Logement social : cap sur les rénovations énergétiques ambitieuses !
En France, 25 % des émissions de gaz à effet de serre viennent de nos bâtiments et 17 % de nos logements sont des passoires thermiques. Face à ces constats, la neutralité carbone en 2050 semble hors de portée, à moins d’une accélération des rénovations énergétiques. C’est précisément l’objectif visé par des organismes de logement social qui, comme souvent précurseurs, sont en train d’adopter des méthodes innovantes de rénovation de leur parc à grande échelle. Regards croisés entre ces pionniers de la massification en France et la Banque des Territoires qui les accompagne.
L’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments, et en particulier des logements sociaux, fait partie des priorités du gouvernement. Preuve en est, l’enveloppe de 500 millions d’euros du plan de relance visant à soutenir la réhabilitation du parc locatif social. Dans cette enveloppe, 40 millions d’euros sont dédiés à l’appel à projets MassiRéno, dont l’objectif est d’industrialiser la rénovation des logements sociaux, via des projets garantissant une performance énergétique élevée.
Objectif zéro passoires énergétiques
Le projet de loi Climat et Résilience, quant à lui, prévoit d’interdire la mise en location des passoires énergétiques les plus dégradées dès 20233 et l’ensemble en 2028. Leur élimination s’impose donc comme une priorité pour les années à venir. Or, le mouvement est déjà en marche du côté de l’habitat social. « 7 % des logements sociaux sont considérés comme des passoires thermiques, ce qui est inférieur au niveau national de 17 %, explique Gil Vauquelin, directeur de la Transition énergétique et écologique en charge du plan de relance à la Banque des Territoires. Nous voyons bien que les bailleurs sociaux travaillent d’ores et déjà sur le traitement des passoires ». Et comme le rappelle Nil Bayik, cheffe de projet logement social au sein de la Caisse des Dépôts, « la démarche de rénovation énergétique est évidente pour l’habitat social. Les bailleurs ont toujours cette idée d’entretenir leur patrimoine, de garantir le bien-être des locataires, mais aussi d’être à l’avant-garde des évolutions technologiques et écologiques ». Une avant-garde qui en conduit de plus en plus à passer la vitesse supérieure à travers la massification de rénovations ambitieuses et extrêmement performantes.
Les bailleurs sociaux ont toujours cette idée d’entretenir leur patrimoine, de garantir le bien-être des locataires, mais aussi d’être à l’avant-garde des évolutions technologiques et écologiques.
Bousculer les codes de la rénovation énergétique
« L’intérêt de la massification, c’est d’arriver, sur une typologie donnée de logements sociaux, à appliquer des méthodes industrielles de rénovation », explique Gil Vauquelin. Il s’agit donc d’entraîner une forte montée en volume des travaux pour rénover plus vite. Mais ce n’est pas tout. Il faut également rénover mieux. En d’autres termes, massifier la performance énergétique des logements. « L’ambition est d’être en ligne avec la stratégie de neutralité carbone à horizon 2050, précise Gil Vauquelin. Il faut donc réaliser des projets de rénovation qui concilient une volumétrie et une performance énergétique plus importantes ».
Par ailleurs, dès lors qu’il s’agit de changer d’échelle et d’engager des rénovations ambitieuses, vient se poser la question du coût. « Ces rénovations sont très coûteuses sur les premières vagues, souligne Nil Bayik. C’est pourquoi, en tant que premier financeur du logement social, la Banque des Territoires aide les organismes HLM à initier l’industrialisation de la démarche ». Il s’agit d’un levier essentiel pour rendre les projets économiquement viables pour les bailleurs sociaux et ainsi encourager le déploiement de telles opérations partout en France.
L’enjeu de la massification est de réaliser des projets de rénovation qui concilient une volumétrie et une performance énergétique plus importantes.
Autre facteur de réussite pour massifier les rénovations dans l’habitat social : mettre tous les acteurs autour de la table. Il est important de créer un écosystème territorial pour faire émerger des réalisations exemplaires. Si les bailleurs sociaux portent souvent les projets, la collaboration avec d’autres partenaires participe à leur concrétisation. Ainsi, les collectivités, l’Ademe, les entreprises de la région ou encore la Banque des Territoires ont un rôle clé à jouer pour créer de nouvelles filières économiques qui vont permettre de rénover massivement. Ce travail collectif, c’est notamment ce qui est en train de se jouer dans les Pays de la Loire et la Bretagne avec le projet EnergieSprong. Autrement dit, l’une des plus importantes expérimentations françaises de rénovation énergétique des logements sociaux à grande échelle.
EnergieSprong en Pays de la Loire, un cas d’école
Tout droit venue des Pays-Bas, la démarche innovante EnergieSprong (« saut énergétique » en néerlandais) fait aujourd’hui des émules sur le territoire français. Initiée en 2018, et véritablement opérationnelle depuis 2020, elle fait en particulier l’objet d’une expérimentation sur 2 000 logements sociaux dans les Pays de la Loire et la Bretagne, sous l’impulsion de 14 organismes HLM constitués en centrale d’achat, et en partenariat avec la Banque des Territoires. Il s’agit d’une opération sans précédent dans l’Hexagone. Son objectif : déployer à grande échelle des rénovations énergétiques zéro énergie (E=0) garanties pendant 30 ans. Les premières réhabilitations devraient se faire en 2021-22.
« La démarche EnergieSprong nous invite à changer nos habitudes en matière de rénovation », raconte Axel David, directeur de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) des Pays de la Loire. La réhabilitation se déroule hors-site, c’est-à-dire que l’ensemble des blocs constructifs tels que les façades isolantes, les toitures équipées de panneaux solaires ou les systèmes de chauffage et de climatisation intelligents sont préfabriqués en usine, puis directement intégrés aux logements sociaux. Ainsi, les travaux peuvent être réalisés en site occupé et en un temps court pour préserver la qualité de vie des occupants.
La démarche EnergieSprong, c’est du jamais vu, il faut être plus performant que nous ne l’avons jamais été en réhabilitation énergétique, peut-être même plus que dans le neuf !
D’autre part, l’exigence en termes de performance énergétique est très élevée. Le but est de transformer des logements existants en logements à énergie neutre. En clair, ils seront capables de produire toute l’énergie dont les locataires ont besoin pour chauffer leur logement et leur eau, s’éclairer et faire marcher leur électroménager. « C’est du jamais vu, il faut être plus performant que nous ne l’avons jamais été en réhabilitation énergétique, peut-être même plus que dans le neuf estime Axel David. Et, en prime, les entreprises qui réalisent les travaux s’engagent sur 30 ans à maintenir le même niveau de performance au sein des bâtiments ». Résultat, le confort thermique des occupants est amélioré dans la durée et la précarité énergétique diminue. Bien que l’investissement initial soit élevé, la méthode d’industrialisation contribue à massifier les rénovations à haute performance énergétique et à diminuer progressivement les coûts. De plus, la démarche EnergieSprong participe au développement économique et à l’attractivité du territoire en faisant appel aux entreprises locales, en créant des emplois et en proposant des logements HLM en phase avec les attentes des locataires. En somme, un effet de masse qui a tout bon, et qui inspire déjà d’autres régions comme la région Auvergne-Rhône-Alpes ou la Nouvelle-Aquitaine.
Vers l’émergence de filières
Si la démarche EnergieSprong participe au développement d’une filière locale de massification des rénovations énergétiques dans l’habitat social, elle n’est pas la seule à exister en France. Par exemple, dans les Hauts-de-France, l’organisme Maisons & Cités entend industrialiser la rénovation de 20 000 logements du bassin minier en utilisant des matériaux biosourcés. « Nous nous sommes associés au CD2E, un pôle d’excellence de l’éco-transition de la région, pour trouver un matériau adapté à notre patrimoine protégé par l’Unesco, explique Franck Mac Farlane, responsable recherche et expertise chez Maisons et Cités. Après avoir réalisé une série d’expérimentations, le béton de chanvre est apparu comme une solution performante pour isoler par l’intérieur. Mais la question des coûts s’est rapidement posée et nous avons alors réfléchi au développement d’une filière ».
Pour développer la filière béton de chanvre et massifier les rénovations, l’objectif est désormais d’entraîner des prescripteurs comme les élus locaux ou d’autres bailleurs sociaux.
Aujourd’hui soutenue par Maisons et Cités (filiale de CDC Habitat), la filière chanvre se structure progressivement. Comme le rappelle Jean-François Campion, directeur général délégué chez Maisons et Cités, « l’objectif est désormais d’entraîner des prescripteurs comme les élus locaux ou d’autres bailleurs sociaux pour franchir le niveau supérieur et véritablement massifier les rénovations grâce au béton de chanvre ».
Une offre de prêts adaptée
Pour aider à massifier les rénovations ambitieuses et innovantes, la Banque des Territoires a adapté son offre de prêts. « Depuis juillet 2020, nous accompagnons le projet EnergieSprong en Pays de la Loire, explique Nil Bayik. Très vite, en dialoguant avec les différentes parties prenantes, nous avons senti la nécessité de réinventer notre offre pour répondre à l’ambition énergétique de la démarche, et ce, sur une durée très longue de 30 ans. Plutôt que de créer une nouvelle offre, nous avons étoffé notre offre phare en matière de réhabilitation des logements sociaux, l’Éco-Prêt ». Le montant du prêt a ainsi été porté à 22 000 € par logement en étiquette énergie E, F ou G avant travaux.
Par ailleurs, la Banque des Territoires finance ces projets via une offre de prêt à taux fixe (PAM Taux fixe complémentaire à l’Éco-Prêt ouvert aux logements entrant dans la démarche EnergieSprong ayant une étiquette C avant travaux), ainsi qu’un prêt haut de bilan (Prêt de haut de bilan bonifié à hauteur de 10 000 € par logement).
Depuis le printemps 2021, nous avons étendu ces conditions avantageuses à l’ensemble des projets E = 0 garantis sur 30 ans, mais aussi aux lauréats de l’appel à projets MassiRéno.
Si cette offre de prêts a d’abord été expérimentée dans le cadre d’EnergieSprong en Pays de la Loire, sa vocation est d’être élargie à d’autres projets, sur l’ensemble du territoire. « Depuis le printemps 2021, nous avons étendu ces conditions avantageuses à l’ensemble des projets E = 0 garantis sur 30 ans, mais aussi aux lauréats de l’appel à projets MassiRéno, souligne Nil Bayik. Notre objectif est d’encourager ce mouvement au sein du logement social en levant le frein financier initial et en apportant une réponse à toutes les typologies de logements ». Et Gil Vauquelin de conclure : « Notre volonté est de faire tache d’huile dans les territoires, auprès des bailleurs sociaux et des collectivités, pour faire changer l’échelle de la rénovation énergétique très ambitieuse et réduire la précarité énergétique en France. Cela fait partie de notre mission d’intérêt général et ce n’est que le début de l’histoire ».
1 Source : ministère de la Transition écologique, 2020
2 Source : ministère de la Transition écologique, Données et études statistiques, « Le parc de logements par classe de consommation énergétique », 2020
3 Premier seuil en 2023 : 450 kWh/m².an d’énergie finale fixé par décret comme le seuil « d’indécence énergétique » . 2025 : un nouveau niveau de performance énergétique pourra être fixé par voie réglementaire 2028 : logements « très consommateurs » ou « extrêmement consommateurs d’énergie » au sens de l’article 38 du présent projet de loi