Rénovation thermique de logements énergivores : quel bilan pour l’éco-prêt, 10 ans après son lancement ?
L’éco-prêt est un prêt à taux bonifié qui permet aux bailleurs sociaux de financer la rénovation thermique de logements sociaux énergivores. Alors que ce dispositif fêtait en 2019 ses 10 ans d’existence, la Banque des Territoires a diligenté une vaste évaluation afin de mesurer et de documenter de manière précise les impacts de l’éco-prêt au niveau national, mais aussi du point de vue du bailleur et du locataire.
Une évaluation particulièrement ambitieuse
En pleine crise sanitaire et économique, et dix ans après le lancement du dispositif éco-prêt, l’objectif de l’évaluation de la Banque des Territoires était triple :
- mesurer la contribution de l’éco-prêt au niveau national et comprendre comment ce dispositif s’articule avec d’autres financements existants ;
- appréhender au niveau micro l’effet net des réhabilitations sur les économies d’énergie ;
- quantifier l’impact des éco-prêts d’un point de vue bailleur sur l’activité de rénovation des logements sociaux, et d’un point de vue locataire sur la qualité de vie.
Cette étude est quasiment inédite par son ampleur et surtout sa précision. Nous voulions obtenir la vision la plus juste possible des impacts de l’éco-prêt, en se référant aux impacts réellement observés et non seulement théoriques
Par ailleurs, la Banque des Territoires a souhaité une granularité particulièrement fine en menant deux actions rarement réalisées dans ce type d’évaluation. D’une part, l’analyse technique approfondie d’un échantillon d’opérations de rénovation jusqu’au niveau des factures de travaux et des factures d’énergie avant et après travaux, et d’autre part, des entretiens et ateliers avec des bailleurs, des locataires ou des associations d’habitants, afin de recueillir leur ressenti précis.
« Cette étude est quasiment inédite par son ampleur et surtout sa précision. Nous voulions obtenir la vision la plus juste possible des impacts de l’éco-prêt, en se référant aux impacts réellement observés et non seulement théoriques », déclare Julien Garnier, Chef de projet évaluation extra-financière, en charge notamment d’évaluer les impacts des projets et programmes de la Banque des Territoires au sein du Pôle Stratégie durable et évaluation.
Diligentée par le Département des finances et la Direction des prêts, l’évaluation réalisée par la SCET, le bureau d’études spécialisé Pouget Consultants et le cabinet de conseil Aatiko a permis de dresser un état des lieux précis de l’éco-prêt.
Cette évaluation fait suite à une première analyse de l’impact de l’éco-prêt sur la période 2015-2019, menée par le service des études de la direction des prêts de la Banque des Territoires1. En privilégiant une approche opérationnelle et des retours du terrain, cette nouvelle évaluation permet à la Banque des Territoires de compléter sa première analyse et de disposer d’un bilan complet de l’éco-prêt
Un dispositif plébiscité par les bailleurs sociaux
Premier enseignement, l’éco-prêt jouit d’une excellente réputation : même s’il reste en concurrence avec d’autres types de financements, le nombre de bailleurs sociaux ayant déposé au moins un dossier (accepté) a bondi de 82% entre 2013 et 2016 ! Pour la seule année 2018, 40% des bailleurs français y ont eu recours. « Ce succès s’explique par l’attractivité des taux proposés, même si cette dernière s’est quelque peu réduite depuis 2019 en raison du fort recul des taux d’intérêt sur les marchés. Le recours important à l’éco-prêt traduit aussi un engagement très fort du secteur du logement social en faveur des économies d’énergie », explique Julien Garnier.
La rénovation des “passoires thermiques” constitue un enjeu majeur dans la Stratégie nationale bas carbone adoptée fin 2015 par la France car le bâtiment résidentiel représente à lui seul 28% des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays (en tenant compte des émissions directes des bâtiments, mais aussi des émissions indirectes liées à la production d’énergie qu’ils consomment). Le secteur du logement social, qui représente un logement sur cinq en France, s’est fixé un objectif ambitieux d’éradication de ces passoires thermiques d’ici 2027. Par ailleurs, plus de 30% de l’objectif du secteur de rénover 800 000 logements énergivores à horizon 2020 a été atteint avec le concours de l’éco-prêt.
Les bailleurs ont relevé la lisibilité de l’éco-prêt et la constance des critères d’éligibilité
L’évaluation nous apprend par ailleurs que les bailleurs sociaux, qui ont accueilli très favorablement l’enquête, apprécient particulièrement la stabilité du dispositif. « Ils ont souligné, au cours de l’enquête, la lisibilité du prêt et la constance des critères d’éligibilité dans le temps, alors que le reste de leur environnement réglementaire est parfois très mouvant ». La prévisibilité de l’éco-prêt est un facteur important pour mener des projets immobiliers de grande ampleur et initier des prévisions financières à long terme.
Enfin, les bailleurs apprécient particulièrement la simplicité des démarches en ligne.
Une implication des locataires tout au long des projets
« Les associations de locataires rencontrées dans le cadre de l’évaluation ont montré l’importance d’impliquer au maximum les locataires dans les projets de rénovation, particulièrement lorsque ces derniers sont associés à une promesse d’économies sur le budget énergétique et/ou de meilleur confort au quotidien », relate Julien Garnier.
Les questionnaires et entretiens menés avec eux révèlent en effet que, dans les opérations où elles ont été mises en place, la concertation large et l’information régulière en amont ont été largement appréciées. Ces précautions ont d’ailleurs permis une meilleure remontée des besoins, un dimensionnement plus pertinent des travaux et une négociation plus facile des conséquences financières des rénovations.
En aval, cette implication des habitants génère également une valeur d’usage supérieure, puisque les éventuelles incompréhensions (cf. la « troisième ligne de quittance », par exemple) sont mieux résolues, et les bonnes pratiques à adopter en vue d’un bon usage des nouveaux équipements se diffusent plus rapidement.
Par ailleurs, d’après les résultats de l’enquête auprès de 200 locataires et de l’atelier de travail avec les associations de locataires, les habitants des logements rénovés sont plus mesurés quant au partage des économies réalisées dont ils ne perçoivent pas systématiquement la répercussion sur leur facture d’énergie ou sur le montant de leurs charges. Cette non-répercussion dans leur budget des économies d’énergie permises par la rénovation dépend de l’équilibre financier des opérations, du niveau de tension du marché locatif alentour et des marges dont dispose le bailleur.
L’évaluation montre l’importance d’impliquer au maximum les locataires dans les projets de rénovation
Des impacts extra-financiers significatifs
Au-delà des prismes locataire et bailleur, l’éco-prêt a démontré au cours des dix dernières années sa contribution à des enjeux collectifs de premier plan. Tout d’abord, il participe de manière non négligeable à l’effort national d’éradication des passoires thermiques. Ensuite, les travaux financés par le biais de l’éco-prêt sont en général des rénovations ambitieuses, globales et en profondeur – ils interviennent souvent sur plusieurs équipements à la fois : ventilation, toiture, murs extérieurs, fenêtres, etc. – et 80% des logements ont, après travaux, gagné au moins deux classes du diagnostic de performance énergétique (DPE) et entrent ainsi dans les classes les plus performantes (A, B ou C). Le gain moyen théorique de consommation sur les 16 opérations étudiées s'élève à 59%, dépassant amplement le critère d’éligibilité de l’éco-prêt, fixé à 40 %. Huit de ces opérations, qui permettaient une analyse sur la base des consommations réelles (factures), montrent toutefois que le gain de consommations énergétiques réel moyen mesuré est moindre et s’établit à 41 %, ce qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs : température de consigne trop élevée, mauvais équilibrage de l’installation post travaux ou encore par des biais liés à la méthode de calcul. Et les impacts sont confirmés par les habitants eux-mêmes, qui témoignent de manière générale d’un véritable gain de confort, notamment thermique. Ainsi, on compte aujourd’hui 5% d’étiquettes F et G dans le logement social, contre 17% pour l’ensemble du parc public et privé.
L’amélioration de la qualité de vie dans le logement bénéficie à l’ensemble de la collectivité
Au regard du double bénéfice écologique et social constaté sur le terrain, et à l’impact massif de l’éco-prêt en faveur de la rénovation thermique du parc social, la très grande efficacité de ce prêt attractif et vertueux est confirmée
Cette amélioration tangible de la qualité de vie est un élément important pour la Banque des Territoires car « il s’agit d’une donnée qualitative, non financière, mais qui bénéficie à l’ensemble de la collectivité – en termes de santé physique et mentale individuelle et collective, de sécurité, de pouvoir d’achat », rappelle Julien Garnier. L’éco-prêt contribue également à améliorer l’attractivité des territoires, s’inscrivant ainsi directement dans la politique locale d’aménagement. La quatrième génération d’éco-prêt, attendue en 2023, s’inscrit dans cette dynamique tout en poursuivant le souhait de toujours mieux répondre aux attentes et besoins des clients de la Banque des Territoires.
1 Eclairages n°24 – « Dix ans après son lancement, quel est l’impact de l’Eco-Prêt ? » (Banque des Territoires, 2020).