Après l'incendie de Notre-Dame, Paris majore de 50% son plan pour la rénovation des églises
La ville de Paris devrait dégager une nouvelle enveloppe de 42 millions d'euros dans le cadre de son plan en faveur de la rénovation du patrimoine religieux. Mais le sujet a provoqué de vifs débats au conseil du 11 juin 2019. Débats qui renvoient à la question plus large du retour des communes vers l'entretien de leur patrimoine religieux.
Alors que la commission mixte paritaire réunie le 4 juin sur le projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris n'est pas parvenue à trouver un accord entre députés et sénateurs – le blocage portant sur l'article 9, supprimé par le Sénat, instaurant des dérogations et ouvrant de facto la querelle des anciens et des modernes –, une nouvelle polémique se fait jour sur l'entretien du patrimoine religieux de la capitale.
75 "petites Notre-Dame" en grande souffrance
Le groupe Les Républicains et Indépendants (LRI) au sein du conseil de Paris propose en effet le lancement d'un "plan de sauvetage" du patrimoine cultuel. Dans un dossier très fouillé, intitulé "L'entretien du patrimoine cultuel : une obligation morale et légale", le groupe évoque, photos à l'appui, "75 'petites Notre-Dame' en grande souffrance". Ces 75 monuments représentent une grande partie des 96 édifices cultuels dont la ville est propriétaire (85 églises, 9 temples protestants et 2 synagogues), sans compter les 40.000 œuvres d'art répertoriées dans les églises parisiennes.
Au passage, le dossier pointe la mise en œuvre du plan de 80 millions d'euros sur cinq ans pour l'entretien et la restauration des églises de la capitale, lancé en 2015 (voir notre article ci-dessous du 14 avril 2015). Selon le groupe LRI, "l’état d’avancement du plan Églises demeure opaque. Aucun bilan n’a été? publié". L'engagement réel de la ville ne serait que de 30 millions d'euros et toute une série de travaux programmés ne seraient pas engagés, dont ceux concernant La Madeleine, Saint-Eustache, La Trinité ou Notre-Dame-de-Lorette.
Le plan du groupe LRI prévoit que la ville s'engage à traiter en priorité onze églises "en urgence absolue", pour un montant estimé à 200 millions d'euros. Le groupe présentera, lors du prochain conseil de Paris, un vœu demandant que les 50 millions d'euros dégagés par la ville pour participer à la reconstruction de Notre-Dame de Paris (propriété de l'État) soient réorientés vers les autres églises parisiennes. À plus long terme, "la prochaine équipe municipale devra être en mesure d’atteindre un effort financier de 33 millions d’euros par an en cohérence avec les estimations des experts. Cela représente 0,35% du budget de la collectivité? parisienne".
Une rallonge de 42 millions d'euros
La proposition du groupe LRI n'a pas manqué de faire réagir la mairie de Paris. Pour Rémi Féraud, président du groupe Socialistes et apparentés, "il serait incompréhensible que Paris ne participe pas à la restauration de ce monument emblématique [Notre-Dame de Paris, ndlr], qui fait partie de l'âme et de l'image de notre ville, alors que des collectivités ont proposé des fonds" (même si Lyon a décidé, le 20 mai, de renoncer à sa subvention de 200.000 euros, imitant en cela d'autres collectivités). Pour sa part, Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d'Anne Hidalgo, affirme que les 80 millions d'euros prévus seront bien consommés, mais en tenant compte de l'année 2020. Il reconnaît toutefois la difficulté à tenir les délais annoncés et invoque notamment le nombre très réduit d'entreprises et de prestataires qualifiés capables de poser des échafaudages sur des monuments historiques et de mener des travaux délicats par nature.
Conscient de la portée des critiques, le premier adjoint annonce toutefois une rallonge budgétaire de 42 millions d'euros. Celle-ci devrait figurer dans le budget supplémentaire qui doit être voté en juillet. Selon Karen Taïeb, l'adjointe à la maire de Paris en charge du patrimoine, "entre 2015 et 2020, la ville de Paris aura engagé 140 millions d'euros d'investissements, dont 80 millions d'euros seront exécutés sous la mandature, le reste venant après".
Au-delà du cas de Paris, cette polémique pose à nouveau la question de l'attitude et de l'engagement des communes vis-à-vis de leur patrimoine cultuel (voir notre article ci-dessous du 23 avril 2019). Sur ce point, l'incendie de Notre-Dame ne peut que servir d'électrochoc. Pour mesurer le hiatus qui peut parfois exister sur cette question, on rappellera simplement les propos de David Nicolas, pourtant co-président du groupe de travail "Patrimoine" de l'AMF (et maire d'Avranches), expliquant dans le JDD du 21 avril, moins d'une semaine après l'incendie de Notre-Dame, que "les restrictions budgétaires nous obligent à faire des choix. Nous préférons donc investir dans les écoles, les équipements sportifs ou les voiries"...