Armement des polices municipales : une clarification et des dérogations
Plusieurs textes relatifs à l'armement des polices municipales, particulièrement attendus, ont été publiés en toute fin d'année : la sortie de l'expérimentation du prêt de Manhurin est enfin balisée ; les obligations d'entraînement au maniement des armes sont assouplies pour 2020 (sic) et 2021 ; des dérogations aux formations préalables sont aménagées, principalement au bénéfice des policiers nationaux et gendarmes détachés ou directement intégrés dans le cadre d'emplois des agents de police municipale.
Cette fois les choses sont claires. Après avoir été prolongée dans la précipitation jusqu'au 31 décembre 2020 par un décret du 2 mai 2020 et avoir donné lieu à une circulaire le 25 juin, l'expérimentation du prêt de revolvers 357 magnum par l'État aux polices municipales des communes volontaires, mise en œuvre par un décret n°2015-496 du 29 avril 2015, prendra définitivement fin au plus tard le 31 décembre 2021.
Les Manhurin prêtés par l'État définitivement cédés aux collectivités ou détruits au plus tard le 31 décembre 2021
Un décret du 29 décembre, publié in extremis le 31 décembre, dispose en effet que les communes auxquelles de telles armes ont été temporairement remises par l'État sont autorisées à les détenir jusqu'à la date de leur acquisition (cession à l'amiable, consentie par le préfet au prix fixé par le directeur départemental des finances publiques ou, en région Île-de-France, par le chef du service à compétence nationale chargé des ventes mobilières) ou de leur restitution à l'État, pour destruction (sic), devant intervenir au plus tard le 31 décembre prochain. En cas d'acquisition, les agents de police municipale conservent le bénéfice de l'autorisation de port de cette arme dans ce même délai.
Logiquement, le décret ajoute en outre ces revolvers à la liste des armes que les agents de police municipale sont autorisés à porter.
Maniement des armes : une seule séance d'entraînement annuelle en 2020 et 2021
Afin de tenir compte des conséquences de la crise sanitaire – soulignées notamment dès avril par Gaël Perdriau, président de la commission Sécurité de l'association France Urbaine et maire de Saint-Étienne lors d'une audition à l'Assemblée nationale –, un arrêté du 23 décembre, publié le 27, permet de déroger temporairement au nombre de séances d'entraînement annuel au maniement des armes des agents de police municipale.
Tenus normalement à deux séances annuelles, les agents n'auront à effectuer au minimum qu'une seule séance au titre de l'année 2020 – qui pourra en outre être effectuée jusqu'au 31 mars 2021 – pour les revolvers, pistolets (7,65 mm ou 9mm), armes à feu d'épaule et armes de poing tirant une ou deux balles ou projectiles non métalliques et dont le calibre est au moins égal à 44 mm, pistolets à impulsions électriques (PIE), générateurs d'aérosols incapacitants ou lacrymogènes (cat. B), "bâton de défense" ou "tonfa", matraques ou tonfas télescopiques (cat. D), et armes à feu tirant une ou deux balles ou projectiles non métalliques et dont le calibre est au moins égal à 44 mm (cat. C). Ils ne seront en outre tenus à tirer sur la même période qu'au moins 50 cartouches pour les revolvers ou pistolets (7,65 mm ou 9 mm), au moins 4 cartouches pour les armes à feu d'épaule et armes de poing tirant une ou deux balles ou projectiles non métalliques et dont le calibre est au moins égal à 44 mm (cat. B), et au moins 2 cartouches d'entrainement et 2 cartouches opérationnelles pour les PIE.
En 2021, une seule séance sera à nouveau requise, qui devra cette fois se dérouler au plus tard le 31 décembre 2021. Le nombre de cartouches devant être tirées sur la période est identique à celui de 2020.
La formation préalable également aménagée
Un second arrêté du 23 décembre, publié lui le 30, aménage partiellement la formation préalable à la délivrance d'un port d'arme.
Il dispose des durées de formation et un nombre de tirs minimum réduits pour les fonctionnaires d'un corps des services actifs de la police nationale détachés ou directement intégrés dans le cadre d'emplois des agents de police municipale et pour les militaires de la gendarmerie nationale détachés dans ce cadre d'emplois :
- 12 heures et 100 cartouches minimum pour le module de formation relatif aux revolvers du 1° de la catégorie B (contre 45 heures et 300 cartouches minimum normalement). Les agents dotés d'une autorisation de port d'une arme de poing chambrée pour le calibre 7,65 mm ou pour le calibre 9 × 19 (9 mm Luger) du 1° de la catégorie B bénéficieront de cette même souplesse ;
- 6 heures (avec tir de 50 cartouches minimum) pour le module de formation relatif aux armes de poing chambrées pour le calibre 7,65 mm ou 9 mm Luger du 1° de la catégorie B (contre 45 heures et le tir de 300 cartouches minimum normalement) ;
- 12 heures (contre 30 heures) pour le module de "bâton de défense" ou "tonfa" ;
- 6 heures (avec le tir d'une cartouche d'entraînement) pour le module relatif aux PIE (contre 18 heures et le tir de 3 cartouches d'entrainement et d'une cartouche opérationnelle normalement).
Le tout à la condition que ces agents détiennent une habilitation en cours de validité à la pratique de l'arme correspondante et qu'ils ne fassent pas l'objet de restrictions relatives au port de cette arme.
Il réduit de quatre à deux ans la durée d'exercice dans les cadres d'emplois de la police municipale au 31 décembre de l'année de la sélection nécessaire pour que les agents de police municipale, lorsqu'ils sont titulaires du diplôme de moniteur en intervention professionnelle de la gendarmerie nationale ou de formateur en technique de sécurité en intervention de la police nationale, à jour de leur recyclage, puissent être admis à suivre la formation prévue pour l'obtention du certificat de moniteur de police municipale en maniement des armes. Cette formation, d'une durée de 180 heures, est par ailleurs réduite à 30 heures pour ces mêmes agents, avec un contenu modifié.
Les mêmes aménagements sont entérinés pour la formation prévue pour l'obtention du certificat de moniteur de police municipale aux bâtons et techniques professionnelles d'intervention (durée d'exercice de 2 ans seulement au lieu de 4 pour les agents sus évoqués, avec une durée de la formation réduite de 90 heures à 30 heures).
Enfin, faute d'adopter les moyens à la réglementation, il adapte cette dernière à l'absence de moyens en disposant par ailleurs que l'autorisation de port de "bâton de défense" ou "tonfa" délivrée aux agents de police municipale avant le 1er juillet 2017 demeure valable jusqu'à ce que ces agents aient suivi la formation à l'usage de cette arme au plus tard le 1er avril 2021, et non plus le 1er juillet… 2020 ! Comme le pointait dès 2018 le député Louis Alliot, nombre d'agents ne sont en effet pas en mesure de suivre la formation idoine faute de places disponibles. Des "bouchons" récemment dénoncés dans nos colonnes par Cédric Renaud, président de l'Association nationale des cadres territoriaux de la sécurité (ANCTS), qui avait par ailleurs alerté le gouvernement sur l'absence de suivi de l'expérimentation "Manhurin".
Références : décret n° 2020-1775 du 29 décembre 2020 modifiant le code de la sécurité intérieure et relatif à l'utilisation par les agents de police municipale des revolvers chambrés pour le calibre 357 magnum ; arrêté du 23 décembre 2020 portant dérogation temporaire au nombre de séances d'entraînement annuel au maniement des armes des agents de police municipale ; arrêté du 23 décembre 2020 modifiant l'arrêté du 3 août 2007 relatif aux formations à l'armement des agents de police municipale et aux certificats de moniteur de police municipale en maniement des armes et de moniteur de police municipale en bâtons et techniques professionnelles d'intervention. |