Sports - Arielle Piazza : "Le CNDS devra faire la preuve de sa capacité à aller à l'essentiel"
Arielle Piazza a été nommée présidente du CNDS (Centre national pour le développement du sport) le 21 décembre dernier. L'adjointe au maire de Bordeaux chargée des sports et ex-vice-présidente de l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport) accueille cette nouvelle responsabilité comme une suite logique de ses engagements en faveur de l'action sportive territoriale.
Localtis - Votre nomination à la présidence du CNDS est-elle une reconnaissance de votre travail au sein de l'Andes depuis de nombreuses années ?
Arielle Piazza - J'ai du mal à le dire. En revanche, je pense que cela arrive au bon moment. J'ai l'expertise du terrain après deux mandats auprès du maire de Bordeaux. J'ai aussi une vraie expérience de l'évolution du sport, qui va très vite, avec des moyens contraints pour tout le monde. Quant à mon expérience de vice-présidente de l'Andes, elle m'a ouvert un champ plus large. Les retours de communes aux profils et problématiques très différents m'ont amenée à avoir une réflexion élargie. Cette nomination arrive donc dans la continuité de mes engagements. Et il s'avère que ceux-ci s'inscrivent totalement dans la politique que Laura Flessel, ministre des Sports, souhaite mener en faveur du développement du sport pour toutes et tous. Je me sens donc bien à cette place.
A propos de budget contraint, celui du CNDS est en baisse d'environ 50% pour l'année 2018. Comment continuer à aider le mouvement sportif et les collectivités dans ces conditions ?
Cela ne va pas être simple. Le budget est encore plus contraint que ce que j'imaginais. Il va falloir faire des choix et se montrer sélectifs dans les priorités en optimisant l'effet levier du CNDS. C'est un budget de transformation. Cette mandature doit être un accélérateur d'idées et de projets dans les champs sociaux, environnementaux ou économiques. Nous devons travailler à une organisation du sport rénovée, avec par exemple l'outil numérique pour toucher des publics éloignés de la pratique, des projets d'innovation sociale, une réflexion sur la période préolympique. Cela implique une nouvelle dynamique et du courage. Cela va donc m'amener à aller plus loin avec tout le monde. Cela tombe bien, le CNDS est un espace précieux, où l'on peut débattre entre l'Etat, le mouvement sportif et les collectivités.
Allez-vous militer pour que l'enveloppe consacrée aux équipements, considérablement réduite ces dernières années, soit sauvegardée ?
Les équipements sont une priorité. Ce sont des outils de développement. Or notre parc d'équipements est souvent obsolète, il faut rénover et construire. Le sport répond à un enjeu social fondamental, que ce soit dans le bien-vieillir, la santé, l'apprentissage, l'éducation… Sans équipements, c'est très compliqué de mener des actions. Pour développer le savoir-nager, il faut des piscines. Pour sensibiliser à la dimension santé du sport-loisir ou répondre aux rythmes scolaires, il faut aussi des équipements. Je pense à tous les élus sous-équipés. Bien sûr, on va leur apprendre à optimiser les équipements. Mais il n'empêche qu'on sera contraint. Et les crédits diminués dans ce champ, cela nous inquiète.
Quelles solutions envisagez-vous ?
La réponse est dans la recherche de partenariats privés. C'est une musique qu'on entend aussi sur le territoire. Je tiens moi-même ce discours aux clubs. Il ne faudra plus trop compter sur l'argent public. Travailler à un sport rénové, c'est justement dans cette dimension : comment trouver des financements qui viendraient du secteur privé ? Mais pour autant, nous devons pouvoir gérer une part publique et une part privée. Encore une fois, le CNDS a un effet levier incontournable et je souhaite que l'Etat soit présent, c'est une manière d'accompagner sur les territoires ce vecteur de performance sociale et économique qu'est le sport. Je vois mal l'Etat disparaître.
En 2017, le CNDS avait voulu favoriser l'innovation en matière d'équipements. Un seul projet a été retenu dans ce cadre. Comment faire émerger plus de projets innovants ?
Il faut introduire davantage de flexibilité. Et c'est là que les fédérations vont devoir travailler avec nous. Cela passe par plus de transversalité et de projets multisports. Il faut recenser tout ce que l'on fait, tout ce que les fédérations font pour aller dans le sens du développement de la pratique. Si on veut atteindre l'objectif de trois millions de pratiquants supplémentaires d'ici 2024, il faut mettre en place des dispositifs qui le permettent. Donc l'innovation s'impose, notamment dans la pratique libre. Il y a aussi des moyens de développer l'innovation dans les fédérations en positionnant mieux les licences loisir. Les fédérations doivent faire leur révolution pour s'ouvrir au grand public. Et tout cela impliquera de nouveaux équipements.
Les zones rurales font partie des territoires prioritaires pour le CNDS. Pourtant les montages de projets sont complexes pour les petites communes. Comment mieux les accompagner ?
Que ce soit à l'Andes ou au comité de programmation du CNDS, nous voyons désormais beaucoup de projets portés par des intercommunalités. On observe une volonté des mutualiser les forces. L'avenir est dans l'intercommunalité. Après, il faut trouver le bon modèle selon la situation géographique et économique de ces zones rurales. Je vois des maires s'organiser entre eux, pour ne pas être seuls. Mais l'intercommunalité, il faut la gérer. Celle implique des déplacements, des coûts de fonctionnement. Cela passe donc par une organisation du sport différente. Aujourd'hui, on ne peut pas envisager qu'une commune rurale ait son équipement, elle doit le partager avec d'autres.
Finalement, quels sont les bons critères de subvention en matière d'équipements sportifs ?
D'abord le sport féminin. Je voudrais vraiment que ça change. Tout un public a l'impression de ne pas trouver sa juste place dans les équipements. Les femmes attendent un traitement équitable, avec des horaires qui leur conviennent. Aujourd'hui, elles ont les miettes du sport masculin, en prenant les créneaux tardifs, après 21 heures, quand il reste de la place. Il faut donc travailler à l'accueil des femmes pour que toutes puissent pratiquer. L'autre critère est l'accueil du handisport. A travers les groupes de travail sur la nouvelle gouvernance du sport, on va pouvoir parler avec des experts extérieurs pour élargir le développement du handisport. Les piscines restent aussi une priorité. Le savoir-nager, c'est de la sécurité. Mon ambition, et celle de Laura Flessel, est que tous les petits Français sachent nager. Or aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Le critère multisports est également important, car pour répondre à tous les enjeux, des salles multisports doivent être présentes sur le territoire. Cela faisait partie des axes prioritaires d'avant, il faut les poursuivre, peut-être en réduisant les critères parfois trop nombreux. Le CNDS devra faire la preuve de sa capacité à aller à l'essentiel.