Comment la Banque des Territoires soutient le développement de l’habitat inclusif en France ?
On estime que 43 % des personnes résidant actuellement en EHPAD n’ont pas besoin d’y être, leur niveau de dépendance leur permettant de vivre dans d’autres lieux. Parallèlement, plus de 85 % des personnes âgées souhaitent vieillir le plus longtemps possible chez elles. La Banque des Territoires est pleinement engagée pour répondre à ces enjeux humains, sociaux et économiques – en finançant les projets d’habitat inclusif, mais aussi en accompagnant la structuration du secteur.
Une forte mobilisation en faveur de la santé et du grand âge
« L’habitat inclusif contribuant à maintenir du lien social, il s’inscrit de plain-pied dans notre ADN et dans notre stratégie », affirme Philippe Jusserand, Directeur régional des Pays de la Loire à la Banque des Territoires. En effet, proposer des réponses adaptées à l’hébergement pour personnes âgées, handicapées ou isolées contribue fortement à l’attractivité économique des territoires, à leur connexion numérique et sociale, à la durabilité des logements et à l’inclusivité de nos sociétés. L’habitat inclusif est donc un puissant outil de lutte contre les fractures territoriales, dont la Banque des Territoires ne pouvait que s’emparer.
Notre expertise nous permet en effet de proposer des solutions innovantes, sur mesure
Pour ce faire, en sus du plan de relance gouvernemental, la Banque des Territoires a annoncé la mobilisation de 26 milliards d’euros de financements en fonds propres et quasi-fonds propres, ainsi que 70 milliards d’euros de prêts destinés aux projets de construction, d’acquisition ou de réhabilitation de logements locatifs sociaux, aussi bien dans le parc social public que dans le parc social privé. Avec une organisation dédiée aux questions de santé et de grand âge au sein du Groupe Caisse des Dépôts, « nous concentrons aujourd’hui davantage nos efforts sur des opérations plus inclusives, plus spécifiques. Notre expertise nous permet en effet de proposer des solutions innovantes, sur mesure », explique Philippe Jusserand.
François-Xavier Turbet Delof (Petits Frères des Pauvres) : « La diversité des formats d’habitat inclusif implique et requiert de préserver une diversité d’acteurs »
Habitat inclusif, alternatif, partagé, solidaire, inséré… Toutes ces terminologies convergent vers la nécessité d’une diversification de l’offre médico-sociale. En effet, il ne s’agit pas tant de transformer ou remplacer les EHPAD que de créer des habitats différents, possibles dans tous types de lieux, ouverts sur la cité et qui associent fortement les habitants, leurs aidants et le secteur associatif qui les représente.
Dans la recherche d’un équilibre entre l’intimité d’un vrai chez-soi et la sécurité d’une présence collective, le secteur de l’habitat inclusif se caractérise par sa grande créativité. Il propose de nombreux modèles qui sortent du cadre, afin d’offrir une pluralité de choix aux personnes en fonction de leur situation : petits immeubles en centre de village, unités de vie en cœur de petites villes, colocations (notamment pour les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer), habitats partagés pour femmes seniors, etc.
Cette diversité dans l’offre implique et requiert une diversité d’acteurs de tailles et profils différents, répartis sur tout le territoire. Les Petits Frères des Pauvres ont toujours été particulièrement attentifs aux « petits » porteurs de projets. Nous voyions depuis longtemps la nécessité d’un espace d’information et de soutien pour eux au niveau national, c’est pourquoi nous avons fondé l’association « h@pi », fin 2021, avec le réseau HAPA et le Groupe Caisse des Dépôts. Elle a pour vocation de faciliter la montée en compétences et la structuration du projet.
François-Xavier Turbet Delof est directeur adjoint des établissements des Petits Frères des Pauvres. Il anime également le collectif « Habiter autrement », et est membre de l’Observatoire national de l’habitat inclusif.
Transformer les besoins locaux en projets d’habitat inclusif
L’objectif est de créer, pour les personnes âgées davantage autonomes, des habitats « du troisième type », qui répondent à leur choix de parcours résidentiel, de parcours de lien social et de parcours de soin. C’est ce qui a été réalisé en Pays de Loire avec le projet Hacoopa : « il y a, à l’origine, un certain nombre d’acteurs locaux qui souhaitaient rompre l’isolement des personnes âgées non dépendantes en leur proposant un habitat groupé et en lien avec leur quartier ». Ces acteurs, essentiellement issus de l’ESS, se sont regroupés en association, puis en Scic (société coopérative d’intérêt collectif) afin de mobiliser des fonds publics et privés.
Le financement des études et l’accompagnement en ingénierie de la Banque des Territoires ont été précieux pour créer la foncière idoine. « Nous sommes habitués à constituer des sociétés de portage ou des foncières dans lesquelles la Banque des Territoires intervient en apport en capital ou en comptes courants d’associés », explique Philippe Jusserand. Créée à l’été 2020, la foncière Hacoopa (dans laquelle la Banque des Territoires a investi 600 000 euros) finance aujourd’hui à 100 % deux SCI pour ses deux projets près de Nantes : la rénovation d’une maison de ville et la construction de deux maisons sur un terrain de 2 500 m2. Le premier projet devrait voir le jour cette année. Il s’agit d’un habitat pour 13 seniors, avec studios privatifs, bénéficiant d’espaces communs conviviaux, adaptés aux personnes âgées, ergonomiques et proposant de nombreuses animations et services fournis en partie par les acteurs actionnaires du territoire.
Lauréat du Coup de cœur du public lors des Grands prix de la finance solidaire, ce projet a permis à Hacoopa d’entrer en contact avec de nombreuses collectivités locales en Loire-Atlantique.
Les coûts ont pu être abaissés entre autres parce que nos solutions de montage et de financements sont optimisées
Le défi du modèle économique
Bien que les enjeux de solidarité soient au cœur des projets d’habitat inclusif, il est impératif que ces derniers soient viables économiquement. Alors que les bénéficiaires expriment clairement un besoin de loyers abordables, la construction ou la rénovation doivent néanmoins être financées à la hauteur des enjeux écologiques et des besoins spécifiques des habitants. « Dans le cas du projet Hacoopa, les coûts ont pu être abaissés parce que les services sont apportés par des structures de l’ESS que nous soutenons par ailleurs, parce que le quartier dispose d’une forte dynamique associative, parce que nos solutions de financement s’appuient sur des prêts sur Fonds d’Epargne qui les rendent particulièrement compétitives, parce que le soutien de la commune permet de réduire le coût du foncier et de l’immobilier », décrypte Philippe Jusserand.
Fin 2021, la Caisse des Dépôts est allée encore plus loin dans son engagement, en cofondant l’association « h@pi » (Habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale). Cette association a pour vocation d’accompagner la structuration du secteur en créant du lien et de l’entraide, à destination notamment – mais pas seulement – des « petits » porteurs de projets. Elle a pour objectif :
- De promouvoir, accompagner et soutenir le développement de l’habitat inclusif dans les territoires à travers la création d’une plateforme numérique
- De fédérer et former les acteurs du secteur
- D’accélérer le déploiement des projets.
h@pi est ainsi un levier décisif pour faire essaimer partout dans les territoires les initiatives d’habitat inclusif.
Florence Delisle-Errard (Réseau HAPA) : « Il faut proposer et faciliter des parcours afin que les porteurs de projets ne perdent plus de temps »
Le réseau HAPA (Habitat partagé et accompagné) est né fin 2017 d’un besoin d’entraide entre les acteurs. Notre secteur est d’une complexité très importante, liée à des publics qui parfois nécessitent des compétences psychosociales fortes, à la complexité des montages immobiliers et financiers, au nombre de parties prenantes impliquées. Ce réseau agit sur trois axes : une entraide très active, de l’accompagnement pour passer de l’idée au projet (tutorat, incubateur, prix, MOOCs…), et du plaidoyer pour préserver la souplesse du modèle alors que le secteur est en pleine structuration.
L’association « h@pi », que nous avons cofondée avec la Caisse des Dépôts et les Petits Frères des Pauvres, réalisera :
- une plateforme numérique, prévue au printemps prochain pour promouvoir, accompagner et soutenir le développement de l’habitat inclusif dans les territoires
- des études sur l’impact social et économique des lieux d’habitat inclusif
- un comité d’orientation afin de faciliter le repérage et le soutien aux dynamiques locales. Alors que les attentes des habitants sont très fortes et que les financeurs sont prêts, les circuits de financement sont encore trop peu structurés, ce qui allonge les temps d’ingénierie (autour de 5 ans en moyenne). Notre rôle est de structurer un parcours et le baliser afin que les porteurs de projets ne perdent plus de temps et que les projets voient le jour plus rapidement.
Florence Delisle-Errard est co-présidente de l’HAPA et porteuse de projets d’habitat partagé.
La Caisse des Dépôts s’est engagée, dans un partenariat signé le 12 juillet 2021 avec la CNSA, à accompagner les projets en réservant 3,5 Md€ sur le grand âge : 25 M€ de crédits d’ingénierie, 2,5 Md€ de prêts et 1 Md€ de fonds propres.
L’intervention du groupe Caisse des Dépôts et de la Banque des Territoires vient parfaitement compléter les dispositifs nationaux et locaux existants sur ce sujet. Ainsi la CNSA, dans le cadre de son déploiement du Ségur de la Santé, a décidé d’accorder 22,5 M€ en subventions d’investissement pour aider la réalisation des projets immobiliers et 45 M€ en aide au fonctionnement, en lien avec les Conseils départementaux, pour l’aide à la vie partagée (AVP). D’autres dispositifs, comme le programme Petites Villes de Demain (ANCT) et le Fonds d’appui pour des Territoires innovants seniors (RFVAA), viennent notamment accompagner la dynamique du bien-vieillir.
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Philippe Jusserand
Directeur régional Pays de la Loire Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts
Philippe Jusserand, est diplômé de l’Institut Supérieur de Gestion de Paris. Il intègre le groupe Caisse des Dépôts en 1989 et devient adjoint au responsable de l’unité maîtrise d’ouvrage informatique et organisation de la Direction du Fonds d’Epargne. Après avoir été responsable du département de gestion et de la comptabilité des prêts à la Direction des Prêts et de l’Habitat, puis Directeur interrégional adjoint Ile-de-France en charge des financements et des participations, il devient Directeur interrégional adjoint Méditerranée, et Directeur régional adjoint PACA. En 2015, il est nommé Directeur régional Auvergne, puis Directeur délégué à Clermont-Ferrand en charge de l’Auvergne, de la Loire, de la Drôme et de l’Ardèche. Depuis, 2019, il est le directeur régional Pays de la Loire Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts
