co-président de l'IDD, la "décentralisation n'est ni de gauche, ni de droite, il est grand temps de rompre avec un jacobinisme généralisé".

Michel Tendil