Biennale de la sécurité de France urbaine : Johanna Rolland appelle à l’union nationale autour de la proposition de loi "narcotrafic"

Alors que la proposition de loi de lutte contre le narcotrafic est vivement débattue à l’Assemblée nationale, la présidente de France urbaine a clairement pris position en sa faveur ce 18 mars lors de la deuxième biennale de la sécurité et de la prévention organisée par son association. Elle appelle même à "une forme d’union nationale" autour du texte. Outre le narcotrafic, les luttes contre les violences intrafamiliales et les polices municipales étaient au menu de cet évènement.

"J’appelle solennellement à ce que le travail [des sénateurs Etienne Blanc et Jérôme Durain] soit le plus fidèlement respecté, en évitant la surenchère de part et d’autre […]. La question doit mobiliser très largement sur nos bancs pour chercher une forme d’union nationale." En ouvrant la deuxième biennale de la sécurité et de la prévention de France urbaine ce 18 mars, sa présidente, Johanna Rolland, a soutenu sans réserve la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (voir notre article du 24 juillet), examinée cette semaine en séance publique à l’Assemblée nationale. Évoquant la "création d’un parquet spécialisé, les moyens pour lutter contre le blanchiment, le renforcement des moyens et procédures d’enquête", la maire de Nantes (PS) ne laisse pas place au doute : "J’attends que l’essentiel soit adopté". Un renfort plus qu’opportun alors que les députés ont, en commission, fortement détricoté le texte (voir notre article du 17 mars). Et un renfort salué comme tel par les co-auteurs de la proposition de loi — qui assistaient à l’événement — auprès de Localtis. "C’est un soutien précieux", assure Jérôme Durain, que l’on devine un peu désabusé par la tournure prise par les événements, même s’il la redoutait. Étienne Blanc espère encore que certaines mesures emblématiques seront sauvées, comme "la procédure d’injonction pour richesse inexpliquée, un dispositif très puissant", nous confie-t-il.

Les collectivités, sentinelles mal récompensées

"On peut travailler ensemble. Il faut absolument un consensus", veut encore croire Joaquim Pueyo, maire d’Alençon (PS), pour qui "le narcotrafic est devenu au fil des mois un sujet majeur, sans que l’on s’en rende compte". Et pourtant, "vous êtes les premiers à avoir tiré le signal d’alarme", souligne Jérôme Durain, en évoquant une tribune de France urbaine appelant dès le 20 septembre 2023 à un "véritable plan national et européen contre le trafic de drogue". "Les premiers, et ça va vous retomber dans les pattes", déplore néanmoins le parlementaire, dénonçant "une forme d’injustice". Et d’avertir les élus de la salle qu’ils seront, lors de la campagne municipale qui s’annonce, "convoqués pour justifier de questions qui ne vous appartiennent pas complètement". Face aux problèmes posés par le narcotrafic, "la réponse ne viendra pas d’abord des collectivités", rappelle Johanna Rolland, renvoyant la balle à l’État. "L’État, le contrat social, c’est la sécurité. S’il ne l’assure pas, il peut rendre les clés", lui fait écho Jérôme Durain. Tout en concédant que "le contribuable doit se demander s’il en a pour son argent quand on lui dit que l’État, sur ces sujets, n’est pas au rendez-vous". Et il ne semble guère l’être, à entendre Didier Laguerre, maire de Fort-de-France (PPM), qui "alerte en vain l’État depuis onze ans sur l’explosion du trafic de cocaïne et des armes à feu en Martinique".

Briser le tabou de la prévention et de la santé

Pourtant, souligne David Marti, maire du Creusot (PS), "la sécurité constitue un thème de préoccupation majeur de nos concitoyens, qui ne cesse d’aller croissant". Et de noter que "le contexte oblige à agir, et de manière très forte". Ce que font les collectivités, "qui investissent énormément sur le sujet. Sans doute trop pour certains". L’élu souligne ainsi "l’importance de travailler sur d’autres politiques, notamment la prévention. Ce n’est pas en considérant le consommateur comme un délinquant que nous allons y arriver", explique-t-il (voir notre article du 6 février). Un discours notamment relayé par Benoit Le Goff, de la fédération Addiction, pour qui "stigmatiser le consommateur, c’est l’éloigner du soin, alors qu’il faut l’en rapprocher". "Il faut faire sauter les tabous en matière de prévention et de santé, comme les sénateurs ont fait sauter les tabous sur la sécurité et la justice. Si le plan de la prévention n’est pas abordé avec la même force et les mêmes moyens, nous serons en échec", insiste encore David Marti. Côté tabou, la sociologue Marie Jauffret-Roustide suggère notamment de ne pas balayer d’un revers de main la piste d’une légalisation du cannabis, expériences étrangères (au Québec, au Portugal…) à l’appui. Évoquant "la question de la santé mentale", présente comme la drogue "sur tous les territoires", Johanna Rolland se fait, elle, alarmiste : "Les voyants sont au rouge, partout. Il faut prendre la mesure de ce qui se passe dans le pays !"

Qui trop embrasse…

Les sénateurs n’en disconviennent pas, mais rappellent que tel n’était pas l’objet de leur mission. "La commission d’enquête avait un thème très précis : la lutte contre le narcotrafic. La santé n’était pas au cœur du travail", souligne Étienne Blanc. En aparté, il suggère que la commission des affaires sociales du Sénat se saisisse du sujet. Jérôme Durain met en outre en exergue que leur parti pris était de "se focaliser sur le haut du spectre". Et que c’est donc à cet aune que doivent être appréciées les mesures qu’ils proposent. Qu’aurait-on dit si nous avions commencé par les petits sans aller chercher les gros, indique-t-il en substance. Tout en relevant qu’il faudra aussi un texte pour s’attaquer "au bas du spectre".

Mise à niveau

La cible, ce sont les multinationales du narcotrafic, adeptes du "taylorisme", et face auxquelles "nous ne sommes pas aujourd’hui suffisamment armés", insiste Étienne Blanc. "Notre système juridique n’est pas adapté. Il n’est pas au niveau du droit belge, hollandais" ou encore italien, enseigne-t-il. "Notre proposition sert juste à se mettre à niveau". "On entend ça et là que ce ne serait qu’une question de moyens budgétaires, que les moyens règleront tout. C’est une forme de déni. Ce n’est pas seulement une question de degré, mais de nature", prévient par ailleurs Jérôme Durain. L’élu alerte en outre sur la nécessité d’une réponse rapide, considérant que désormais "le risque corruptif ne concerne plus seulement quelques maillons du bas de la chaine administrative". Or, assure-t-il, expérience des magistrats mexicains à l’appui, la corruption est l’un des signes qui caractérise le basculement vers un "narco-État". "Rien n’est encore inéluctable", nous rassurait naguère le sociologue Michel Gandilhon en la matière (voir notre article du 13 mai). Sur ce sujet comme sur d’autres, d’aucuns diraient toutefois qu’il est minuit moins le quart. 

 

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