Construire l’école de demain
Les établissements scolaires publics – écoles, collèges, lycées – représentent la moitié du patrimoine immobilier des collectivités territoriales. Chaque année, celles-ci consacrent près de 8 milliards d’euros à la rénovation de ce patrimoine colossal.
Pourtant, alors que le monde se transforme plus vite que jamais, que les technologies, les usages et besoins ont profondément changé, les bâtiments scolaires n’ont que peu évolué depuis le XIXe siècle.
Rénover les bâtiments scolaires et les espaces d'apprentissage
Souvent obsolètes, parfois vétustes, les espaces d’apprentissage doivent être repensés de manière importante pour non seulement assurer le confort et le bien-être des usagers, mais également être connectés et adaptés aux nouveaux usages, respectueux de l’environnement, évolutifs et résilients, inclusifs et attractifs.
Pour que chaque élève puisse continuer d’apprendre dans des conditions optimales, il est ainsi nécessaire de rénover le bâti scolaire tout en repensant l’école de demain pour réduire les inégalités sociales et les fractures territoriales. Non seulement rattraper le retard, mais prendre de l’avance.
Lutter contre l’obsolescence ne suffit pas. L’école se doit d’être en avance de phase sur les besoins des usagers parce que l’enjeu est de former les citoyens de demain.
Cette nécessaire adéquation entre les attributs des établissements scolaires et les besoins des élèves, enseignants et personnels scolaires a été exacerbée par la pandémie de Covid-19. Dans un contexte de crise sanitaire, les problématiques de vétusté des installations – notamment celle des toilettes et des réfectoires – a pris une nouvelle ampleur. La crise a également amené à repenser le lien entre l’école et la maison, elle a montré le nécessaire déploiement d’outils numériques pour préserver le lien pédagogique alors même que les classes étaient fermées.
Plus largement, la pandémie a exacerbé l’importance d’ouvrir l’école à tous les niveaux : ouvrir les fenêtres pour améliorer la qualité de l’air dans les classes, mais aussi ouvrir l’école sur la ville en donnant aux citoyens un accès aux cours intérieures, en créant des tiers lieux au sein d’établissements scolaires…
L’école de demain n’est plus seulement un espace scolaire qui fonctionne 144 jours par an : c’est un espace éducatif ouvert tout au long de l’année qui accueille une pluralité de partenaires périscolaires. C’est l'école de la coopération, de l’alliance éducative avec les acteurs du territoire.
Pour Rose Lemardeley, « la crise est venue illustrer le besoin critique de penser les projets de rénovation ou de construction de manière holistique ». Et c’est en réponse à ce besoin que la Banque des Territoires a lancé, fin juin 2021, sa Fabrique de l’école de demain.
Une vision à 360 degrés
La question de la modernisation scolaire ne peut plus aujourd’hui se considérer de manière isolée. Construire l’école du futur demande de se placer dans une perspective large qui englobe le bâti, bien entendu, mais également son adéquation aux usages d’aujourd’hui et de demain, le respect de l’environnement, la pédagogie, le numérique, le bien-être, le vivre ensemble… Joël Boissière, directeur des projets stratégiques de la Banque des Territoires, souligne la nécessité de développer « une vision à 360 degrés qui intègre les usages et les usagers » pour aller plus loin que le bâti pur et ainsi apporter des solutions aux besoins et enjeux de demain..
La Banque des Territoires a notamment lancé le plan rénovation énergétique des bâtiments publics pour accompagner la rénovation thermique de bâtiments éducatifs de centre-ville avec un dispositif dédié sur les deux prochaines années.
Une première étape : l’information
Pour fabriquer l’école de demain, il est avant tout nécessaire que les collectivités territoriales puissent comprendre et s’approprier ces nouveaux enjeux, aussi vastes que complexes, et ainsi bâtir des fondations solides. C’est dans ce but que la Banque de Territoires a développé de nombreuses fiches techniques – en accès libre sur son site internet – pour répondre aux questions sur toutes les thématiques liées au bâti scolaire, de l’efficacité thermique des bâtiments à la végétalisation des cours d’écoles, de l’intégration des outils numériques à la restauration collective.
Les collectivités peuvent aussi trouver des liens vers des outils développés par des partenaires, tels qu’Archiclasse, démarche portée par la direction du numérique de l’Éducation nationale, qui vise à mettre autour de la table tous les acteurs du numérique éducatif d’un établissement ou d’une collectivité. La plateforme web de la Banque des Territoires propose aussi une liste, régulièrement mise à jour, de dizaines de start-ups innovantes qui pourront accompagner les collectivités locales sur leurs diverses problématiques scolaires.
La Banque des Territoires a par ailleurs développé un outil d’autodiagnostic en ligne. Mon Diag Écoles invite les différents acteurs en charge du bâti scolaire dans les collectivités (direction du patrimoine, direction de l’éducation, chefs d’établissement…) à répondre à une cinquantaine de questions sur les aspects réglementaires, sécuritaires, énergétiques et numériques des bâtiments. « Mon Diag Écoles permet de faire émerger une vision partagée du patrimoine et de ce qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour le faire évoluer », explique Joël Boissière. Grâce à l’approche globale de Mon Diag Écoles, toutes les parties prenantes disposent d’un panorama exhaustif des problématiques de leurs établissements scolaires.
Il est fondamental d’intégrer l’évolution des usages directement dans la réflexion pour ne pas réaliser des travaux qui, dans un futur proche, risquent de gêner l’adaptation fonctionnelle de l’école.
La responsable du service finances de la mairie d’Albertville, une des villes ayant testé Mon Diag Écoles en amont de son lancement officiel, ajoute que « cet outil permet de s’assurer qu’on s’est posé les bonnes questions, sans rien omettre, et aide à prendre une décision éclairée ».
Pour Gabriel Fraga, qui a également pu tester Mon Diag Écoles, « Avec ce service, on accède non plus simplement à la vision d'une école isolée mais à la vision globale de son territoire. On a devant les yeux un instantané objectif des points forts et des faiblesses de chacune de nos écoles. Ce diagnostic partagé aidera à co-construire les stratégies avec tous les acteurs du territoire, avec en bout de ligne le déploiement dans les collectivités territoriales de plans pluriannuels singularisés aux besoins de chaque école ».
Focus sur le numérique éducatif
Compétence partagée entre l’État et les collectivités, le numérique éducatif est un des piliers de l’école du futur. « Il existe un vrai besoin de faire le lien entre l’État et ses services déconcentrés et les acteurs en collectivité, confie Rose Lemardeley. La Banque des Territoires est à la fois un interlocuteur historique des collectivités et un tiers de confiance sur ces sujets ».
Alors que le numérique éducatif constitue aujourd’hui un enjeu fort d’attractivité des territoires, le taux de connectivité des établissements scolaires reste faible : seuls 23 % sont raccordés à la fibre optique.
Si la numérisation des écoles peut encore être entravée par la crainte que les technologies numériques soient vouées à remplacer l’enseignant, Rose Lemardeley souligne qu’au contraire, ces nouveaux outils viennent « l’aider, le soutenir, l’accompagner dans l’évolution de ses missions ».
De nombreuses start-ups spécialisées dans l’EdTech (outils numériques pour l’éducation) se développent ainsi pour répondre aux nouveaux besoins des enseignants et des élèves. Parmi elles, Index Education, qui édite le logiciel de vie scolaire le plus utilisé par les établissements français : Pronote.
Horizontalité et lutte contre la fracture numérique
La Banque des Territoires a animé la phase de concertation territoriale en amont des états généraux du numérique éducatif, qui se sont tenus en automne 2020. Ces états généraux ont fait émerger un besoin de plus d’horizontalité au niveau des territoires, notamment en matière de mutualisation des achats entre collectivités voire à l’échelle départementale.
Il est aussi essentiel que les collectivités s’ouvrent sur les acteurs du numérique éducatif, en particulier les associations, pour lutter contre la fracture numérique des familles. La crise sanitaire a en effet mis en exergue l’importance de cette fracture, certains territoires, notamment les plus défavorisés, affichant un taux de décrochage dépassant les 40 %.
En cause un manque d’équipement informatique – parfois un seul smartphone servait à toute une famille – et de connectivité, mais aussi un manque de formation.
Le digital native n’existe pas. Ce n’est pas parce que les élèves naviguent facilement sur Snapchat qu’ils savent faire un exercice avec leur enseignant sur tablette ou ordinateur. Les élèves ont besoin de formations numériques tout comme les enseignants. Et il ne faut pas oublier les parents.
La « parentalité numérique » joue un rôle essentiel dans l’optique d’une école pensée comme un lieu d’apprentissage ouvert. « La place des parents dans les apprentissages est clé : l’école doit pouvoir compter sur des parents formés, équipés et connectés. La Banque des Territoires essaie modestement de contribuer à construire cette parentalité numérique », conclut Rose Lemardeley.
Par ailleurs, pour aider les territoires qui en ont le plus besoin et ainsi réduire la fracture numérique et les inégalités sociales mises en exergue lors des confinements, la Banque des Territoires vient de lancer l’appel à projets « Numérique Inclusif, numérique Éducatif », doté de 5 millions d’euros, qui vise à soutenir une cinquantaine de projets destinés à développer l’apprentissage par et au numérique.
Enfin, la Fabrique de l’école de demain, développée par la Banque des Territoires en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, aide les collectivités territoriales à rénover le bâti scolaire pour répondre aux nouveaux enjeux numériques, pédagogiques, environnementaux et sociaux qui se présentent au secteur de l’éducation. Plusieurs offres d’accompagnement et de financement sont proposées pour créer ensemble l’école du futur : une école attractive, inclusive, connectée et respectueuse de l’environnement.