Environnement - Biodiversité : la Commission européenne présente ses premières orientations pour l'après-2010
Alors que s'ouvre l'Année internationale de la biodiversité, la Commission européenne a publié le 19 janvier une communication exposant les scénarios possibles pour l'avenir de la politique communautaire en matière de protection des espèces. "Nous allons redoubler d'efforts pour mettre en place une nouvelle politique et une nouvelle stratégie pour l'après-2010, a déclaré Stavros Dimas, l'actuel commissaire à l'environnement. Nous avons besoin, en matière de biodiversité, d'une nouvelle perspective et d'un nouvel objectif qui tiennent compte des extinctions continues d'espèces et reflète l'importance que nous attachons à cette question." Son successeur aura donc la lourde tâche d'impulser des actions qui jusqu'à présent n'ont pas réussi à freiner l'érosion de la biodiversité. Au niveau mondial, on estime aujourd'hui que plus d'un tiers des espèces évaluées sont menacées d'extinction et que 60% des services ecosystémiques ont été dégradés ces cinquante dernières années.
Cinq points faibles identifiés
En 2001, l'Union européenne s'était fixé comme objectif d'enrayer la perte de biodiversité sur son territoire d'ici à 2010. Mais tout indique aujourd'hui qu'elle n'y est pas parvenue. La Commission a reconnu cinq points faibles dans la politique menée jusqu'à présent. Il y a d'abord des "manquements" dans la mise en place du réseau Natura 2000 qui ne sera complet que cette année pour les zones terrestres et pas avant 2012 pour les zones maritimes. Les politiques sur la protection des sols et sur les espèces invasives sont restées elles aussi à la traîne. La présidence espagnole de l'UE devrait présenter au cours du premier semestre 2010 une nouvelle version de la directive sur la protection des sols qui avait été rejetée fin 2007 par cinq Etats membres dont la France et l'Allemagne. La Commission devrait quant à elle proposer une carte des écosystèmes et des services qu'ils rendent tandis que l'Agence européenne de l'environnement devrait présenter le résultat de son travail d'audit sur les services des écosystèmes d'ici la fin de l'année. La Commission recommande également l'échange de bonnes pratiques en matière de trames vertes.
Elle souligne aussi le caractère incomplet de nombreuses données en matière de biodiversité, bien que les indicateurs de la directive Habitats soient selon elle parmi "les plus avancés au monde". En juin prochain, l'Agence européenne de l'environnement lancera une base de données européennes sur la biodiversité dénommée "Bise" et l'UE affirme vouloir soutenir la mise en place de la plateforme intergouvernementale d'experts sur la biodiversité et les services rendus par les écosystèmes (IPBES), qui serait le pendant du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec).
Par ailleurs, la commission recommande une "meilleure intégration" des problématiques liées à la biodiversité dans les autres politiques. Elle estime aussi souhaitable d'évaluer les fonds nécessaires puisqu'à ce jour, seuls 20% des fonds nécessaires pour la gestion des sites protégés en Europe sont disponibles. "Les Etats membres devraient systématiquement tirer avantage des fonds pour le développement rural", a-t-elle indiqué dans sa communication.
Une perspective élargie
La Commission propose donc une perspective à long terme (2050) en matière de biodiversité ainsi que quatre possibilités d'objectifs intermédiaires à l'horizon 2020, d'un niveau d'ambition croissant. La première option serait de "réduire significativement le taux de perte de biodiversité et des services rendus par les écosystèmes dans l'UE d'ici 2020". Elle permettrait d'allouer plus de temps pour la réalisation des objectifs prévus pour 2010 et non atteints à ce jour. La deuxième option consisterait à "enrayer la perte de biodiversité et des services rendus par les écosystèmes dans l'UE d'ici 2020", objectif correspondant à celui fixé en 2001 par l'UE pour l'année 2010. La troisième serait d'"enrayer la perte de biodiversité et des services rendus par les écosystèmes dans l'UE d'ici 2020" et de "les restaurer dans la mesure du possible". Elle pourrait s'appuyer sur les premiers travaux de recensement réalisés notamment dans le cadre de la directive Habitats. Enfin, la quatrième option viserait à "enrayer la perte de biodiversité et des services rendus par les écosystèmes dans l'UE d'ici 2020, les restaurer dans la mesure du possible et intensifier la contribution de l'UE à l'objectif mondial", puisque "la majeure partie de la biodiversité mondiale se trouve en dehors de l'Europe".
La perspective de 2050 et l'objectif intermédiaire de 2020 doivent permettre à l'UE de définir une position commune en vue des prochaines négociations internationales sur une stratégie et un objectif à l'échelon mondial en matière de biodiversité qui se tiendront à l'automne prochain à Nagoya, au Japon. Dans l'immédiat, des discussions approfondies entre les Etats membres, les institutions européennes et d'autres parties prenantes vont démarrer. Le coup d'envoi sera donné par une conférence à haut niveau sur le thème "L'après-2010, vision et objectifs en matière de biodiversité" qui se tiendra à Madrid les 26 et 27 janvier. D'autres rendez-vous suivront en vue de trouver un accord sur lequel la Commission souhaite s'appuyer pour présenter d'ici la fin 2010 une nouvelle stratégie de l'UE en matière de biodiversité.
Anne Lenormand