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Autorisations d'urbanisme : une dématérialisation réglée comme du papier à musique ?

Permis de construire, déclarations préalables, certificats d’urbanisme... dès janvier 2022, les communes de plus de 3.500 habitants seront concernées par l’obligation de recevoir et d’instruire par voie dématérialisée ces demandes d'autorisations d'urbanisme. Comment l'administration centrale de l’État compte-elle les appuyer ? Le 10 septembre, un point a été fait au ministère de la Cohésion des territoires sur cet enjeu d'administration numérique et sa dynamique qui commence à embarquer dans son sillage des services déconcentrés et collectivités volontaires.

"2022, ce n'est pas demain. Mais pour être prêt c'est maintenant que cela se joue." Point de précipitation, ni d'inquiétude palpables dans les propos échangés ce 10 septembre au ministère de la Cohésion des territoires sur un sujet très technique : la dématérialisation de l’application du droit des sols (Démat ADS). "Technique mais fondamental car plus de 3.000 communes ainsi que les services déconcentrés sont concernés par l’obligation de dématérialiser le dépôt et l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme fixée par la loi Elan (art. 62)", ajoute-on avant de dévoiler l'état d'avancement des outils numériques que l’État développe pour aider justement les collectivités. 

Gains et premiers retours

Un travail au long cours, qui a nécessité de réécrire le déroulement de la procédure d'instruction des autorisations, au parcours sinueux dès lors qu'il s'agit de consulter les avis des Architectes des bâtiments de France (ABF), des sapeurs-pompiers (Sdis) ou des services de voirie. Outre une simplification des relations entre l’administration et les citoyens et des économies (gain de temps, frais de port, archivage), une "coordination facilitée entre les services qui doivent rendre un avis, au sein de chaque fonction publique, mais aussi entre administration territoriale et administration de l’État", figure parmi les gains attendus par le ministère.

Mais la petite subtilité de la réforme est ailleurs. Après janvier 2022, l’usager pourra toujours déposer s’il le souhaite sa demande au format papier à la mairie. Il s'ensuivra donc une phase de double flux de documents papier et de documents numériques, qu'on sait peu pratique à gérer et associer en un tout cohérent. Les premiers retours en la matière de Paris, première ville à dématérialiser depuis avril dernier les autorisations d'urbanisme, sont précieux et semblent confirmer que ce double flux ne sera pas longtemps tenable. "Sinon les retours des services instructeurs sont bons, même s'il faut veiller à ce qu'une telle innovation ne bouscule pas le management et répondre aux craintes exprimées par les agents", glisse-t-on au ministère. Connue ailleurs, la crainte d'un sentiment de "flicage" accru sera à désamorcer. Pour le reste, l'enthousiasme se mêle à la crainte du changement car à terme, le temps gagné en réduisant des tâches "à faible valeur ajoutée" sera forcément mis au profit d'autres missions (dialogue usagers, animation, conseil).

Stratégie modulaire

Les collectivités conserveront leurs propres systèmes d'information (SI) pour instruire les demandes. Et la main sur la complétude des dossiers. Sauf qu'au lieu de se connecter à leur SI, l'usager passera par un hub développé par le ministère sous le nom de Plat'au et attendu au premier trimestre 2020. La greffe des SI des collectivités et services instructeurs à cette plateforme d'échange et de partage, qui offrira à l’ensemble des acteurs concernés par le processus d’instruction un accès en temps réel aux dossiers, prendra progressivement durant la phase de déploiement en 2021. A cette première brique d'une approche modulaire s'ajoute une seconde, avec le portail d’assistance - non de transmission, la saisie n’y vaut pas dépôt légal - aux demandes d’autorisation d’urbanisme (Adau). Il vient d’être lancé sur le site Service-public.fr. Son "parcours" guide l’usager et l’oriente à travers des entrées simples à partir du nom de la commune, du type de travaux à réaliser, avec des questions et champs automatiquement renseignés (servitudes rencontrées dans le secteur). La barre des 500 dossiers remplis par ce biais électronique est en passe d'être atteinte. Dès 2020, il sera possible de remplir entièrement son dossier en ligne sans se déplacer en mairie, du moins "pour les communes qui en feront le choix". 

Troisième brique, optionnelle, un espace d’échange, baptisé Rie'au, entre l’usager, la commune et le service instructeur mais réservée à des cas particuliers, lorsque la commune est au règlement national d’urbanisme (RNU) et que les demandes d’autorisations d’urbanisme sont instruites par les services de l’État. Si cela ne pose pas de souci de sécurité, l’État publiera le code source pour que des collectivités puissent s'approprier Rie'au et le décliner. "Pour développer ces briques, un grand chantier de toilettage juridique, de standardisation et d'interopérabilité des solutions et d'accompagnement du changement, a donc démarré. Quatre éditeurs de logiciels et une dizaine de directions départementales des territoires – les DDT des Bouches-du-Rhône, Eure, Haute-Garonne, Loire-Atlantique, Moselle, Rhône, Sarthe, Seine-Maritime, Seine et Marne, Deux-Sèvres, Essonne, Val d’Oise – sont volontaires pour expérimenter ces solutions, informer et sonder les besoins des collectivités. La métropole de Lyon est également volontaire pour se raccorder.

Montée en débit

Pour capitaliser sur l’expérience de nombreux partenaires et "harmoniser les connaissances sur l’état du projet de dématérialisation", le ministère compte aussi sur la dynamique du réseau Urbanisme et Numérique, à l'initiative d'une charte d'engagement et auquel l’Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et l’Assemblée des communautés de France (ADCF) sont associées depuis le printemps dernier (voir notre article du 26 avril 2019). Un webinaire du CNFPT destiné aux collectivités et entreprises est par ailleurs prévu le 24 septembre. Plus une présence accrue sur le sujet lors du prochain congrès des maires. Les formations vont aussi fleurir sur les conséquences juridiques d'une telle dématérialisation. Se poseront, enfin, des problèmes de performance et d'évolutivité des services : "Nous n'outillerons pas les collectivités mais, face à la grande diversité des situations, nous formulerons des préconisations pour qu'elles équipent les services instructeurs de moyens adaptés (débit internet, doubles écrans informatiques)", conclut-on au ministère.