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Associations sportives cherchent subventions désespérément

La crise sanitaire a durement touché le secteur associatif sportif. Alors qu'aucun dispositif d'État spécifique ne leur est venu en aide, les fédérations se sont portées à leur secours. Chacune avec ses moyens. Trois d'entre elles témoignent :  la FF basket-ball, FF rugby et FF tir à l'arc.

Selon une enquête du Cosmos (Conseil social du mouvement sportif, représentant les entreprises et associations employeuses), les pertes cumulées des structures sportives hors sport professionnel sont estimées à 184 millions d'euros. En cause : pertes de recettes aux guichets faute de rencontres, annulations des évènements ponctuels – nombreux au printemps, ils rapportent en moyenne 10.000 euros à chaque club amateur –, désengagements de partenaires économiques locaux eux-mêmes touchés par la crise.

"Plus solidaire" ?

Face à ce désastre, aucune réponse spécifique du ministère des Sports. Les associations employeuses ont bénéficié des dispositifs de droit commun (fonds de solidarité TPE, prêt garanti par l'État…). Les collectivités locales, premiers financeurs du sport en France, ont maintenu leurs aides aux clubs. Et l'Agence nationale du sport ? Son directeur général, Frédéric Sanaur s'est expliqué le 3 juin devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale : "16.000 clubs et 5.000 emplois ont été repassés au crible d'une dimension plus solidaire." Traduction chiffrée : environ 120 millions d'euros auraient été "réorientés". 

Les fédérations sont ici à la manœuvre. Par le biais des projets sportifs fédéraux (PSF), elles disposent d'une grande partie des fonds de l'Agence nationale du sport (ANS). Alors, réorientation "plus solidaire" ? Jean-Pierre Siutat, président de la FF basket-ball : "Nous avons une enveloppe d'environ deux millions d'euros de l'ANS, dédiés à notre PSF. Nous n'avons pas détourné ce qui était prévu initialement à cause du Covid." Alexandre Martinez, trésorier de la FF rugby : "Les ressources de l'ANS fonctionnent sur le mode d'appels à projets. Nous avons conservé cette année ce principe pour les ventiler. Notre plan de relance ne modifie pas cette approche." La réorientation post-Covid des crédits de l'ANS, un vœu pieu ? Sandrine Vandionant, directrice du développement à la FF tir à l'arc, nuance à peine : "Nous allons recevoir environ 600.000 euros de l'ANS cette année, dont 47% fléchés vers les clubs. 180 structures ont fait une demande de subventions. Pour les attribuer, nous restons sur les critères définis par notre PSF que nous allons élargir pour prendre en compte des actions permettant le développement de la pratique post-confinement." Sandrine Vandionant ajoute : "Cette enveloppe sera complétée sur les fonds propres de la fédération."

"Plan Marshall"

Le voilà, le véritable plan de soutien au sport. Les fonds propres dans lesquels les fédérations vont puiser pour aider leurs clubs et instances déconcentrées. La FF de football met 30 millions sur la table. La FF tennis, 35 millions d'euros. Financés en partie par un emprunt l'année où elle doit reporter le tournoi de Roland-Garros, 80% de son budget. Même montant record pour la FF rugby. 35 millions exclusivement pour les clubs amateurs. "Un plan Marshall". Alexandre Martinez : "Pour soulager le budget des clubs, nous avons interrompu la collecte des prélèvements de cotisations, assurance, etc., au 1er avril pour la saison en cours et nous les supprimons pour la saison 2020/21. Cet effort a été rendu possible par notre bonne santé financière. Nous avons aussi optimisé notre fonctionnement. L'intégralité du plan de relance pour 2019/20 sera financée par les ressources de l'exercice et par notre fonds d'assurance. Nous serons donc à l'équilibre avec un budget de 115 millions d'euros. Pour la saison prochaine, en revanche, le budget prévoit un déficit d'environ 5,5 millions, amorti par nos fonds propres."

La FF basket-ball a moins de moyens. Jean-Pierre Siutat : "On a mis tout ce qu'on a pu. Nous avons créé un fonds spécial de deux millions d'euros dédié à ce que l'on appelle le retour au jeu. Un million ira aux clubs, 500.000 euros aux comités départementaux et 500.000 euros aux ligues régionales pour acheter des terrains de 3X3 démontables de façon à reprendre le jeu en extérieur alors qu'aujourd'hui les salles ne sont pas disponibles." Cet investissement, la FF basket-ball va le payer cher. Elle terminera la saison en léger déficit. Pour la prochaine, son budget devrait passer de 38 à environ 28 millions. Jean-Pierre Siutat ne le regrette pas : "On veut permettre à des clubs qui ont envie de se relancer de le faire, tout simplement."

Alexandre Martinez mesure l'effort réalisé par sa fédération. Et s'en réjouit : "Pour les clubs les plus fragiles, l'impact du plan de relance représentera 20 à 25% de leur budget, voire plus. C'est très conséquent. En tant que trésorier, je suis assez fier d'arriver à dégager un plan de relance de 35 millions d'euros."

"Révoltez-vous !"

Revenons à l'ANS. À défaut de moyens supplémentaires, elle adapte ses dispositifs. Et son calendrier, revu pour "coller au mieux aux problématiques et aux attentes". Le 25 juin, son conseil d'administration se prononcera sur un fonds d'urgence. En fait, une "reventilation d'un certain nombre de crédits" en direction des clubs. Les plus petits, sans salariés. Pour les aider à franchir le cap de la rentrée. Et après ? Frédéric Sanaur : "À moyen terme, une action de relance du sport devra être débattue et construite. Elle viendra influer notre budget 2021." 

Lors de l'audition devant la commission des affaires culturelles, le député de la Loire Régis Juanico lance aux représentants de l'ANS : "Révoltez-vous ! C'est le moment de revendiquer plus de moyens financiers et humains." Le député de la Loire, grand connaisseur du dossier, propose le vote d'un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR 3). De façon à "augmenter de façon pérenne les ressources financières de l'ANS de 100 millions d'euros".

François Cormier-Bouligeon, député du Cher et président du groupe d'étude sur le sport : "Faut-il plus de crédits [pour l'ANS] ? Nous le pensons. Beaucoup de députés de la majorité sont favorables à un déplafonnement des taxes affectées. Qu'en pensez-vous ?" Frédéric Sanaur botte en touche.

"On est mal servis"

On résume. Des fédérations qui puisent dans leurs réserves et se serrent la ceinture. Un ministère des Sports qui s'en remet à l'ANS. Une ANS qui attend son budget 2021. Sans oser demander un déplafonnement de ses taxes affectées. Et tandis que le PLFR 3 prévoit un plan en faveur du secteur culturel de 1,3 milliard d'euros, rien pour le sport. Pas prioritaire. Le sport, combien de divisions ? Moins de 2% du PIB.

Rien pour le sport, vous le regrettez ? Jean-Pierre Siutat : "À votre avis ? La réponse est oui. Il faut qu'on soit soutenu. Depuis toujours on dit qu'on est mal servis. On sait nous appeler sur les dispositifs 2S2C. Les sports collectifs cumulent plus de 100.000 éducateurs diplômés, c'est intéressant de les mettre à disposition des territoires pour encadrer ces activités périscolaires. On nous sollicite mais il n'y a rien en retour. C'est la façon dont le sport, une fois de plus, est traité." Alexandre Martinez prend la balle au bond : "Les mesures qui ont touché tous les secteurs d'activité, le sport en a bénéficié également. Mais il serait souhaitable que l'État fasse davantage."

Reste l'appel à la générosité publique. Plusieurs institutions, dont l’ANS et les associations représentant les collectivités locales, ont lancé l’opération Soutiens ton club. Une plateforme de dons au bénéfice des associations sportives. Des centaines se sont inscrites. La plupart attendent toujours leur premier euro.