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Industrie - Alstom : les élus rappellent à l'Etat une commande "oubliée" de 30 trains Intercités

Réunion de crise à Bercy ce jeudi : le ministre de l'Economie, Michel Sapin, et le tout nouveau secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christophe Sirugue, recevaient le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, pour "lui demander des explications" au lendemain des annonces concernant l'arrêt de la production de trains à Belfort d'ici à 2018… L'activité du site serait transférée de la production de trains de son usine de Belfort (Territoire de Belfort) à Reichshoffen (Bas-Rhin) et les salariés redéployés vers d'autres sites.
Le constructeur ferroviaire justifie sa décision par une baisse de son carnet de commandes. 400 salariés sur les 500 qu'emploie le site historique de construction du TGV seraient concernés. Soit, ironie du sort, exactement le nombre de personnes qui seront employées aux Etats-Unis pour satisfaire la commande "historique" de la compagnie américaine Amtrak, annoncée le 26 août, concernant 28 TGV de nouvelle génération pour la ligne Boston-Washington ! En amont de la réunion de jeudi, Christophe Sirugue a regretté "une annonce qui est à la fois brutale et sans concertation", alors que l'Etat détient 20% des droits de vote d'Alstom. 

Parfum de scandale

L'affaire a un parfum de scandale après les nombreuses vicissitudes que connaît le groupe depuis deux ans, avec la cession de sa branche énergie au profit de l'américain General Electric dans des conditions rocambolesques relatées notamment par le journaliste Jean-Michel Quatrepoint dans son livre "Alstom, scandale d'Etat" paru en 2015. Selon lui l'accord de cession approuvé par Emmanuel Macron en novembre 2015 est allé bien au-delà des engagements pris par son prédécesseur, Arnaud Montebourg, en mettant la filière nucléaire française sous dépendance américaine. Est venue se greffer la polémique sur le salaire et le montant de la retraite de l'ancien patron d'Alstom, Patrick Kron, qui a cessé ses fonctions au 31 janvier 2016… Un salaire qui, pour la période 2015-2016 comprenait notamment une "rémunération brute variable exceptionnelle" de 4,45 millions d'euros… conditionnée à l'aboutissement de la vente à General Electric.
Aux manettes au moment de cette vente, Patrick Kron avait assuré de la bonne santé de la branche transports du groupe. "Alstom Transport a devant lui un carnet de commandes de 25 milliards d'euros qui représente quatre années de ventes (…). Quand on me parle d'un Airbus du ferroviaire, j'ai envie de dire que nous sommes cet Airbus, puisque nous avons des usines dans toute l'Europe !", avait-il claironné dans les colonnes de l'Est républicain, en juin 2014. Or Alstom estime aujourd'hui à 30% la baisse de commande sur les sites français du groupe d'ici à 2018.

Aucune information sur la commande de 30 trains

Pour le secrétaire d'Etat à l'Industrie, la baisse du carnet de commandes est "une période difficile (...) qu'il nous faut franchir, mais ce n'est pas la fin non plus de la filière ferroviaire dans notre pays". Mais les élus locaux, toutes tendances confondues, mettent l'Etat devant ses propres responsabilités. Ils dénoncent le non-respect d'une commande de 30 TET (trains Intercités) livrables en 2018 annoncée par le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, le 19 février dernier "dans le cadre du marché existant entre SNCF Mobilités et Alstom". "Au moment où nous écrivons, soit plus de six mois après cette annonce, aucune information concernant la commande concrète de ces 30 nouvelles rames n'a pu être vérifiée", s'offusquent en effet dans un courrier adressé au président de la République, le 7 septembre, 13 élus, députés, sénateurs et maires de la région, dont le député-maire LR de Belfort, Damien Meslot (voir le courrier ci-contre). "Au-delà de la simple question du non-respect du calendrier annoncé, une autre inquiétude nous habite, celle du non-respect de la parole donnée, celle de la parole de votre ministre, celle de la parole de l'Etat", poursuivent les signataires. Christophe Sirugue recevra "dès le début de la semaine prochaine les organisations syndicales ainsi que les élus locaux", a fait savoir Bercy, jeudi, à l'issue de la rencontre.