Biodiversité : les annonces d'Emmanuel Macron, considérées comme du recyclage par les ONG
Après avoir reçu le rapport alarmant des experts de l'ONU sur l'état des espèces sauvages, le président de la République a annoncé ce 6 mai une série d'actions pour protéger la biodiversité, dont la lutte contre le gaspillage, la production de déchets et le plastique ainsi qu'"un changement profond" des modes de production et une "revue des aides fiscales et budgétaires" à l'aune de ces objectifs. Mais pour les ONG, ces mesures étaient pour l'essentiel déjà connues et peinent à se traduire en actes.
Emmanuel Macron a annoncé ce 6 mai une série d'actions en faveur de la biodiversité, après avoir reçu le rapport des experts de l'ONU (IPBES) sur l'état alarmant de la vie sauvage. Selon les scientifiques, un million d'espèces animales et végétales sont en effet menacées d'extinction et les écosystèmes vont continuer à se dégrader si l'humanité continue à penser la richesse du monde uniquement en termes de croissance économique.
"C'est la première fois qu'au meilleur niveau scientifique sont établis des faits cruels pour nous tous et qui appellent à l'action. Ce qui est en jeu est la possibilité même d'avoir une Terre habitable", a déclaré le chef de l'État. "La biodiversité est un sujet aussi important que le changement climatique et nous ne pouvons gagner cette bataille qu'en oeuvrant sur tous les leviers", a dit le président de la République, citant plusieurs orientations principales et une annonce concrète : l'extension des espaces naturels protégés en France. "Culturellement, c'est important" que le président de la République s'empare des conclusions de l'IPBES et fasse des annonces sur l'environnement, grand oublié des annonces après le grand débat, a réagi Vincent Abel, de France Nature Environnement (FNE). "Les annonces c'est bien, la mise en action ce serait mieux", a complété Sandrine Bélier de l'association Humanité et Biodiversité.
Halte au gaspillage alimentaire
Premier objectif mis en avant par Emmanuel Macron, la lutte contre le gaspillage alimentaire, au niveau notamment "des écoles, des restaurateurs et des distributeurs", a-t-il avancé. "C'est une déclaration très importante et très grave", a réagi auprès de l'AFP l'avocat Arash Derambarsh, l'un des initiateurs d'une loi de début 2016 qui oblige les supermarchés de plus de 400 m2 à donner leurs invendus alimentaires aux associations qui les réclament. "Je me réjouis qu'il nous rejoigne sur ce combat. J'espère que cela n'est pas un coup de buzz", a ajouté le conseiller municipal LR de Courbevoie, qui demande d'étendre cette loi à toute l'Union européenne. Le gouvernement avait aussi annoncé en 2018 sa volonté d'étendre la lutte contre le gaspillage alimentaire à la restauration collective. "C'est essentiel car on gaspille en France 30% de la nourriture", a dit Arnaud Goffier de WWF, qui attend à présent "des mesures pour les particuliers".
Réduire l'utilisation des produits phytosanitaires
Emmanuel Macron souhaite aussi "un changement dans nos modèles de production", ce qui n'est "jamais facile car nous vivons sur un modèle de production qui n'était pas conforme à cette prise de conscience". Il a cité l'exemple du glyphosate, dont la France veut sortir en 2021. Il a aussi réaffirmé l'objectif de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires de 50% en France d'ici 2025 - but qui figure dans les plans Écophyto engagés depuis 2008. Ces plans ont été jusqu'à présent des échecs, ce qui a conduit le gouvernement à lancer une nouvelle mouture Écophyto2+. "On a déjà mis 500 millions d'euros sur la table", sans grand succès et "on demande des objectifs plus concrets et phasés", a réagi Vincent Abel.
Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé vouloir porter la part des aires marines et terrestres protégées à 30% du territoire d'ici 2022 (contre 20% actuellement tous statuts confondus, ndlr) dont un tiers "protégées en pleine naturalité". "On est autour de 2%" aujourd'hui pour ces zones où l'homme ne peut pas entrer, rappelle Arnaud Gauffier de WWF. "Il ne faut pas que ce soit des aires protégées de papier" sans moyens suffisants, avertit-il.
Lutte contre l'artificialisation des sols
Le président de la République veut également "accroître la lutte" contre la réduction des terres agricoles au profit de la construction. "J'ai demandé un bilan pour se fixer des objectifs en matière de lutte contre l'artificialisation et une réhabilitation des 20 à 25% de sols agricoles dégradés par l'utilisation passée de phytosanitaires", a-t-il précisé.
Dans le plan Biodiversité de 2018 figure déjà un objectif de "zéro artificialisation nette", mais sans échéance. "C'est une grosse déception" pour Sandrine Bélier. "On a déjà beaucoup de données et des outils" pour lutter contre l'artificialisation "Quand est-ce qu'on arrête les études pour prendre des mesures ?" "Qu'attendez-vous pour annuler le projet Europacity ?", demandent aussi les opposants au mégacomplexe (centre commercial, culturel, parc de loisirs) prévu au nord de Paris sur des terres agricoles. En mars 2018, le tribunal administratif avait annulé l'arrêté préfectoral créant la zone d'aménagement concerté (ZAC) du triangle de Gonesse, mais l'État avait fait appel.
"Mesures recyclées"
Plus globalement, Emmanuel Macron a annoncé une "revue des aides fiscales et budgétaires" pour les mettre en conformité avec ces objectifs. Son objectif est de "compléter" le plan pour la biodiversité présenté par Nicolas Hulot à l'été 2018, qui fera l'objet d'une évaluation à l'été. La future loi sur l'économie circulaire, présentée dans les prochaines semaines, vise 100% de plastiques recyclés d'ici 2022, a-t-il rappelé. "Le problème n'est pas uniquement lié au recyclage", rappelle Pierre Cannet (WWF), qui regrette que de manière plus générale, "beaucoup de mesures soient recyclées de rapports précédents".
Quant au projet controversé d'extraction d'or en Guyane baptisé "Montagne d'or", dont il a été pendant un temps un fervent défenseur, Emmanuel Macron a jugé qu'il n'est en l'état "pas compatible" avec des ambitions écologiques. "On a une avancée", s'est réjoui Pierre Cannet de WWF, qui demande à présent que ce projet soit "rejeté" et qu'une alternative de développement pour la Guyane soit proposée.
Au niveau international, le chef de l'État veut faire du G7 de Biarritz en août une "étape importante de la bataille mondiale pour la biodiversité" et au niveau européen, intensifier la lutte contre le plastique et "intégrer la biodiversité aux critères de la prochaine politique agricole commune". Il a enfin assuré qu'il ferait "tout" pour que la Convention de l'ONU sur la diversité biologique en Chine en 2020 soit "l'équivalent de la COP de Paris" ayant abouti à l'accord Climat de 2015.